High Castle Teleorkestra - The Egg That Never Opened

Chronique CD album (48:19)

chronique High Castle Teleorkestra - The Egg That Never Opened

Pour peu que vous soyez un philipkdickophile averti, les éléments ostensiblement affichés en tête de cette gondole webesque auront peut-être allumé des loupiotes sur votre tableau de bord de fan. Car le nom du groupe dont on cause aujourd'hui rappelle étrangement Le Maître du Haut Château (The Man in the High Castle), roman emblématique de l’auteur, qui lui a d’ailleurs valu le prix Hugo. Et parce que le sous-titre Radio Free Albemuth part 1 fait lui aussi référence à un roman du Philou, posthume cette fois. Et toutes ces lumières qui clignotent et ces alarmes qui retentissent dans le poste de contrôle du dickomaniac s’avèrent parfaitement justifiées. Car The Egg That Never Opened constitue le premier volet d’une trilogie qui propose de mettre en musique le fameux ouvrage, chacun de ses 30 chapitres prenant vie à travers un morceau tout à lui dédié.

 

Vous vous foutez royalement de l’écrivaillon sans qui Blade Runner, Total Recall et The Truman Show n’auraient pas vu le jour ? D’ailleurs vous conchiez la SF ? Libre à vous. En tous cas sachez que cela ne nuira en rien à ce que vos oreilles percevront du premier bébé de High Castle Teleorkestra. D’ailleurs éteignons à présent l’écran pour que les oreilles prennent le relais des yeux et qu'on puisse enfin se concentrer sur la musique et sa genèse.

 

High Castle Teleorkestra est un regroupement de talents répartis entre Etats-Unis, Europe et Australie, dont le point de départ remonte aux derniers confinements, lorsque le monde entier apprenait à trinquer devant Zoom ou Skype. Il s’agit donc d’une formation dont certains des membres ne se sont jamais rencontrés en personne, d’où le préfixe « télé- », cet orchestre étant basé sur des contacts aussi peu charnels que ceux qu’offrent le télétravail ou les téléconsultations. Sauf que l’expérience et le talent des musiciens impliqués, ainsi que la proximité de leurs sensibilités artistiques respectives, ont permis de véritables miracles. Mais avant de s’y attarder plus avant, déclinons l’identité de certains d’entre eux :

  • Tim Smolens, ex-Estradasphere, ex-Don Salsa, USA, co-instigateur du projet
  • Chris Bogen, pas franchement connu de nos services, USA, co-instigateur du projet
  • Bär McKinnon, ex-Mr. Bungle, Umläut, Australie, saxo & co
  • Timba Harris, ex-Estradasphere, Secret Chiefs 3, France, violon
  • Stian Carstensen, Farmers Market, Norvège, accordéon & co
  • Dave Murray, ex-Estradasphere, USA, batterie

... Auxquels il faut ajouter de pleines charrettes d’invités de luxe parmi lesquels Danny Heifetz (ex-Mr. Bungle), Adam Stacey et John Whooley (ex-Estradasphere), mon père, ma mère, mes-frères-et-mes-sœurs : who-hoo, c'est carrément le bon-heu-heuuur ! Inutile de vous la jouer plus exhaustive : vous avez déjà là une bonne idée de la multitude et de la qualité des gugusses.

 

Alors oui, High Castle Teleorkestra s’inscrit à 100% dans les traces du Nawak Metal canal historique – principalement instrumental, et pas si Metal que ça tout compte fait – des Estradasphere, Secret Chiefs 3 et Umläut. Tim Smolens en parle à juste titre comme d’un croisement entre un groupe de Metal, les B.O. d’Ennio Morricone, la folie douce de Mr. Bungle et le bronzage des Beach Boys. Cette créature polymorphe a bien évidemment de multiples autres visages, parmi lesquels il ne serait pas superflu de mentionner des racines folklo-est-européennes, des langueurs loungeo-jazzy, et un amour certain pour les teintes sépias. Ceci étant dit vous ne serez pas étonnés si je vous dis que décrire les trois quarts d’heure passés en compagnie de ce gros œuf qui ne veut pas s’ouvrir n’est pas chose aisée. Car si son contenu n’est pas exagérément agressif ni même véritablement hermétique (l’empilement des pistes n’est jamais étouffe-chrétien, et le collectif préfère la douce espièglerie à l’hystérie), il est suffisamment varié, foisonnant, voire déstabilisant pour qu’on ait du mal à en dresser un tableau qui retranscrive fidèlement sa richesse. À son écoute on se sent comme au pied d’une cathédrale faite de collages, de patchworks et de mosaïques, bref de tout un tas de techniques complémentaires plus ou moins artisanales mises en œuvre par des intelligences en apparence autonomes mais agissant en fait suivant un schéma directeur dicté par des entités supérieures. D’où la convergence de ces multiples efforts en une force à même de bâtir cet impressionnant édifice que le regard ne peut jamais englober dans son ensemble – et pourtant ce n’est pas faute d’essayer !

