Accu§er - Accuser

Chronique CD album (45:25)

chronique Accu§er - Accuser

Pour être honnête, initialement la perspective de devoir me plonger dans les trois quarts d'heure du 12e album d'Accu§er m'avait moyennement emballé. Parce que ni ma vieille copie K7 de Who Dominates Who? (leur petit 2e) ni le CD de Reflections (leur 5e, que j'avais à l'époque acheté avec mes maigres deniers d'étudiant) ne sont jamais revenus faire la nouba sur mes enceintes. Ce qui est quand même plutôt mauvais signe... C'est vrai que, vu de ce côté-ci de la ligne Maginot, Frank Thoms et ses compagnons font figure de besogneux petits soldats de la 2nde division du Thrash teuton, rien de plus. Ce qui – pour peu qu'on reste un peu trop le nez collé aux images d'Epinal – a le potentiel de séduction d'une vieille boite à outils abandonnée au fond d'un entrepôt Emmaüs. N'empêche que la persévérance dont fait preuve le groupe a fini par lui attirer les grâces de Metal Blade, et ce depuis 3 albums maintenant! Si ce genre d'experts en bankableries métalliques a décidé de garder les Allemands sous leurs ailes pour un nouveau tour de manège discographique, c'est qu'il y a sans doute autre chose que du vieux riff de fond de tranchée à se mettre sous la dent sur cette nouvelle sortie. Alors warum nicht?

 

Et en effet, on peut dire que – l'expérience devant aider (34 ans qu'ils pratiquent l'exercice quand même) – Accu§er sait y faire pour que nos glandes thrashoïdiennes s'activent fiévreusement. Car c'est un violent tourbillon guitaristique qui ouvre « Misled Obedience », celui-ci forçant l'auditeur à vite remonter sa visière pour ne pas prendre une pleine bourrasque de grains de sable dans les yeux. Mais passée la grosse impression initiale, on se dit quand même que ce riff introductif semble un peu trop couler de la même source de Red Bull que celui du « War Ensemble » de Slayer... ** Ça copierait pas un peu sur ses voisins de table dites voir? ** Et puis si la suite du morceau fait le job, il faut reconnaître qu'on reste dans le bon gros Thrash archétypal, certes varié du tempo et garni d'un bon petit solo, mais très classique et peu inventif. Un pur produit de l'industrie germanique en somme, robuste, carré, fabriqué avec les matériaux les plus solides, mais inventif comme une plâtrée de pommes-de-terre-saucisses.

 

Sauf que ce début d'album va monter doucement mais sûrement en puissance, comme un bon vieux moteur diesel de chez Benz-Benz-Benz. L'essaim paroxystique ouvrant les portes de « Phantom Graves » nous hameçonne immédiatement, et si le morceau ne semble pas décidé à vouloir accéder au statut de véritable tube, on remarque quand même une structure plus changeante, plus ambitieuse, ainsi qu'un autre bon solo – ce qui sera une constante sur l'ensemble des 12 morceaux, le retour de René Schütz, le guitariste originel, après 8 ans de bouderies dans son coin, ayant manifestement été mis à profit. Et le groupe de quitter un peu plus les mornes plaines du Thrash de base sur « Temple of All », sur lequel il nous emmène, le fouet à la ceinture et la lampe sur le front, explorer quelque édifice oriental enseveli sous les sables ancestraux. Bon travail sur les ambiances, refrain enrichi en mélodies cajoleuses, batterie toute en rondeur: le groupe enfile le costume du Testament du nouveau millénaire, et ça lui réussit!

 

Et à force d'avancer de piste en piste et de se repasser l'album, on réalise que derrière cette façade de produit en apparence calibré, dont la palette semble n'aller que du gris clair au vert bouteille en passant par le marron-kaki, c'est à une œuvre finalement plus complexe, plus riche et technique qu'il n'y paraît qu'on à affaire. Ce serait faire erreur de n'y voir que du Thrash monté à la chaîne alors qu'il s'agit d'un travail expert, finement ciselé par des artisans qui se trouvent juste ne pas apprécier les fioritures clinquantes ni les extravagances démonstratives. Les Allemands nous régalent donc encore sur un « Lux In Tenebris » développant lui aussi de belles atmosphères narratives, sur un « Rethink » qui frappe vite et fort (et est doté d'un de ces petits solos poignée en coin, je ne vous dis que ça), sur un « Psychocision » généreux qui prend des allures de mini-fresque, ou encore sur cet hommage jouissif aux débuts de la Bay Area qu'est « The Eliminator » (« Killing Is My Business & Business is Fine » qu'ils disent...).

 

C'est toujours un peu frustrant d'avoir, dans de nombreuses chroniques, à réserver un paragraphe pour lister les éléments qui nous ont caressés dans le sens inverse du poil, et qui expliquent pourquoi tous les points d'exclamation lâchés précédemment n'ont pas évité une note tiédasse. Mais cette fois encore un tel passage s'avère obligé. Car il existe plusieurs raisons pour lesquelles, bien qu'il ait en main de beaux atouts, Accuser ne finira pas comme Ze album de Thrash of Ze année du Covid. Pour commencer, si ces 50 minutes ne sont donc pas aussi monolithiques que ce que voudrait bien nous laisser penser le premier abord, elles renferment quand même pas mal de ces gimmicks et de ces impressions de déjà-vu qui donnent l'impression d'être déjà passé par là auparavant. Et malheureusement nos vétérans peinent à développer des accroches suffisamment originales pour réussir à ce que leur 12e album ressorte d'une bonne tête au-dessus de l'impressionnant bataillon d'opus Thrash qui peuple nos étagères. Par ailleurs le chant de Frank Thoms, parfois un peu poussif, répond juste au minimum syndical du genre... Et quand il essaie de s'aventurer au-delà des jappements standards, la chose tourne vite en simili-eau de boudin (cf. le chant clair peu assuré de « Be None The Wiser »). Dernier – et plus pénalisant – des reproches que l'on adressera à Accuser, sa queue de peloton se trouve inutilement alourdie de morceaux mineurs tels « Contaminaton » – qui fait preuve d'une saine hargne mais ressasse lourdement une soupe fade et tiède – ou « Seven Lives » – qui s'empêtre dans quelques minutes un peu pataudes dont on se serait passé sans mal (un peu comme cette 3e assiette de cassoulet avant le plateau de fromage).

 

Accuser est donc l'occasion de réaliser que j'avais sans doute enterré un peu vite le combo allemand au milieu de ses pas toujours très mémorables œuvres passées. Telles les solides sorties récentes des barons du genre que sont les Testament et autres Death Angel, il offrira un nourrissant festin au Thrashophile à grand appétit. Mais s'il est de ces massifs parpaings venant consolider la structure du Temple du Thrash post-2000, il ne sera sans doute jamais celui que l'on remarquera le plus – les vitraux, les belles voûtes, les riches colonnades et autres fières tours étant faites d'albums d'une toute autre trempe – comme le dernier Heathen ou les œuvres de Vektor, Havok, Crisix & co par exemple.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: extrêmement solide, plus raffiné que ses dehors un peu frustres ne le laissent paraître, fruit de 34 ans d'expérience non gâtés par la lassitude ou la routine, Accuser est un album bilan sans (trop de) faille et (presque) sans reproche. Il fera agréablement ronronner vos enceintes tel une version made in Germany des dernières grosses sorties de Testament.

photo de Cglaume
le 11/11/2020

1 COMMENTAIRE

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 11/11/2020 à 16:10:51

42 minutes ?? Bon ça l'aire sympa tout de même.

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