Bengal - From Outer Space

Chronique CD album (45:40)

chronique Bengal - From Outer Space

« Bengal… Comment ça ? Comme la contrée lointaine où crèche le fameux tigre ? »

 

‘xactement Jonathan ! D’ailleurs il semblerait que ce patronyme s’inscrive dans le cadre d'un hommage à Fritz Lang, et plus particulièrement à son Tigre du Bengale, film de 1959 auquel l’album Mighty ! Gigantic ! Fabulous ! (2012) et l’EP Eschnapur (2014) semblent dédiés. Mais en tirant un peu sur les cheveux, on pourrait aussi imaginer qu’il y a également là manifeste volonté de cligner de l’œil en direction de « Mr. Bungal ». Quoiqu’il suffise d’une unique écoute de From Outer Space pour penser plutôt à L’autre groupe de Mike Patton : Faith No More. On en arrive même à se demander pourquoi, si le groupe tenait tant à faire dans l’exotisme et l’hommage mélangés, celui-ci n’a pas carrément opté pour Fest Noz Maure, blaze « épique » qui aurait apporté de douces consonnances maghrébo-finistériennes…

 

Mais nous ne sommes pas là pour refaire le match d’un baptême qui semble dater d’une bonne dizaine d’années. D’autant que la dimension cinématographique de ce nom continue aujourd’hui encore à avoir une importance cruciale. Car From Outer Space sonne comme la version discographique de ces vieux films datant de la Guerre Froide, au sein desquels de grotesques robots venus de Mars échouaient à coloniser l'Occident, tels des agents de Khrouchtchev dissimulés dans des boîtes de conserve High Tech. Vieux samples semblant sortir d’une télé des années Truman (le président, pas le rôle de Jim Carrey), sons de thérémine suggérant une S.F. rétro-horrifique, visuels sépia et papiers froissés : c’est tout une esthétique que n’aurait pas renié le Eddy de la Dernière Séance que le groupe se plait à déployer.

 

N’empêche, même si chaque piste (… sauf la dernière) s’achève sur des bruits de soucoupes volantes semblant échappées de la Twilight Zone, et si « The Day The Earth Stood Still » a parfois un vieil arrière-goût cosmi-comique à la Mars Attacks! / Ziltoïd, rien n’y fait : c’est avant tout à Faith No More que l’on pense. La faute en incombe principalement à Olivier Comte, qui sait adopter la nasalité, les modulations, voire le flow rappé du grand Mike – quoiqu’on pense également aux trémolos de Keith Caputo (Life of Agony) sur « We're All Stardust », voire aux lamentations de Geoff Tate (Queensrÿche) sur « Planet Of Fun ». C’est troublant, pas qu’un peu, et pas qu’une fois, notamment sur « They're Not Our Friends », « Hypergalactic », et j’en passe... Et les nappes de synthé de Sébastien Meynardie, alliées à la basse discrète d’Olivier Nadal, de renforcer ostensiblement le parallèle. Ceci étant dit, la coloration robotique de nombreux titres ainsi que le côté un peu décalé de la chose nuancent cette impression de références à Tub Ring. Si je vous dis de plus que « Chestburners » développe un petit côté vénère / punky lorgnant vers Dog Fashion Disco, vous devez commencer à vous dire que ces Vauclusiens ont l’air fortement recommandables… Et vous n’aurez pas tort !

 

Malheureusement on arrive à présent au paragraphe des « Oui… Mais ». Et pour une fois celui-ci n’est pas là que pour la déco. Vous n’êtes pas sans avoir remarqué que la note accrochée tout là-haut reste relativement timide… C’est que l’album n’est pas complètement irréprochable. On regrettera par exemple une prod et un mixage qui souffrent de la comparaison avec le géant californien, et qui trahissent par conséquent l’aspect « local » de la formation. Cela est d’autant plus dommageable qu’une mise en son un peu plus pointue aurait peut-être permis au clavier d'être mieux intégré aux autres pistes, ce qui aurait pu atténuer le côté parfois irritant de certaines interventions un peu trop « criardes ». L’autre écueil principal que l’on reprochera à From Outer Space c’est cette proximité trop grande avec Faith No More, le cordon ombilical semblant résister à l'usure des années.

 

Il faut néanmoins reconnaître que malgré ces relatives imperfections, le groupe réussit à livrer une grosse poignée de titres forts, parmi lesquels un « Final Assault » au titre résumant parfaitement l’action qui se déroule pendant ces 4 minutes mêlant le Devin Townsend de Ziltoid, le David Bowie de Space Oddity et, évidemment, Faith No More. Dans cette même shortlist il faut ajouter le triste bilan dressé face aux étoiles sur « Through The Distant Clouds », et son refrain déchirant. « They're Not Our Friends », tendu, comme électrifié, qui tisse habilement les fils d’une histoire culminant sur un discours d’Obama inattendu mais parfaitement intégré. Mais aussi le couple « A Little Sound In The Infinity » / « Hypergalactic », qui organise intelligemment son crescendo narratif à travers des contrastes habiles et d’autres de ces refrains à même d’émoustiller une Pattonosphère toujours fébrile. Alors certes, au vu de certains retours enthousiastes glanés ça et là, j’espérais que From Outer Space serait l’éblouissant étendard d’un nouveau héros hexagonal incontesté. Et il s’avère que la réalité est un peu moins triomphale. Pour autant s’il y a bien une chose que je ne regrette pas, c’est d’avoir déboursé les quelques euros nécessaires à l’acquisition de cet album qui, tout en étant déjà une œuvre admirable, formule dès à présent la promesse d’un avenir carrément radieux pour ce « nouveau venu ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: si Faith No More avait été le nom d’un club français de collectionneurs de VHS passionnés de vieux nanards de science-fiction, From Outer Space aurait été la bande-son de ses réunions proposant projections expertement fétichistes et bourses aux échanges de raretés filmées en Super 8. Coloré de sépia, largement inspiré de la 2e moitié de la discographie des « Kings for a Lifetime », l’album souffre un peu de sa proximité avec son modèle mais offre trois quarts d’heure de plaisirs rétro-pattonno-cinéphiles indéniables.

photo de Cglaume
le 20/01/2022

2 COMMENTAIRES

papy_cyril

papy_cyril le 23/01/2022 à 10:03:48

Keith Caputo, elle s'appelle Mina maintenant, Lapin...

cglaume

cglaume le 23/01/2022 à 13:13:26

C’est vrai mais comme je ne connais que le premier album, et que la voix me fait penser à celui-ci, et qu’à l’époque il s’appelait Keith… :)

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