 

Mais essayons à présent de devenir plus factuel. En commençant par vous dire que les compos de The Egg That Never Opened sont loin de ressembler les unes aux autres. Car non seulement celles-ci combinent bien souvent des bases différentes selon des recettes distinctes, mais également parce que là où certaines sont de profonds maelstroms kaléidoscopiques, d’autres sont beaucoup plus uniformes, voire beaucoup plus assagies. Parmi les pistes les plus ambitieuses et les plus fourmillantes il faut citer le morceau-titre, un « Valisystem A » doux mais truffé de passionnants recoins, ou encore le très bon « Mutual Hazard » qui donne parfois l’impression que Dirty Shirt a pris part à sa direction artistique. « Diagnosing Johnny » contribue lui aussi à faire naître des sourires comblés sur les visages en mettant sur pied une sorte de comédie musicale à la Disney inspirée de l’univers de California, ainsi que « Ich Bin’s » (l’adaptation d’un tango de José Maria Lucchesi) qui propose une séquence "Guinguette & Flonflons Metal" pas inintéressante, quoique un peu trop uniformément petit-vin-blanc-qu’on-boit-sous-les-tonnelles.

 

Si par contre l’on ne réussit pas à s’emballer aussi intensément que cet album pourrait le mériter, c’est que les parties Metal – récurrentes, quoique loin d’être omniprésentes – sont en partie muselées par une prod’ un peu castratrice. Et parce que l’ambiance est souvent à la rêvasserie frivole, à la douceur ouatée, à la langueur paresseuse plutôt qu'à l'énergie trépidante et aux fulgurances hallucinées… Un reproche qu’on pouvait déjà faire aux dernières sorties d’Umläut. Or les lapins, c’est bien connu, aiment quand ça bœute, quand ça sprinte, quand ça swingue, surtout quand lesdites bestioles ont le pelage jaune ! Du coup celles-ci ne sont que moyennement emballées par un « Placentia » Surf/Blues divaguant mollement dans le désert, et pas plus par un « Klawpeels: Mission Checkup » qui comporte certes des joyeusetés pas piquées des hannetons (telles des métriques en 47/64 !), mais dont l’indolence tropicale finit par les faire bailler. Et les papouilles Lounge de « The Days of Blue Jeans Were Gone » ne s’avèrent guère plus vivifiantes !

 

Alors non, The Egg That Never Opened n’est pas le nouveau California. Pas plus que Suicide, Italian Style, qui lui aussi en avait de faux airs, mais malheureusement pas l’aura. Cet œuf fermé reste néanmoins un album fascinant, qui gratouille plus d’une fois certaines de nos zones les plus agréablement sensibles… Alors comptez sur nous pour sauter les pieds les premiers dans les deux prochains épisodes de Radio Free Albemuth !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: la rencontre ambitieuse des mondes du Metal, des B.O. d’Ennio Morricone, de Mr. Bungle et des Beach Boys (liste non exhaustive) orchestrée par des membres – ex- ou non – d’Estradasphere, Mr. Bungle, Secret Chiefs 3 et plus si affinités, ça vous dit ? Oui ? Tant mieux, d’autant que c’est parti pour durer le long de 3 albums, le premier de ceux-ci s’appelant The Egg That Never Opened (Oh, an egg comes out of a chicken ?! Oh, a chick comes out of an egg ?!)

 

 

photo de Cglaume
le 18/07/2022

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