Igorrr - Nostril

Chronique CD album (42:43)

chronique Igorrr - Nostril

Alléluia mes frères, Igorrr m’a sauvé! Je portais des œillères, j’étais quasiment aveugle… Mais tout cela est bien fini, et enfin je m’ouvre au monde! Non, non, vous n’y êtes pas: je n’ai pas découvert les joies de l’orgasme anal. C’est juste qu’il y a encore très peu de temps, « En dehors du metal pur et dur, point de salut » était ma devise. OK, le jazz, le classique, les musiques électroniques, tout ça existait et recelait sans doute de bonnes choses, mais ce n’était pas pour moi… Ou alors en dose infinitésimale, imposé par mon entourage ou enrobé de riffs gras. Puis est venu Whourkr et son mélange fusionnel de metal extrême et d’électro furibarde. Le coup de foudre que ça a été! M’enfin ça restait du lourd, du gras, du qui fait meuâârghl!! Puis Gautier Serre – l’un des deux hémisphères du cerveau whourkrien – m’a refilé comme ça, l’air de rien, des morceaux de son projet électro Igorrr… Que j’ai écouté distraitement et me suis empressé d’oublier, vil impie que j’étais! Puis vint l’édition 2010 du Universal Sprache de Vladimir Bozar, qui comprenait un excellent remix effectué par le Gautier en question. « Diantre, c’est que c’est bon! » me dis-je (oui, je suis comme ça: je me « dis-je » à l'occasion). Et puis paf, fin 2010, Mister Serre essaie une fois encore de me refiler sa came. Nostril que s’appelle sa dernière rondelle estampillée Igorrr. C’est quoi donc déjà? Du breakcore? Mon dieu mais ça doit faire zboïïïg zboïïïg à longueur de morceaux!!? Allez bon tant pis, on va écouter tout ça, des fois que…

 

Sacré nom d’une téquila Haribo: mais c’est excellent!!!! (4 points d’exclamation, c'est un minimum…). « Allez quoi, dis-nous en plus » me dites-vous, et vous avez bien raison. La spécialité de Igorrr, c’est le « baroquecore », un barbarisme créé sur mesure pour qualifier ce mélange de breakcore, de metal extrême et de musique baroque (ainsi que de trip-hop et d’electronica si j’en crois la page Wikipedia du « groupe »). Et c’est fabuleux les aminches! Sur fond d'un tapis fourmillant de samples et de beats effervescents se pressent de gros riffs – essentiellement death – ainsi que des chœurs classiques, du clavecin, du piano, du violon et du chant lyrique. Des ambiances religieuses aussi. Puis de l’accordéon. Et de la country. Et… C’est monstrueusement génial! Et si l’aspect électro donne régulièrement la part belle à de déraisonnables parenthèses apoplectiques, cet enrobage rythmique – bien que fourmillant – reste globalement sous contrôle, et dynamise les compos sans trop donner le tournis ni le mal de crâne, contrairement à ce que l'on serait tenté de croire. La distorsion et la recomposition des schémas musicaux propres au breakcore sont ici essentiellement appliqués aux pistes métalliques, les parties « baroques » étant bien moins violemment triturées, mais bien au contraire mises en valeur de manière extrêmement intelligente – avec respect et tendresse même, dirais-je. Et le plus incroyable c’est à quel point cette musique, par essence électronique, peut finalement sembler organique. De par l’élégance avec laquelle il combine les divers éléments en présence, de par la maîtrise et la mesure avec lesquelles il distille les effusions breakcore, de par ces apports de guitare acoustique, ces craquements croustillants de vinyle, ces rythmiques jazzy toutes en cymbales ainsi que via ces oasis de douceur où il laisse respirer un chant lyrique, des chœurs ou un piano, Gautier extrait sa musique des sphères purement electro pour l’imposer dans la cour de la grande Musique, avec un put*** de M majuscule.

