Mayhem + Gaahls Wyrd + Gost le 06/11/2019, L'Etage, RENNES (35)

Mayhem + Gaahls Wyrd + Gost (report)

Six jours après Moonspell et Rotting Christ, me voici de nouveau de retour en terres rennaises, bien plus en avance que la semaine précédente, le trajet s'étant révélé autrement moins chargé et chaotique – à contrario du retour quelques heures plus tard où une certaine Amélie un brin colérique n'a cessé de vouloir pogoter et détremper ma brave carriole motorisée – assez pour constater une file gigantesque s'amasser devant le bâtiment. Assez amusant de l'observer d'un peu plus près étant donné que définitivement, les gens déjà présents n'étaient clairement pas là pour écouter du black metal. Non, il s'avère que la salle du rez-de-chaussée (le Liberté donc) accueillait je-ne-sais-quel rappeur à la mode. Et sans doute du genre beau gosse étant donné la forte présence féminine. Un grand merci aux petites jeunettes qui se sont délestées de leur bière encore bien trop remplie pour rentrer sur les lieux. Quand bien même cela ne m'a nullement motivée à mettre à profit mon sens affligeant de l'orientation en me gourant d'étage. Non, définitivement, l'affiche programmée à l'étage du dessus est autrement plus aguicheuse : Mayhem et Gaahls Wyrd. En terme de black metal, il y a pire. Malgré tout, aussi affriolante soit-elle pour tout amateur du style, cela n'a clairement pas suffit à les motiver à venir en masse, la salle s'étant même retrouvée amputée de la moitié de sa superficie via une cloison mobile. Ou alors peut-être avaient-ils également un gros souci d'orientation et se sont-ils retrouvé à l'étage du dessous malencontreusement...

 

Toujours est-il que ce n'est pas la mise en jambe de la soirée qui aura glacé le sang des spectateurs via une débauche de nihilisme satanique et autres débauches saturées faisant la part belle aux sombres hivers scandinaves. Enfin, si, la froideur était présente mais pas spécialement pour les bonnes raisons. Il s'agit en effet à GosT d'ouvrir les hostilités et, clairement, il y a fort à parier que leur présence sur cette tournée n'aura pas été une partie de plaisir tous les soirs tant sa synthwave aussi dark puisse-t-elle être est clairement hors-sujet. Je ne dis pas, c'est loin d'être un mauvais truc, je les avais trouvé d'ailleurs très sympa l'année dernière, dans cette même salle justement, en première partie de Carpenter Brut. Mais voilà, c'était Carpenter Brut, avec un public qui était venu pour se bouger le popotin sur de la synthwave. Ce qui n'est clairement pas le cas du public résolument black metal pur jus – dont je n'ai pas forcément eu l'impression d'avoir vu la semaine précédente, ni même la semaine suivante pour Entombed A.D. et Aborted, un signe qui ne trompe pas du caractère sans doute monomaniaque des oreilles présentes – de ce soir. Bref, autant dire, l'ouverture des hostilités est... hostile. Et rien n'y fait : les morceaux issus de leur dernier album a beau intégrer des passages bien extrêmes avec des vocaux black, la sauce ne prendra pas. Ni pour le black metalleux, ni même pour moi tant je trouve que ces éléments mélangés avec la base synthwave ne font vraiment pas bon ménage. Et pourtant, je suis très loin d'être la lanterne rouge en terme de curiosité et acceptation de mélanges stylistiques biscornus. Au contraire, il s'avère que les vieux morceaux faisant la part belle à une synthwave plus classique ayant la particularité de s'inscrire dans des ambiances très horror/cold wave passent ici beaucoup mieux. Sauf que lorsque tous tes voisins s'avèrent pisse-froids – néanmoins respectueux – quitte à préférer déserter la scène pour s'abreuver en houblon pétillant, ça ne passe pas vraiment non plus. Le groupe ne s'y trompe clairement pas, il fait son truc et s'en va avec autant de bons mots que lorsqu'il a investi la scène, c'est-à-dire aucun. Comme des voleurs un brin bougons, étonnant les curieux restés là sans trop de conviction, tant personne n'a eu le temps d'émettre un semblant d'applaudissement poli. Pour GosT, définitivement, ce n'était clairement pas une bonne soirée.

