Igorrr + Ruby My Dear - Maigre

Chronique Maxi-cd / EP (20:45)

chronique Igorrr + Ruby My Dear - Maigre

…En même temps c’est logique: pour un artiste breakcore, co-piloter un disque aux côtés d'Igorrr, c’est comme partager la tête de l’état avec Sarkozy pour F. Fillon, ou fonder un duo glamour avec Scarlett Johansson pour Chantale Ladesou. On finit assez vite phagocyté par son partenaire. Non, c'est vrai: comment tu veux rivaliser avec la personnalité artistique d’un tel bonhomme? Face à cet œcuménisme musical confinant à l’utopie-devenue-réalité où se mêlent breakcore, chant lyrique, élans orchestraux formidables, déflagrations metal extrême, purs délires nawak et ambiances de guinguette, elle est où la marge de manœuvre? Il faudrait proposer un mélange fusionnel techno / vuvuzela, voire samba / folklore lapon / gangsta dubstep? Sauf que ce n’est pas le cas de Ruby My Dear – manifestement un bon poto de Gautier Serre, vu que ce dernier lui avait déjà confié le remix du titre « Gastro-Equestre » sur l’excellent 4247 Snare Drums du défunt Whourkr. Et du coup, nous autres qui savourons les œuvres d’Igorrr depuis Poisson Soluble et qui ne connaissons par ailleurs que peu l’univers musical habituel de ces Elmers Fous d’Beats, eh bien on a l’impression d’écouter un EP 100% Baroque-core.

 

Et pourtant – je me le suis fait confirmer « en hauts lieux » – ces 5 titres ont bien été composés à 4 mains. Enfin, « à 4 mains »: sans compter les intervenants traditionnels qui enluminent régulièrement les œuvres de M. Serre, j’ai nommé Simon Fleury (City Weezle), Nicolas Sénac (Pryapisme), Laurent Lunoir et Laure Le Prunenec (Öxxö XööX)… Autrement dit 4 poids lourds de plus dans le plateau Igorrr de la balance Maigre. Alors si, en effet: sur « Cuisse », si l’on occulte l’intro et l’outro pour quatuor à cordes et la partie centrale assez caractéristique – entre autre du fait du retour du violon –, les attaques technoïdes plus tranchantes et offensives que ce à quoi on est habitué trahissent en effet une présence autre.

 

...Cool, j’aime mis le doigt sur notre ami Ruby !

 

*** Non, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas écrit ***

 

Mais dans l’ensemble, on a l’impression d’écouter un EP solo du maestro. Tout particulièrement sur « Barbecue » – le tube de ce nouveau 5 titres, si vous voulez mon avis – qui est tout particulièrement emblématique de la « patte Igorrr ». Démarrage classique sur les pizzicatos d’un orchestre symphonique tout de cordes vêtu, le breakcore respectueux de Maitre Serre fait progressivement son entrée en scène, tout en finesse et en mimiques nawako-mutines. Puis défilent dans une joyeuse sarabande accordéon, chant lyrique, balalaïka (ou une cousine) et coulée de lave guitaristique façon black metal. Arf. Suit « Figue Folle », son piano, son zapping incessant, son monologue de ch’ti autiste et surtout son final grandiose où fleurit une rythmique merveilleusement monstrueuse. Et le banquet de continuer sur « Cuisse », « Alain » et un « Biquette » (… puisqu’on vous dit que tout ici – les titres aussi, oui – porte la marque « Igorrr ») dont le démarrage diaphane laisse progressivement place à une douce folie qui aboutira in fine à un solo « live » Gary Mooresque assuré par le Nico de service.

 

Pour ne pas changer une formule qui gagne, jamais de démonstration de force futile ou de bourrasque de beats abrutissants chez cet artiste (désolé mais décidément, j’ai du mal à parler au pluriel ici) qui n’a pas besoin de se cacher derrière un mur de bruit: les joyeux zigouigouis électro entendus sur Maigre sont uniquement là pour relier, booster et mettre amoureusement en valeur des pièces musicales éparses que tout séparait, et qui pourtant deviennent au final indissociables. Et nous autres auditeurs de nous retrouver une fois de plus envoutés au sein d’un univers à part en forme de trait d’union multidimensionnel tendu entre les extrémités les plus improbables du spectre musical.

 

Bref, cet EP à décidément toutes les qualités pour enfoncer un peu plus le moral des grignoteurs et autres mangeurs impénitents de tartines au Nutella: parce que Maigre, les amis, c’est beau.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: Maigre, c’est tout ce que l’on aime chez Igorrr. Autrement dit un canevas complexe et pourtant clair comme de l’eau de double croche entre beats intenables et pourtant subtiles, parties classiques lyrico-baroques, bleuargl & guitares brûlantes, interruptions complètement nawak, musette amusante et géniale folie. Par contre si vous essayez de trouver un Ruby My Dear dans cette botte de foin, on vous souhaite bien du plaisir! 

photo de Cglaume
le 20/02/2015

3 COMMENTAIRES

Maldoror

Maldoror le 20/02/2015 à 15:29:53

Pas entièrement d'accord. Je trouve au contraire que la touche de Ruby My Dear est plutot présente. Alors certes, on se prend les gimmick d'Igorrr en pleine gueule mais jamais ses rythmiques n'ont été aussi poussées, le style IDM old school type Aphx ou Squarepusher incorporées par son acolyte relevant encore plus le niveau que sur ses sorties habituelles. Et l'IDM de RMD apporte aussi une tres grosse touche de finesse/subtilité (oui subtilité pour du breakcore ça fait bizarre) à l'ensemble, une apesanteur que l'on ne retrouve pas chez Igorrr. Bon je chipote surement, mais je trouve l'ensemble quand meme bien différent qu'un skeud d'Igorrr en solo.

cglaume

cglaume le 20/02/2015 à 16:21:32

Merci de ce point de vue contradictoire qui devrait rassurer les fans de R.M.D. :) (Encore une fois je suis peu versé dans le breakcore...)

Maldoror

Maldoror le 20/02/2015 à 17:06:20

Ouais t'inquiètes, c'est juste que j'aime bien faire le relou :). En breackore, le chef d'oeuvre du style reste à ce jour le Rossz Csillag Alatt Született de Venetian Snares en mode classique contemporain/breakcore, à écouter absolument.

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