Iblis - Menthell
Chronique CD album (32;21)

- Style
Avant-Garde [Black] metal - Label(s)
D.T.M. Productions - Date de sortie
10 mars 2012 - Lieu d'enregistrement Studio 67
- écouter via bandcamp
Il y a des drogues que, manifestement, je n’ai jamais essayées. Par exemple celle qui a permis de réaliser la pochette de Menthell. Et qui a d’ailleurs certainement conduit à composer la musique abritée derrière cette drôle de tranche d’art. Parce qu’il faut avoir le cervelet baignant dans des jus sacrément pas clairs pour réaliser une pochette mêlant ainsi iguanes, poissons, libellules, lune, scalpels et rouages – non non, ne me dites pas que ce sont des pratiques courantes sur Netflix ou OCS, j’ai beau être un vieux con réfractaire aux bouquets numériques payants, je ne tomberai pas dans le panneau. De même, il faut avoir laissé la porte de son cortex ouverte à des molécules bizarrement colorées pour rebondir ainsi de la basse sur de tels canevas blastés et de telles élucubrations vocales (« Ne me mange pas la jambe ! » supplient certaines voix… Mais on est où là ?).
Bref, aujourd’hui on va causer fantasmagories musicales et stimulations improbables des nerfs auditifs. Alors sortez le bang, à vos marques, prêts, faites tourner !
Non, Menthell n’est pas un album tout beau tout chaud issu du bouillonnant torrent de l’actualité. Il se trouve juste que je suis récemment retombé sur ce CD, perdu au beau milieu de la pile de mes achats trop vite négligés, une « vieillerie » datant de 2012, époque à laquelle les groupes sortaient encore des « digipacks » (que les plus vieux expliquent aux plus jeunes, merci) au sein desquels on pouvait trouver des coordonnées Myspace (que les archéologues expliquent aux instagrameurs, merci). Il s’agit tout à la fois du premier et du dernier (à ce jour) album d’Iblis, groupe polonais ayant un temps pratiqué le Black’n’Roll avant de s’aventurer dans le théâtre crapuleux de l’Avant-Garde Metal. Car oui, c’est vêtu de mon plus beau costume de Xuaterc que je vous écris aujourd’hui, l’album en question rentrant pile-poil dans le domaine de compétence de mon estimé collègue – sur lequel je compte d’ailleurs pour rétablir ces quelques vérités que j’aurais ici malmenées, et améliorer les quelques comparaisons hasardeuses que j’aurais tentées.
Détail superficiel, mais qui met la puce à l’oreille : sur les photos promos d’époque Jacek « Borsuk » Ścierański, le guitariste de la bande, arbore un T-shirt Ulver. Est-ce qu’un parallèle serait justifié, je ne saurais le dire n’ayant que peu pratiqué la discographie des précurseurs norvégiens. Par contre oui, trois fois oui : Iblis mérite lui aussi l’étiquette « Avant-Garde ». Ou du moins le qualificatif « singulier ». Car le Metal qu’il pratique (« Black- » ? A défaut d’autre chose… mais « extrême » serait plus juste) est effectivement de ceux qui naviguent en terres peu défrichées. Les références auxquelles on se raccroche à l’écoute de cette grosse demi-heure de musique sont à trouver du côté de Voivod (pour les ambiances retorses et parfois spatiales), Disharmonic Orchestra (pour cette ligne jamais droite, mais néanmoins colorée d’une belle basse), Atrox (pour la sophistication classieuse) et de groupes comme Vulture Industries (pour l’univers burlesque et la camisole cachée sous le veston).
Evidemment, si les mélodies tortueuses vous donnent des boutons, Menthell risque de vous rappeler vos années Biactol. Et si les chants déclamatifs outranciers, façon Mr Loyal décadent coiffé d’un entonnoir, vous insupportent, alors mieux vaut passer votre chemin. Parce qu’on peut dire que Paweł « Zgred » Kiszka s’en donne à cœur joie dans le domaine. A cœur joie et à écœure-moi, parfois. Car quoique je ne fasse pas vraiment partie de cette catégorie d’auditeurs évoquée dans l’avant-dernière phrase, le gugusse a réussi à me fatiguer par son exubérance et sa malencontreuses capacité à amoindrir l’impact de certains morceaux. Le morceau-titre est assez représentatif de cette contre-productivité, le très bon riff principal étant dilué dans des parties malsaines où le bougre s’évertue à jouer les guides hallucinés éructant des propos témoignant de manifestes troubles psychiatriques.
Une fois extraites ces quelques échardes, revenons à des considérations plus laudatives. Car Menthell c’est avant tout de nombreux bons riffs, une basse à ce point présente qu’on pourrait même la qualifier de centrale, et quelques morceaux franchement mémorables. Dans notre Top 3 on citera « 12 Sycamores », qui démarre sur un groove de folie, qui « circonvolute » sans jamais perdre en attrait, et qui blaste et pète des boulards comme à une finale de championnat du monde de pétomanie. On citera ensuite « Don’t Eat My Leg », qui réussit l’alliance des forces d’attraction de Voivod et Cynic. Et on finira sur l’exceptionnel « Bill Skins Fifth », apothéose tourmentée et grandiose solidement assise sur un riff de frelon agacé, qui justifie à elle toute seule l’acquisition de ce drôle d’album.
Alors si vous suivez habituellement les bons conseils de Maître Xuaterc pour faire grossir votre base de données discographique, pour une fois prêtez l’oreille aux propos de son jaune collègue : Menthell est l’une de ces briques qui manquent cruellement à votre Mur du Bizarre musical. Ajoutez-la sans attendre et vous ressentirez rapidement cette plénitude du vide comblé qui fait les parties de Tetris et les coïts réussis !
La chronique, version courte: avec son approche peu orthodoxe du Metal extrême, sa basse gironde et la chorale d’aliénés qui s’y est accaparé le micro, Menthell est un premier album pratiquant un contorsionnisme avant-gardiste qui cligne de l’œil en direction des fans de Voivod, Disharmonic Orchestra et Vulture Industries.
1 COMMENTAIRE
Xuaterc le 06/02/2022 à 11:57:01
En effet, j'ai découvert cet album à sa sortie (du fait de son excellent label) et j'ai pris une grosse claque, avec « 12 Sycamores » comme climax
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