Shining (nor) + Mantra le 11/09/2017, Ferrailleur, Nantes (44)

Shining (nor) + Mantra (report)

Mine de rien, c'est bien la première fois que je remets les pieds à Nantes pour un concert depuis que je l'ai quitté il y a un peu plus de deux ans ! C'est au moment où je remets les pieds au Ferrailleur que je me rends compte à quel point j'ai eu bien tort de ne pas avoir pris le temps de le faire car il faut admettre qu'il s'agit d'une petite salle sympathique. Certes, ce n'est pas le grand luxe : modeste de taille et de service mais elle est néanmoins dotée d'une scène et équipement sonore somme toute raisonnables pour de bonnes conditions de concert (un point qui n'aura fait défaut à aucun moment durant la prestation des deux groupes à l'affiche). Tant pour un groupe que pour le public qui jouit des avantages de la promiscuité, notamment sur le fait d'avoir l'occasion de profiter de sa soirée au pied de la scène, sans qu'une barrière gênante vienne faire obstacle. Et puis, tant que le groupe est bon, bénéficie d'un bon son et qu'il y a de la bière au bar, il n'y a aucune raison de faire les fines bouches. En cela, je ne vais pas me plaindre de mon choix d'escapade : les Norvégiens de Shining ont de beaux arguments à déployer pour qu'on soit acquis à sa cause. Moi qui m'étais sentie lésée de l'empêchement d'ordre personnel m'ayant privée de Metaldays cet été en Slovénie, c'était un peu ma revanche. Car du Metaldays, si j'avais pu y aller comme c'était préalablement prévu, Shining était certainement l'une des têtes d'affiche qui m'intéressait le plus. Mais les conditions météorologiques étant ce qu'elles étaient en territoire slovène, les Norvégiens avaient malheureusement dû annuler leur show, ne pouvant faire face à une jolie tempête ayant mis la scène à sac. Il ne m'en fallait donc pas plus pour prendre mon mal en patience afin d'avoir l'occasion de faire un gentil petit fuck à mon entourage qui s'était déplacé jusqu'à Tolmin il y a un peu plus d'un mois et prendre la route jusqu'en Pays de Loire.

 

Malgré tout, il va falloir faire preuve d'un peu de patience avant de voir les grands manitous de la soirée car c'est Mantra qui a décroché le rôle ingrat d'ouvrir les hostilités. Qu'il en soit clair : j'aurais été plus professionnelle, peut-être aurais-je pris le temps d'écouter en amont ce que les ouvreurs avaient à proposer. N'étant qu'une sale gosse, j'ai préféré l'autre tangente, à savoir de ne connaître le nom que parce qu'il apparaissait sur mon papier estampillé Digitick et ainsi profiter le plaisir de la découverte directement en live. Juste le temps de finir ma bière et fumer une dernière clope que je me faufilais dans la salle peu après le début de la prestation. Et à jouer de l'ondulation du serpent afin de passer la foule compacte et comprimée aux portes et devant le bar afin de me retrouver in-extremis face à un trou béant permettant de s'installer sans obstacle au pied de la scène. Il faudra m'expliquer un jour cette tendance à s'entasser comme des troupeaux de bœufs en partance pour l'abattoir aux arrières alors qu'il y a largement assez de place devant afin que chacun puisse bouger un petit doigt sans faire tomber son voisin... Bref, allez comprendre ! En tout cas, c'est situé au pied du batteur que je peux me délecter de la découverte de Mantra. Car oui, premier fait un poil étonnant : chacun dans le groupe profite de son public sur le devant de scène, batteur compris qui a troqué le fond de scène contre un placement sur le côté, à la perpendiculaire. Pas la première fois que je constate ce genre de particularités de placement ces derniers temps et il faut admettre que ce n'est pas désagréable. Il n'a pas fallu longtemps pour me faire emporter dans le trip de Mantra : tantôt death, tantôt doom, les bougres brillent avec une tambouille variée, à la fois progressive et atmosphérique, lorgnant vers le tribal. Aussi à l'aise dans l'agressivité rapide que dans des phases plus pachydermiques, la musique déployée titille agréablement les oreilles. La dimension live apporte un intérêt supplémentaire avec une interprétation au poil véritablement prenante. Mention spéciale au vocaliste, totalement habité, donnant une véritable profondeur viscérale, presque ritualiste par moments – le fait d'allumer son brasero au fond de la scène au début de chaque titre n'étant certainement pas étranger à cette dernière impression. Au final, une très bonne découverte qui ne vient pas de très loin puisque Mantra est domicilié à Rennes et semble « donner plus de concerts qu'ils ne répètent en huis-clos » selon les dires de mon voisin, visiblement surpris que je ne connaisse pas ces Bretons qui semblent avoir pas mal foulé les planches locales.

