Golgothan - Leech
Chronique CD album (38:01)

- Style
Death brutal, mais accessible - Label(s)
Lacerated Enemy records - Date de sortie
4 février 2022 - écouter via bandcamp
Si l'on en croit les loustics qui se sont appropriés le patronyme, Golgothan n'a rien à voir avec ces adversaires que Goldorak finissait invariablement par achever d'un coup d'astéro-hache ou de corno-fulgur bien placé. En réalité ce nom désigne plutôt un « démon de merde ». Non, pas un diablotin en carton, restons cette fois au premier degré sémantique : il s’agit ni plus ni moins d’un vil être cornu fait de ces matières qu'on dit fécales et que l'on produit dans le tumulte de nos usines intestinales. Mais si, rappelez-vous : vous en avez déjà croisé un dans Dogma, même qu'il se fait mater par Jay et Silent Bob. Alors autant vous dire qu'avec un blaze pareil, nos cinq Américains costumés (car oui, ils ajoutent cette autre carte à double tranchant à leur univers) avaient plutôt intérêt à ne pas se louper, sous peine de finir au fond de la cuvette d'une metalosphère prompte à tirer la chasse...
Bonne nouvelle, pas besoin de sortir l'Air Wick pour accueillir Leech, premier album longue durée des « merdeux » de Lafayette, Louisiane. En effet, il semblerait qu’avoir sorti quatre EP en huit ans leur ait permis de suffisamment raboter les excroissances disgracieuses d'une fougueuse jeunesse et de réussir donc leur entrée dans la cour des grands avec un album de Death indiscutablement brutal, mais qui ne se contente pas d'arracher la muqueuse gingivale de l'os maxillaire. Jugez plutôt : habituellement, quand de ma liste des albums à chroniquer émergent les derniers Clit Vomit ou Ferocious Toe Mastication, j'ai rarement besoin d'écouter plus d'un demi-morceau pour savoir que ce sera un autre que moi qui devra se charger de donner son avis sur les odes au sanibroyage composées par ce genre de gredins. Que voulez-vous, avec le temps mes oreilles velues sont devenues sensibles... Pourtant, quand Leech a commencé à éjecter ses insanités à travers la pièce par l'entremise de mes innocentes enceintes, il y a eu comme de l'électricité dans l'air – comme quoi il n'y a pas qu'Impulse qui fasse ce genre d’effet ! Impact immédiat, souci de l'accroche, narration ménageant de la place aux atmosphères, prod' conçue sur papier-millimétré : non seulement l'aperçu donné par les premiers épisodes faisait saliver, mais il donnait envie de mater toute la saison d'une traite…
Alors zou : let's try ze bousin !
Après une intro gentiment flippante façon « ÇA t’invite à venir flotter au milieu des ballons et des têtes coupées dans le sous-sol, sous ta chambre », le groupe monte rapidement les rapports à l'occasion d'un morceau-titre relativement classique mais qui interpelle grâce à un son suffisamment clean pour qu’on puisse distinguer les glaires frémir tout au fond de la gorge du préposé au chant. Ça tabasse sévère, les guitares s’abandonnent parfois dans des renfoncements blacky joliment ambiancés, la double arrose en mode grosse Bertha… Pour autant cette première compo est loin d’être remplie ras la gueule de disto’ brouillon et de copeaux de caisse claire : on peut y observer à notre guise le paysage et voir que les décors sont joliment agencés... Mais crénom, le Death est censé être synonyme de dents déchaussées et de côtes enfoncées ! Et ça tombe bien, c’est justement ce qui est prévu au menu de « 3 Teeth to Eat You », titre sévèrement burné agrémenté de commentaires sportifs aussi bien growlés que shriekés décrivant avec moult détails l’écrasé de tympans qui y est concocté dès les toutes premières secondes.
Vous aurez compris que si le Death de Golgothan peut être qualifié de brutal, il ne singe pour autant ni Suffocation, ni Brodequin, ni même Canniboule. Si certains assauts virulents et le caractère bipolaire du chant peuvent parfois rappeler un Benighted mesuré et mélodique, le souci de créer de belles ambiances évoque plutôt un Cephalectomy moderne laissant son penchant beumeuh s’exprimer plus librement. En jetant un œil à la paperasse promotionnelle livrée avec l’album, je constate qu’on nous y parle également de Cattle Decapitation et Aborted, mais je connais mal le premier et ce que j’entends ne me rappelle pas de manière évidente le carnage Goremageddon (dernier opus des Belges que j’ai sérieusement écouté), alors on ne se hasardera pas à confirmer ces dires. De manière plus prosaïque par contre, on peut affirmer que Leech nous fait passer un sacré bon moment. Et pas seulement en musique de fond, au moment de débiter le cochon de lait grillé à point. C’est que non content d’être raisonnablement mélodiques (on trouve même des échanges twin à la fin de « Bottomless Pit »), les Américains savent également titiller expertement notre point G[roove] en nous offrant de ces moments qui font terriblement monter la pression. Tiens, sur les traînées de fiel Black qui boostent à plusieurs reprises « Gravy Train » (... première occurrence à 0:41). Puis lors de la mosh part joliment grassouillette qui impose une séance de headbang à 0:34 sur « Winged Death ». Il y aurait encore moult autres exemples à citer, mais on abrègera en terminant sur notre préféré : la plongée monstrueuse grasse qui, à 0:49 sur « Bottomless Pit », conclut les lentes tergiversations initiales.
Alors c’est vrai, au moment de noter l’album un bras invisible m’empêche d’attribuer une note trop rondelette. Parce que, bien que varié, plutôt inspiré, et riche en passages tripants, Leech peine à nous livrer ce que l’on pourrait qualifier sans hésiter de tubes. Et puis si « The Overlord » constitue une fin tout à fait honnête, elle est quand même un peu en-deçà de ce qu’on aurait pu attendre après d’aussi formidables coups de pied au Luc. De fait le risque d’un tel album est qu’il ait une durée de vie un peu réduite. Quoique cela doit faire une bonne vingtaine de fois que celui qui vous cause se le repasse, et que la lassitude est loin d’avoir commencé à se manifester. Alors laissez vos oreilles prendre la température de cette avenante Sangsue, et si cela devait au passage vous coûter quelques globules rouges, dites-vous qu'ils vous seraient largement remboursés en gros Metal sonnant mais non trébuchant.
La chronique, version courte: Leech, premier album des Américains de Golgothan, propose un Death metal brutal mais mélodique, groovy, varié, accrocheur, qui sait se faire tantôt blackisant, tantôt narratif, tantôt fournisseur d’atmosphères léchées, et qui ne se cache jamais derrière un brouillard indistinct de blasts et de fumée grésillante pour se la jouer plus méchant qu’il ne l’est vraiment. Un début plus que prometteur qui pourrait séduire les fans de Cephalectomy (… ainsi que de nombreux autres) !
0 COMMENTAIRE
AJOUTER UN COMMENTAIRE