 

Et comme si cela ne suffisait pas, Igorrr joue les tour operators et nous fait voir du pays. Lors d’un trip ethno-riental sur « Double Monk ». Au son du violon, dans les fjords norvégiens d’un black metal revisité sur « Tendon ». Ou pour une chevauchée mélancolique au son de l’electro-desert rock de « Pavor Nocturnus ». Il joue également de l’humour pince-sans rire sur divers samples décalés ('y a d'la joie, 'y a du bo-nheuuur...). Et, usant de contrastes brillants et de judicieuses alternances entre blasts déraisonnables et plages éthérées, il nous fait régulièrement décoller de notre siège lors de trips extatiques, comme à 1:57 sur « Melting Nails » où l’opéra rencontre le breakcore, à 1:40 sur « Crucified Dachshund » où du ciel descendent des chœurs angéliques avant que se déchaine une tempête de violons et de BPM en folie, au début de « Half a Pony » où virevoltent piano soft et electro subtilement mutine, à 0:27 sur « Unpleasant Sonata » lors d'une soirée clavecin sur le dancefloor versaillais, ou enfin sur le monumental final de « Moldy Eye » qui voit alterner plans gore-gruïïk-core glaireux et version electro de Carmina Burana.

 

« Mouaif, c’est facile ce genre d’exercice: il suffit d’accumuler les samples chipés à gauche et à droite, et hop, roule ma poule! » 

** s'étrangle avec son bretzel **??? Que nenni Fanny! Hormis pour ce qui est du clavecin et de quelques pointes d’orgue, tout est fait maison ici. Oui, c’est bien ça: les chœurs grandiloquents, le violon virevoltant, la country, le death, le black et tout le toutim! D’ailleurs Gautier s’est pour l'occasion sacrément bien entouré puisqu’il est épaulé entre autre de Nicolas Sénac (Pryapisme), Laurent Lunoir (ex-Whourkr, Öxxo Xööx), une partie de la City Weezle team, ou encore Vincent G. (Mulk). Bref, Nostril c’est violent mais pas connement bourrin, intelligent mais pas prise de tête, osé mais de bon goût, complexe mais groovy, electro mais organique et harmonieux, profond mais arborant un sourire en coin, et tout autant mélodique que rythmique. Je ne rajouterai qu’une dernière chose à cette longue chronique exaltée: après avoir accepté de chroniquer l’album avec réticence, il ne m'aura finalement fallu que quelques écoutes avant de courir acheter non seulement Nostril, mais également les précédents opus Moisissure et Poisson Soluble. Parce qu’il le vaut bien.

photo de Cglaume
le 16/12/2010

7 COMMENTAIRES

cglaume

cglaume le 16/12/2010 à 09:44:13

Un album que même que s'il avait été un peu plus metal et un peu moins breakcore, j'aurais demandé à Pidji de le mettre en "Album du moment" tellement il bute !!!!!!!

Nicolas (ad Noiseam)

Nicolas (ad Noiseam) le 16/12/2010 à 21:19:08

Merci pour cette chronique. Pour ceux d'entre vous qui veulent plus d'information sur cet album, ou qui veulent l'acheter (en CD ou mp3), voila le lien nécessaire:
http://www.adnoiseam.net/adn132

ukhan kizmiaz

ukhan kizmiaz le 16/12/2010 à 22:58:07

toujours prolifique :-)

Tous

Tous le 02/04/2022 à 22:45:23

J'ai beaucoup aimé cet album.
J'aurais une question à propos de la chanson Veins de cet album.
À un moment ça se calme et une mélodie au clavecin se fait entendre. Elle me semble familière, mais impossible de mettre le doigt sur le titre original si tenté qu'il y en ait un...
Merci de m'éclairer si vous avez une idée.

cglaume

cglaume le 03/04/2022 à 08:15:35

Aucune idée malheureusement. Ma culture en Musique Baroque est bien trop pauvre :D Il faudrait tenter de poser la question directement à Gautier Serre

Thomas Ctty

Thomas Ctty le 28/12/2022 à 08:08:46

Pour répondre à la question de Tous, il s’agit de Jean-Philippe Rameau - Les Deux Mains, apparemment c’est ça, Jean-Philippe Rameau est un compositeur baroque du XVIII qui a eu une grosse influence sur Gautier Serre

cglaume

cglaume le 28/12/2022 à 08:52:47

Merci pour la précision 🙏

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