 

Pour l'assistance, elle ne va pas se formaliser pour autant sur cette belle bourde de programmation puisqu'il s'agit de Gaahls Wyrd de monter en scène. Qui ne se révélera pas forcément plus communicant, ni même avide de politesses de « bonjour, au revoir », mais au moins est-il plus chaleureusement applaudi et attendu. Il s'avère d'ailleurs que beaucoup plus de monde s'affaire dans la salle, preuve qu'une partie a préféré totalement bouder la curiosité précédente et arriver sur les lieux à rebours. De la même manière que cela met tout de suite les pendules à l'heure : ce n'est clairement pas ce soir que l'on aura le droit aux sorties de scènes chaleureuses à grands renforts de selfies avec le public afin d'alimenter gentiment la page Facebook. Non, les gens, on s'en branle, on ne les aime pas. Autant du côté de la scène, que du côté de la fosse : tout est propice à miroiter ses bonnes vibes dans son coin, dans sa tête. On lève un peu le bras pour faire le signe de cornes, on braille un peu mais pas trop. Pas d'explosions, pas de bousculades, pas de mouvements de foule. Le black metal dans toute sa splendeur donc. Les non initiés – surtout ceux du rez-de-chaussée j'imagine – ne comprendront sans doute pas le délire mais cela n'empêche toutefois pas la communion. Par la musique simplement. Et la mise en organique ajoute une plus-value assez impressionnante de ce black metal riche et somme toute, très personnel et pas si évident à appréhender. Ça fourmille de nuances et de détails, c'est excellemment joué et Gaahl prouve ici qu'il est un grand chanteur, totalement habité par sa musique, capable de modulations qui laissent baba. Tout ceci, autant sur le plan technique que sur le plan émotionnel. Enfin, ça, c'est valable pour tous les morceaux issus de son nouveau projet solo Gaahls Wyrd joué ce soir. Parce que la prestation, c'était loin de n'être que ça. C'est que le Norvégien en a dans le CV et il nous l'a fait savoir en revenant du côté de God Seed, Trelldom et bien entendu Gorgoroth dont les deux emprunts ont sans doute été les seuls retours à la réalité du public (avec le single « Carving The Voices » du petit dernier, chanté de beaucoup à gorges déployées), enclin à davantage extérioriser sa joie, avant de mieux repartir dans ses songes musicaux. C'est qu'au final, Gaahl et sa bande sont venus sans un mot, sont repartis également aussi silencieusement qu'ils étaient venus mais contrairement à précédemment, ils ont vaincu. Un grand artiste, vraiment.

 

 

Setlist

 

  • Within The Voice Of Existence (Intro)
  • Ghosts Invited
  • Carving The Giants (Gorgoroth Cover)
  • Aldrande Tre (God Seed Cover)
  • Ek Erilar
  • Carving The Voices
  • From The Spear
  • Sannhet, Smerte Og Død (Trelldom Cover)
  • Alt Liv (God Seed Cover)
  • Through And Past And Past
  • Exit – Through Carved Stones (Gorgoroth Cover)

 

 

On passe maintenant au cœur de la soirée qui n'ira pas vraiment réchauffer l'atmosphère, ni la rendre plus conviviale d'ailleurs. Mais la porter avec une énergie extrêmement différente. De plus, je ne le cache pas : si Gaahls Wyrd était une sucrerie qui enfonçait le clou, c'est vraiment Mayhem qui m'a fait bouger mon cul et avaler ces quelques centaines de kilomètres. Que je découvre ici pour la première fois, soit après une bonne quinzaine d'années d'attente depuis ma découverte de ce symbole incontournable du black metal norvégien (tant musicalement que pour la rubrique « faits divers » des quotidiens scandinaves). Et du black metal tout court d'ailleurs. Je ne cache pas qu'intérieurement, je trépignais d'impatience depuis quelques jours. Malgré tout, je ne suis pas mécontente pour autant d'un tel délai d'attente : Daemon, le petit dernier, s'avère d'une qualité monstrueuse, à tel point qu'il rend un brin obsolète tout ce qui a pu sortir depuis A Grand Declaration Of War (auquel je suis fort attachée, qu'importe la controverse qu'il peut bien inspirer). Si le verdict est sans appel pour son pendant studio, à l'image de celui de notre Xuxu dans ces colonnes, autant dire que sa restitution sur scène fait vraiment rêver. Et justement, il n'y a pas besoin d'attendre bien longtemps pour s'extasier : la première partie de concert – qui sera divisée en trois actes - commence sur les chapeaux de roue en entremêlant principalement des titres issus de Daemon et dudit autre album sus-nommé. Brrrr, voilà de quoi bien coller des frissons. Parce qu'au vu de la controverse de A Grand Declaration Of War, il fallait oser lui laisser une telle tribune. Et en ce qui concerne le dernier-né, son aura particulière (démoniaque, il porte bien son nom) passe magnifiquement le cap des planches. Notamment par le biais du frontman, Attila Csihar, qui reprend cette formule hyper théâtrale que l'on s'était pris de plein fouet l'année dernière – là encore, dans cette même salle justement – avec Tormentor. Mais si, avec ce dernier, ça allait dans l'extrapolation telle que l'on sourit de dérision au même titre qu'un Immortal, là, ce soir, notre maître de cérémonie n'est clairement pas là pour nous faire rire. Même lorsqu'il nous fait sa propre version musicale « d'être ou ne pas être » de Shakespeare avec son crâne en main. Bien au contraire même : un exorciste l'attendrait en sortie de scène pour retrouver une once de son humanité afin de rendre le reste de la nuit plus agréable pour ses compères, on ne s'en étonnerait pas. En gros, ça poutre en terme d'atmosphère globale et ça accroche à l’œil en terme de fascination. Bon, on détourne quand même les yeux lorsque l'on sent ce regard de psychopathe se poser sur nous afin de nous fixer sur de longues secondes qui se comptent par dizaines. Ne sait-on jamais, on veut bien être masochiste mais pas suicidaire non plus.

