Allochiria - Commotion

Chronique CD album (36:27)

chronique Allochiria - Commotion

Six ans après un très bon Throes et une série de concerts en compagnie de Deafheaven, Year Of No Light, Altar Of Plagues ou encore Amenra, les Athénien·ne·s d'Allochiria reviennent avec un troisième album, Commotion.

 

L' « allochirie », qui pourrait plus ou moins se traduire (en se trompant) par « l'autre main » en grec, c'est un trouble neuronal qui fait ressentir de façon erronée la perception des stimulis : être touché du côté gauche donne alors la sensation d'avoir été touché du côté droit, ce genre d'ambiance un rien déstabilisante. (/fin de la minute triviale poursuite).

 

Musicalement, contrairement à ce qu'il se passait sur Throes, les morceaux s'éloignent ici un peu des standards du post-metal / sludge / doom (car c'est bien de cette école que vient le combo) en termes de durée, pour venir pour la grande majorité d'entre eux s'engouffrer dans l'interstice des trois ou quatre minutes (seul « Casualties » vient infirmer ça, en faisant un joli fosbury au-dessus de la barre des six).

Sur Commotion, Allochiria durcissent le propos, raccourcissent les compos, assumant donc le fait d'avoir moins de structures basées sur la construction progressive, moins de place pour les aérations aussi, pour un album fait de pistes assez compactes et parfois étouffantes. Ce qui, au vu de la direction prise par le disque, semble tout à fait volontaire dans la démarche.

 

Car en plus de se mouvoir dans un peu tout ce qui se fait de post (on pourra par exemple penser au Cult Of Luna de The Beyond sur le début de « Casualties », à « Glimpse of the unseen » d'Oathbreaker dans les sonorités et la basse de « Ocean », au Swallow the Sun de Ghosts of Loss sur le premier morceau « We Have Nothing », de temps en temps à Isis aussi, bref, vous avez compris), le groupe fait le pari de ne pas simplement se contenter d'écraser les accords mais d'aller chercher du côté des riffs en chougachouga et, surtout, va aussi volontairement randonner du côté du black metal pour égayer un peu le propos.

On retrouve cette inclinaison tant d'un point de vue musical, avec des riffs en tremolo et une double régulièrement utilisée (sur « 9 » avec une impression plus black atmo, au milieu du morceau midtempo « Still Life », etc.), mais aussi dans la voix d'Eirini, qui si elle me fait penser régulièrement à celle d'Alex de Habak au Mexique, n'hésite pas à aller se percher dans des shrieks criards typiquement plus proche de la musique en noir et blanc.

 

Et si ça n'apporte pas beaucoup de couleurs à un ensemble bien sombre déjà, une belle variété se dégage finalement de ces compositions, même si je trouve que l'ensemble se solidifie à mesure que l'on avance dans Commotion, dont la seconde partie me paraît la plus aboutie.

 

En effet, si l'entame de l'album donne déjà une bonne idée du type de tempo que l'on suivra : lent et lourd, avec un côté chargé et menaçant qui a le mérite de mettre dans l'ambiance, celui-ci se révèlera en fait parmi les moins passionnants de Commotion.

Car pour le reste, la belle clôture de « Still Life », l'intro plus lumineuse et post-rock ensuite malmenée par la grosse disto fuzzée de « Shedding Character », le riff hâché et la basse roulante de « Ocean » ou le très bon morceau de fin « Darklight », probablement fait pour clore les concerts en martelant les gueules à coups de basse et finir en beauté, sont tous de très bons moments.

 

Et pourtant, malgré tout ça, je ressors de Commotion avec l'impression qu'il est « sympa mais assez classique » et qu'Allochiria sont un peu plus à l'aise avec les compositions plus longues, tels que « Casualties » ici, qui parviennent à mieux y construire leur propos.

Cependant, il mérite tout de même de lui jeter une bonne paire d'écoutes si vous êtes dans ce type de groupes, car vous pourrez peut-être y trouver quelques choses qui n'ont pas fait tout à fait tilt chez moi. Et comme le rapport à la musique est souvent éminemment subjectif, n'en restez pas sur cette maigre bafouille et filez me donner tort en appréciant Commotion plus que je ne l'ai fait.

Je pense avoir donné assez d'arguments pour laisser entendre que l'album en vaut tout à fait la peine, car il va chercher à mettre ensemble de nombreux éléments de nombreux styles en 'post'.

 

De plus, Allochiria n'ont pas hésité à jouer gratuitement dans un concert au bénéfice d'une victime de violences sexuelles, afin de soulever des fonds pour lui permettre de porter son histoire devant la justice. Et rien que ça me semble aussi être un autre bon argument pour aller jeter une oreille à leur musique, pour soutenir celles et ceux qui privilégient les démarches collectives et de solidarité.

 

A écouter pour se balader dans les paysages nocturnes d'une métropole athénienne bien lointaine de ses représentations classiques.

photo de Pingouins
le 06/06/2023

2 COMMENTAIRES

8oris

8oris le 06/06/2023 à 11:55:51

"standarts", la coquille est presque jolie! ;)
La suite l'a fait oublier...

Pingouins

Pingouins le 06/06/2023 à 13:58:51

Oups, corrigé, merci ! Du coup j'en ai repéré une deuxième corrigée aussi dans la foulée.
J'espère que la suite a fait oublier la coquille, pas qu'elle était jolie parce que le reste de la chro serait pourrie :p
Je le répète donc : l'album est mieux que sa chronique ! Allez l'écouter et vous verrez bien ! :)

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