Wardruna - Runaljod - Yggdrasil

Entendons-nous bien : nous n'avons aucune idée de ce à quoi ressemblait la musique des anciens Scandinaves.

Entendons-nous bien aussi  : la série Vikings sur la BO de laquelle apparaît le groupe est aussi fidèle à la réalité de l'époque que Christian Clavier en Gaulois. Mais bon, y'a Katheryn Winnick, alors ça passe.

Entendons-nous bien encore: Gaahl ex-Gorgoroth, actuel membre de God Seed a quitté le groupe, il y a peu.

Mise au point faite.

Wardruna (gardiens des runes) se fonde en 2003 en Norvège sous l'impulsion de Einar Selvik (aka Kvitrafn), ancien batteur de... Gorgoroth.

Outre la volonté de réinventer ou de redécouvrir (plus balaise là) les entrailles de la musique européenne, Wardruna base sa musique sur l'interprétation des runes du Futhark (prononcer " voutark" merci). Le Futhark est l'alphabet runique des anciens peuples germaniques (scandinaves mais aussi goths) avec lequel ils écrivaient finalement fort peu, à part pour graver des épitaphes sur des pierres levées. Mais les runes sont aussi des sigils, des signes magiques. C'est même leur origine et leur fonction première : être utilisées pour la divination ou pour créer des artefacts (comme des amulettes) en les gravant sur des objets. Rien d’étonnant alors à ce que la musique des Norvégiens soit éminemment mystique.

Utilisant des instruments ancestraux comme le lur (une trompe dont on retrouve la trace dans les sagas islandaises), la klavykyra (sorte de lyre) et des percussions tribales, Wardruna chante également en vieux norrois, la langue des Vikings, pour raccourcir le propos... Certains titres de la présente plaque ont même été enregistrés en extérieur pour « faire plus authentique ».

Question crédibilité, on peut difficilement faire mieux donc.

Le premier opus sorti en 2009 (Runajold - Gap Var Ginnunga) avait déjà produit son petit effet. Runajold - Yggdrasil (l'arbre-monde des anciens Scandinaves) en reprend les ingrédients tout en étant moins ambiant. En effet ce deuxième album se fait bien plus rythmique, bercé sans cesse par une pulsation chamanique.

Nous avons toujours droit évidemment à ce chant triple, habité et souvent scandé, créant une dimension onirique mais aussi inquiétante.

Ces vocaux, véritables moteurs du groupe, se font alors bien plus puissants que sur son prédécesseur où il n'était parfois que bourdonnements en sourdine. Sur "Fehu", ce sont les hululements de Lindy Fay Hella qui nous plongent au cœur des splendeurs d'une forêt enneigée, à courir après un renne, le squeg à l'air (le skëg en vieux norrois).

Car la musique des Norvégiens est éminemment évocatrice, presque cinématographique, oserai-je dire. Donner une description précise de chaque morceau de la plaque, outre la difficulté de l'exercice, enlèverait alors une bonne partie de sa magie.

Car le son de Wardruna ne s’explique pas, ne se décortique pas mais se ressent comme un tout au gré de la sensibilité de chacun. Ou vous plongez dedans ou vous passez à côté, pas de demi-mesure.

Un mot, encore pour conclure. Pour les avoir vus en vrai lors du Ragnard Rock Fest, cet été, je peux vous assurer d'un voyage que vous vous rappellerez pendant longtemps.

Il reste maintenant à attendre la dernière partie de cette trilogie commencée il y a six ans de cela...

Crom-Cruach

le 30/10/2015