 

Je ne cache pas m'être demandée dans cette première partie de show si ce Daemon n'aurait pas le potentiel de « détrôner » le référentiel De Mysteriis Dom Sathanas. On pourra remercier Mayhem d'avoir lu dans mes pensées vu qu'après une petite interlude, la seconde partie s'articule justement autour de ce dernier. Histoire de rappeler que la tournée précédente s'articulait autour de sa réédition et offrir une petite consolation à ceux qui n'ont pas pu en profiter. Le public s'emballe et répond parfaitement à cette question : non, De Mysteriis Dom Sathanas est indétrônable et intemporel. C'est qu'on ne peut pas comparer un album tout juste sorti qu'on ne maîtrise pas encore en terme d'écoute sur le long terme et un vieux classique que l'on a usé jusqu'à la moelle au cours des années après tout. Certaines langues de pute pourront peut-être dire que la manœuvre est (trop) facile mais au vu du plaisir de les vivre (enfin) en live, peut-on réellement leur en vouloir ? Surtout que l'on aurait presque pu croire que l'éponyme allait conclure la soirée mais justement, Mayhem surprend et ne nous prend clairement pas pour des pigeons. Nouvelle interlude afin de mieux revenir pour une dernière ligne droite : plus de chichis vestimentaires (hormis Attila qui conserve son maquillage pour d'évidentes questions de manque de temps) et de lightshows ténébreux, on rentre en mode « venez comme vous êtes » et on vous rentre sauvagement dans le lard en remontant d'autant plus dans le temps pour s'attarder principalement sur Deathcrush (1988). Une époque où l'on ne parlait pas encore de black metal, le style étant encore dans sa forme la plus primitive et embryonnaire. Où la froideur est encore bien sauvage et te saute littéralement à la gorge avec une fureur tantôt punk, tantôt 'n roll. Pas de repos pour les braves, bien que cela n'ait pas suffit à déclencher de bousculades dans le public, visiblement peu enclin à ce genre de pratiques. Ce qui n'a nullement empêché les cous de craquer de manière bien vénère. Une dernière partie qui s'impose donc comme un véritable sprint final bien furieux. A laquelle je ne m'attendais pas forcément mais que j'ai accueilli avec plaisir également : un show en trois parties dont chacune d'elles illustre une facette bien particulière de Mayhem. Qui reste un groupe majeur au sein du style, il le prouve encore avec un album comme Daemon, qu'importe ce que diront les plus « trve » des black metalleux qui auront tendance à les trouver trop surcotés et surestimés. Par chance, ils n'étaient pas là ce soir pour venir jouer les réac', on les remerciera de s'être perdu avec les petits jeunes du dessous, qui par ailleurs ont pris la poudre d'escampette bien avant nous. Eh oui, c'est qu'il y avait école le lendemain après tout !

 

Setlist

 

  • Falsified And Hatred
  • To Daimonion
  • Malum
  • Bad Blood
  • Symbols Of Bloodswords
  • A Bloodsword And A Colder Sun, Part II
  • Invoke The Oath
  • (Interlude)
  • Freezing Moon
  • Pagan Fears
  • Life Eternal
  • De Mysteriis Dom Sathanas
  • Silvester Anfang (Interlude)
  • Deathcrush
  • Chainsaw Gutsfuck
  • Ancient Skin
  • Carnage
  • Pure Fucking Armageddon
photo de Margoth
le 23/11/2019

3 COMMENTAIRES

Seisachtheion

Seisachtheion le 15/12/2019 à 14:12:51

Encore un excellent report Margoth ! Moi qui étais tenté d'en rédiger un à l'occasion de leur passage sur Toulouse, inutile, je n'aurais pas fait mieux !
Le set de Mayhem a commencé en ronronnant pendant les 10/15 premières minutes, puis l'intensité - au fur et à mesure que l'on passait les trois séquences du live avec trois saynètes différentes - est allée crescendo. Impressionnant.
Quant à Gaahls Wyrd, déjà vus à Oslo, je n'ai pas du tout été surpris que tu aies apprécié la qualité, l'émotion et la maîtrise dégagées par leur performance.
Une très bonne soirée.

Margoth

Margoth le 16/12/2019 à 14:55:53

Et du coup, l'accueil de GosT a été plus chaleureux de votre côté ?

Seisachtheion

Seisachtheion le 17/12/2019 à 06:38:32

Nop, plutôt (très) calme, comme un début de concert. Il y avait une vingtaine de fans de GosT bien déterminés à bouger, mais pour les autres... Le duo a proposé plein de choses intéressantes.

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