 

Juste le temps de voir le plateau se modifier et constater que Shining n'hésitait pas à se déplacer lui-même afin de fignoler les dernières balances retour, que les Norvégiens finissent enfin par investir les planches sérieusement. Ni une ni deux, les premiers rangs, jadis épars, se resserrent, preuve que beaucoup savaient en amont dans quelles sphères musicales ils s'engageaient. Parce qu'il faut le reconnaître, apprécier la musique de Shining n'est pas donné à tout le monde. Et ce, même si leur discographie devient de plus en plus accessible au fil des albums qui sortent. Cette prestation enfoncera d'autant plus le clou de cette tendance et représente peut-être le seul point dommageable de la soirée. Le côté free-jazz omniprésent sur Blackjazz est très peu représenté au profit de titres plus directs et moins portés sur les presque-impros alambiquées. Et je pense ne pas être la seule que ça a pu titiller tant « Healter Skelter », seul véritable brûlot free-jazz metallique interprété, a été chaleureusement accueilli par l'assistance qui semblait alors habitée d'un élan de fougue supplémentaire. Autant dire qu'un « 21st Century Schizoid Man », cover de King Crimson injustement absente, aurait recueilli tous les suffrages. Toutefois, sachant que les jazz-metalleux enchaînent ces derniers temps les dates en salle et festivals – ils étaient au Fall Of Summer peu de temps avant en remplacement de Saint Vitus il paraît cohérent d'orienter la setlist sur des morceaux plus accessibles, histoire d'éviter de se mettre à dos un public pas forcément acquis à sa cause dans un contexte en plein air contrairement à des dates en salle. Ça l'est d'autant plus lorsqu'on prête l'oreille aux deux titres du futur album – sortie prévue pour la fin d'année – que la formation scandinave nous a généreusement interprétés ce soir en avant-première. Sympathique attention soit dit en passant qui permet au passage d'enfoncer le clou sur la volonté du groupe à évoluer davantage vers une de l'indus' pur et dur tantôt défoulant, tantôt planant. Différent mais pas inintéressant même s'il faudra là encore patienter d'avoir ledit disque entre les mains pour pleinement juger.

 

En dehors de ce petit regret complètement subjectif et peu gênant en soi, on ne va pas bouder le plaisir : Shining en live, ça déboîte sévère ! Même si tout le côté instrumental quasi-improvisé typiquement free-jazz n'est pas forcément là, la performance technique force le respect. Et le public ne s'y trompe pas tant il est à fond dedans. Notamment à chaque intervention de saxophone, follement reçu et applaudi tel un véritable messie. Les lights épileptiques – quand bien même feront avaler la langue de toute malheureuse victime de cette maladie – soulignent d'autant plus le caractère frénétique et défoulant de la musique des Norvégiens. C'est dire : des « The One Inside », « Fisheye », « I Won't Forget » ou encore « The Madness And The Damage Done » prennent une telle dimension en live qu'ils en deviennent carrément fous et jouissifs ! Et ne fait que souligner la différence du dernier opus en date, International Blackjazz Society, plus soft dans son approche mais pas inintéressant pour autant, dont les morceaux interprétés permettent de faire monter graduellement la pression afin de la faire exploser littéralement en enchaînant coup sur coup les hits cités plus haut. Au final, Shining nous livre un sacré bon moment, entre performance technique irréprochable, une montée en puissance sympathique niveau setlist, un final dantesque, le tout rehaussé par une bonne dose de simplicité et de sympathie dans l'attitude du groupe envers son audience. Jusqu'au moment du rituel moderne du selfie de fin de concert où l'on se trouve tiraillé entre le « Putain, c'était génial ! » et le « Merde, c'est déjà fini ! ». Mais à une montre affichant un presque-minuit, la prestation n'était pas si courte, un signe qui ne trompe pas et résume tout à lui seul...

 

 

Setlist :

 

  • Animal
  • Flow
  • The Last Stand
  • Last Day
  • Hole In The Sky
  • Everything Dies
  • Healter Skelter
  • My Dying Drive
  • Fisheye
  • I Won't Forget
  • The One Inside
  • The Madness And The Damage Done

 

NB : Étant incroyablement mauvaise pour faire les liens entre morceaux entendus et noms de ces derniers, j'ai pompé cette setlist sur la date de Nancy donnée la veille, faute d'avoir celle de Nantes. Même s'il est peu probable que le combo ait varié sa prestation d'une date sur l'autre et qu'elle me semble cohérente à ce que j'ai entendu, il est possible qu'elle ne soit pas tout à fait correcte.

photo de Margoth
le 21/09/2017

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