Mogwai - Every country's sun

Chronique CD album (56:00)

chronique Mogwai - Every country's sun

“Célèbre, c'est lorsque tout le monde connaît ce que tu fais et tu es riche..." [...]


Entre la sortie de "Rave Tapes" et celle d' "Every country's sun" se sont écoulés 1323 jours, soit 3 ans et 9 mois environ. 
Jamais, depuis la sortie de son premier album "Mogwai young team", en 1997, le célèbre groupe n'avait autant espacé la sortie de deux LP.

Il n'en est pas resté pour autant inactif, car en plus de la sortie d'un EP ("Music Industry 3. Fitness Industry 1"), d'une formidable rétrospective "Central Belters", les écossais ont signé une intéressante B.O avec "Atomic". Mais de ces trois dernières années, on retiendra surtout le départ de John Cummings qui tenait la guitare et bidouillait depuis 1995.


Lorsque l'hydre perd une de ses cinq têtes, on peut craindre que Mogwai ne perde de sa personnalité.

Or, la personnalité de Mogwai est terriblement volatile. Toujours inattendue, la fine équipe de Glasgow s'échine continuellement à sortir des albums différents les uns des autres, à explorer des univers musicaux en faisant presque à chaque fois table rase de ce qui a été créé précédemment.
Si jusqu'à maintenant ces vétérans du post-rock ont toujours fait mouche, la réinvention de leur genre atteint peut-être ses limites avec cet album.

 

Un seul être vous manque...et tout est dépeuplé. (Lamartine)


Il manque quelque chose à cet album.
Peut-être un "autre" son. 

Jusque-là, le groupe avait su distinguer ses productions grâce à une atmosphère. Que cela soit grâce au Lo-Fi sur "Mr Beast" ou la récente pureté de "Rave Tapes", il y avait "quelque chose" qui planait sur le disque, or, sur "Every's country's sun", c'est un peu plus brouillon. Un sentiment regrettable lorsqu'on sait que Dave Fridmann a repris les manettes (après avoir dirigé "Rock action" il y a plus de 15 ans) et que cela s'est passé aux Abbey Road Studios.
Le problème n'est évidemment pas un souci de technique, ni même de précision, mais plutôt de choix et d'équilibre.

 

La première partie de l'album se veut très légère / aérée avec "Coolverine" ainsi que "Party in the dark". Un son clair qui prend le dessus sur le grésillement qui hantera de manière croissante les compos suivantes.
La bidouille parasitaire prend alors progressivement de plus en plus de place avec "Brain sweetie", bien que le clavier réussisse encore (péniblement) à s'imposer (comme sur "Aka 47"). Un choix artistique qui empêche aux compos, et aux auditeurs, de décoller.

Avec la parasitose sonore qui s'insinue, le groupe décide surtout de rebrancher les guitares et de les faire hurler comme ce n'était plus le cas depuis "Mr Beast" et le morceau "Glasgow Mega-snake" (LE meilleur titre du groupe). 


Au départ sur "20 size", ensuite sur la fin de "Don't believe the fife" et enfin sur "Battered at a scramble" ou "Old poison", les 6 cordes hurlent, sont terriblement lourdes et écrasantes pour grésiller elles-même.
Elles proposent d'ailleurs de grands moment épiques. Vraiment épiques. Limite trop.
Encore une fois, chaque décision artistique peut prêter à de multiples interprétations, mais en sortant de telles guitares, Mogwai semble sur-compenser et exagérer leur place dans ses compos. Peut-être un signe d'affirmation après le départ de Cummings qui a magnifié une guitare dans le groupe pendant 20 ans, ou tout simplement un désir de lâcher les claviers pour revenir aux bons vieux fondamentaux.

 

Toujours est-il que Mogwai montre deux visages totalement différents. Le premier est plus doux, sans être complètement éthéré. Le second plus grave, plus lourd, beaucoup plus sombre. Or, on peine à "suivre" le groupe, à trouver du liant quand deux paradoxes sonores s'enchaînent. Le dernier morceau éponyme (avec "Dont' believe the fife") donne un début de synthèse opérant la rencontre d'une multitude de sons. On découvre alors une facette plus complexe, qui s'affine doucement, bien qu'encore brouillonne, limite bruyante.

 

Pourtant, des instants épiques il y en a. De bonnes idées, il y en a : on parle tout de même de 56 minutes de Mogwai.

Près d'une heure qui prouve que les sources d'inspiration du groupe ne tarissent pas, mais qu'au contraire, il faudrait presque les canaliser. Chaque morceau peut s'apprécier pour des raisons différentes : 


-"Coolverine" pour la beauté et la finesse de la composition.
-"Party in the dark" pour sa singularité dans la discographie du groupe et son côté "dark-pop-chanté".
-"Brain sweetie" pour l'alliance clavier / synthé / percussion.
-"Crossing the cross material", dont le rock éclairé est porté par la guitare qui semble nous parler.
-La fausse pause "Aka 47" à l'étrange atmosphère.
-"20 size" dont le crescendo suivi de l'explosion sonore est parfaitement géré.
-"1000 foot face", quasi unique titre purement "post-rock" minimaliste (à la Mùm, Amiina) de l'album.
-"Don't believe the fife" joue sur les paradoxes avec un clavier aigu et des guitares graves pour un résultat classique, mais efficace.
-"Battered at a scramble" laisse parler la guitare comme cela n'avait plus été le cas dans le groupe depuis plus de 15 ans !
-"Old poison" entraîne l'auditeur dans un puissant, violent et passionnant tourment.
-"Every country's sun" conclut et allie les deux visages démontrés par cet album pour n'en faire qu'un.

 

De ce point de vue, avec un écoute fragmentée, l'album est plutôt réussi.

Mais lister des qualités de morceaux, prendre les titres les uns après les autres revient à apprécier ce disque comme une simple compilation. Or, un (bon) album est souvent pensé comme un "tout", comme la suite de créations à un instant "T" laissant apparaître, avec plus ou moins de finesse, une réflexion, une démarche artistique qui résulte d'un état d'esprit et/ou d'un travail sur une période plus ou moins longue.
Dans "Every counrty's sun", les bonnes idées durent le temps d'une piste et sont bousculées par d'autres. Mogwai est en roue libre, regarde en arrière, un peu en avant, mais semble se chercher, décline 11 pensées au lieu d'en présenter 1 approfondie en 11 pistes.

 

C'est sans doute la première fois que, malgré ses 1323 jours, les écossais proposent un disque au goût...d'inachevé.

Cet angle d'appréciation de l'album peut sembler sévère, mais, en dépit d'évidentes qualités, "Every country's sun" peine à être marquant. Malgré quelques moments de bravoure, et bien qu'il puisse s'apprécier vraiment du début à la fin, il n'a pas cette force éclatante et épatante des 8 albums précédents. Au contraire, on se détourne de ce disque pour le laisse s'éteindre en fond sonore, là où ses prédécesseurs savaient arracher et happer l'auditeur de ses autres occupations.

Evidemment, comme tous les albums de Mogwai, il ne faut pas ignorer ce disque sous le prétexte qu'un fan scribouille sur un webzine confidentiel son amertume personnelle...et peut-être passagère. "Every country's sun" n'est pas non plus un mauvais album...mais il porte en lui quelque chose de frustrant et d'inhabituel chez ces légendes du post-rock.


[...] "Légende, c'est quand tout le monde connaît ce que tu as fait mais que tu es fini !” (Joe Strummer)

photo de Tookie
le 31/08/2017

0 COMMENTAIRE

AJOUTER UN COMMENTAIRE

anonyme


évènements