Illdisposed - In Chambers of Sonic Disgust
Chronique CD album (44:25)
- Style
Death metal - Label(s)
Massacre Records - Date de sortie
28 juin 2024
écouter "Lay Low"
Ce week-end, Nono vous a invité à un barbecue. Réglé comme une horloge atomique, vous allez débarquer vers 12:30, une bouteille de rosé et quelques frometons à la main, avec en guise de salut la question à deux balles habituelle : "C'est bien ici qu'on peut se faire griller la saucisse ?". Bien sûr il y aura Fred, Momo, Ninon et Sarah, mais pas Alex, qui est de garde cette fois. Ça va se passer comme d'hab : bonne suée et grosses blagues, une canette à la main, en retournant les brochettes. Des nouvelles des copains – mais aussi des anciens, qui habitent dorénavant dans le sud – échangés autour de la salade tomates/feta. Les coups de gueule unanimes, en causant de l'actualité, et en resservant les verres pour accompagner les côtelettes. Les rires, en ouvrant les cadeaux de Ninon, dont c'est l'anniversaire, et en entrechoquant les coupes de mousseux, servies avec le cake. Et puis, classiquement, ça finira avec d'un côté le club transat, dont les paupières seront rendues lourdes par la picole, mais qui continuera d'évoquer les vacances à venir, et de l'autre le clan ping-pong, qui fera semblant d'être encore vaillant, mais qui n'en mettra pas beaucoup sur la table.
C'est toujours pareil les barbec' chez Nono. Peu de surprises, peu de dérogations aux règles tacites de l'après-midi entre potes... Et pourtant c'est toujours le même plaisir renouvelé quand arrive sur le téléphone le message « Opération chipo' samedi en 15 : votre mission si vous l'acceptez est de ramener le soleil chez Nono. Si vous deviez être pris en état d'ébriété sur la voie publique, nous nierions avoir eu connaissance de vos agissements ».
Eh bien c'est un peu la même chose quand on réceptionne un nouvel album d'Illdisposed. On sait pertinemment comment cela va se passer : de gros mid-tempos bovins, à la fois musculeux et gras, balancés par des guitares qui sentent le lard et le feu de bois. Un fil narratif déroulé imperturbablement par Bo Summer, dont le growl profond continue d'évoquer le grizzli en phase terminale de laryngite aiguë. Sur votre droite de sombres mélanco-mélodies, fières mais résignées, tellement scandinaves. Et puis sur votre gauche, pour contenter les fans récoltés à l'époque de 1-800 Vindication, quelques petites coquetteries électro-synthétiques, pas omniprésentes hein, pas envahissantes : juste de la déco, discrète, pour habiller sans étouffer. La recette ne change pas. Mais ça tombe bien : on l'aime comme ça. Et puis ce n'est pas au bout de 33 ans et 15 albums qu'on va commencer à avoir des exigences extravagantes...
Pourtant certains événements auraient pu justifier quelques menus changements. Car cela fait cinq ans que les Danois n'étaient plus allés au charbon (eh oui, Reveal Your Soul for the Dead date de 2019 !) : le barbecue aurait pu rechigner à démarrer, le régime aurait pu devenir végétarien, le parasol aurait pu refuser de s'ouvrir... D'autant que, saloperie de crabe : Rasmus Henriksen a dû lâcher la guitare pour se concentrer sur son combat contre une vilaine tumeur au cerveau. Ce sont les carottes, plutôt que les merguez, qui risquaient d'être cuites ! Mais non, le bambou Illdisposed ploie momentanément, mais ne se brise pas. Ken Holst est venu reprendre la place qu'il avait abandonnée à Rasmus, Jakob Batten a remis sa muse au travail, et roule ma poule : malgré leur blaze, non, ils ne disent toujours pas « Pause ! ».
Alors évidemment, comme lors de tout barbecue, certaines saucisses sont trop cuites (honnêtement, pourquoi faire un porte-étendard de « The Ill-Disposed », quand la soupe y est aussi tiède?), certaines bouteilles de vin sont vidées sans laisser de trace dans la mémoire d'aucun convive (« I Suffer », « Pain Suffer Me »...), mais les papilles trouvent néanmoins largement de quoi s'y satisfaire (notamment sur « I Walk Among the Living », au groove et aux breaks jouissifs, ou encore sur « For us », qui combine idéalement toutes les composantes de la personnalité du groupe). Alors une fois de plus, quand In Chambers Of Sonic Disgust s'achève, on se dit qu'on a passé un sacré bon moment. Et que les Danois pourront évidemment compter sur notre présence, quand reviendra le temps de sortir les enceintes, les chaises pliantes et la glacière, afin de profiter à nouveau d'un bon gros album de Death entre amis.
La chronique, version courte : nulle surprise ni déconvenue au moment de mettre In Chambers Of Sonic Disgust sur la platine. Pour leur 15e album, les Danois nous servent l'habituelle recette d'un Death non seulement velu et gras, mais également chaleureux et mélodique, avec ce qui fait l'éternelle marque de fabrique du groupe : un groove d'hippo égrillard, de sombres mélodies, un soupçon – à peine – de glaçage électro-synthétique, et le « growl signature » de Bo Summer, rêchement glaireux, ou spongieusement rocailleux, comme vous préférez.
1 COMMENTAIRE
Crom-Cruach le 04/09/2024 à 18:34:53
Sympa comme un Rogga
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