Kataklysm - Unconquered

Chronique CD album (38:00)

chronique Kataklysm - Unconquered

On a un peu du mal à se l’avouer parce qu’ils nous inspirent encore de la sympathie, mais à un moment il faut quand même être honnête: ces dernières années la sortie d’un nouvel album de Kataklysm déclenche chez beaucoup de fans de Death Metal – dont ma pomme – la même réaction que l’annonce d’un nouveau Six Feet Under ou d’un nouvel In Flames. « A quoi bon? » résume bien le sentiment éprouvé. Pourquoi s’acharner? La franchise n’est-elle pas déjà complètement à bout de souffle? Les derniers épisodes n’étaient-ils pas suffisamment au ras des pâquerettes? Après la cata’ Of Ghosts and Gods, on avait d’ailleurs préféré zapper purement et simplement son petit frère, Meditations, sorti il y a 2 grosses années de cela. Sauf qu’un mélange de nostalgie, de candeur et de masochisme obsessionnel nous pousse parfois à retourner vérifier une Nième fois si ce n’est quand même pas dans ce foutu sac que, nom de nom, on aurait laissé nos clés. On a beau avoir déjà vérifié maintes fois toutes les poches, exploré chaque recoin, contrôlé chaque couture, on ne peut empêcher cet élan compulsif qui nous pousse à re-re-revérifier une dernière fois au cas où, des fois qu’on ait loupé quelques choses lors des précédentes inspections.

 

Penses-tu. On aura beau retourner Unconquered sans dessus-dessous, ce n’est pas dans ce 14e album qu’on retrouvera le Kataklysm d’antan!

 

Et la première des raisons à cela tient dans le fait que, si Maurizio Iacono et ses Kataboyz continuent sur la voie d’un Death emmélodifié à la Suédoise (le début de « Cut Me Down » n'est autre que du pur At The Gates), le groupe a cette fois choisi de faire un autre emprunt à leurs voisins d’Europe septentrionale. En effet, en ajoutant une 7e corde à son arc guitaristique et en ressortant Colin Richardson de son placard à manettes, Jean-François Dagenais a mitonné au groupe l’un de ces sons modernes extrêmement cliniques – complètement synthétiques même, pour vous le dire comme je le pense – qui semble témoigner d’une certaine admiration pour Meshuggah. Alors non, Kataklysm ne fait pas encore dans la désarticulation hypnotico-rythmique, mais rien que sur « The Killshot », quand on s’en va jeter une oreille aux alentours de 1:12, les rebonds riffés lancinants sur lesquels on tombe ne sont qu’une première occurrence de pratiques nouvelles plus froides, plus aseptisées, plus « modernes ». Et de fait on pourrait dire qu’Unconquered est un peu le Reroute To Remains des Canadiens en cela qu’il essaie de donner un nouveau souffle à leur Death mélo. Sauf qu’In Flames avait réussi à convaincre une bonne partie de ses fans, lui.

 

Sur les trois premiers morceaux, les Canadiens réussissent à donner encore un peu le change. D’ailleurs si tout l’opus avait été du même tonneau, il aurait sans doute mérité un 6,5, voire un 7/10. Car malgré cette approche plus américaine que jamais – qui sent fort le carton-pâte jaugé depuis mes pantoufles – la formation ne s’en sort pas trop mal. Mais dès « Focused To Destroy You » on tombe dans des abysses de platitude insipide: enlevez la nappe de synthé minimaliste qui apporte un peu de profondeur, et il ne vous reste plus sur les bras qu’un monument d’insignifiance métallique où tout n’est que rythmiques rabâchées, fadeur saturée et vide intersidéral boosté à la prod’ mammouthesque. « The Way Back Home » offre un dernier sursaut schizophrène où quelques belles trouvailles (un détour du côté de chez Dan Swanö vers la fin de la première minute) côtoient les mosheries les plus lourdingues, l’horreur absolue étant atteinte au bout de 3 minutes, quand des saccades décervelées et un « C’mon! » trop d’jeune convergent en une poussée de boutons de niveau 9 sur l’échelle du Decapitated-du-pauvre.

 

My God mais qu’est-ce qui leur a pris?

 

Et l’album de se traîner péniblement jusqu’à son terme, de riffs vus et revus en mosheries en caoutchouc dignes d’un Illdisposed neurasthénique s’étant pris les pieds dans le tapis d’une esthétique 2.0. Sur « Stiches », si l’on excepte quelques injections de sucre scandinave, le niveau du riffing tombe à mi-chemin de ce que Six Feet Under a fait de moins inspiré et des plans les plus basiques du Roots de Sepultura. Ça fait peur nom de nom! Puis, après une tranche bourrative faisant aussi peu avancer le schmilblick que Papy Mougeot (cf. « Defiant »), Unconquered se clôt sur deux pistes déprimantes à la pseudo-mélancolie noyée dans un mélange d’impressions de déjà-vu, de gros biscotos gonflés à l’hélium et de guitares rythmiques à la banalité cosmique.

 

Une fois de plus, on voulait croire à un possible regain d’inspiration… Mais des clous! Il va falloir se résigner, et arrêter de se faire mal à chaque nouvel album. Car à l’image de cette pochette, c’est désormais écrit en noir sur blanc: Kataklysm est définitivement vidé de sa substance passée. Et si cette conclusion me range sans doute dans la case rancie des vieux cons, je serais quand même curieux de savoir à quelles musiques carburent ceux qui vont prendre leur pied sur ce skeud tout de travers. Sûrement pas à Bolt Thrower, au Swedeath ou à Autopsy si vous voulez mon avis…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: tout en conservant les mélodies typiquement suédoises qu’il pratique depuis une poignée d’albums déjà, sur Unconquered Kataklysm se lance dans une grande entreprise de « modernisation ». Mais le gros son à la Meshuggah et les mosheries titanesques pour lesquels il a opté ne suffisent pas à masquer un vide aussi sidéral que sidérant. Tout défiguré par ces excès désespérés de botox et de collagène sonore, le groupe a perdu tout ce qui lui restait de sex-appeal…

photo de Cglaume
le 03/12/2020

5 COMMENTAIRES

sepulturastaman

sepulturastaman le 03/12/2020 à 10:53:07

Putain lapin une note inférieur à 5, vache ça t'arrive combien de fois par an ?

Tookie

Tookie le 03/12/2020 à 11:06:47

"Mais le gros son à la Meshuggah et les mosheries titanesques pour lesquels il a opté ne suffisent pas à masquer un vide aussi sidéral que sidérant"
T'as mis les mots sur le sentiment qui avait accompagné durant l'écoute de la moitié de l'album auquel je regrettais de n'avoir laissé que peu de chances...mais l'emballage ne sauve rien.
Rha, puis y'a cette impression un peu dégueulasse, et complètement inexplicable : pour moi, ils y croient pas. Ils ne croient pas en ce qu'ils jouent, chantent. Ils se font chier autant que nous. Et si ce n'est pas le cas, s'ils sont hyper contents de ce qu'ils servent, ils ne savent pas faire passer leur enthousiasme. (Mais j'suis certain qu'ils ne sont pas fans de leur propre album).
Ça m'emmerde pour eux, parce que j'ai des supers souvenirs de ce groupe, mais ça vieillit très mal.

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 03/12/2020 à 12:25:01

"Sûrement pas à Bolt Thrower, au Swedeath ou à Autopsy si vous voulez mon avis ": ah bah je confirme.

cglaume

cglaume le 03/12/2020 à 22:31:52

@Sep, c'est super rare. D'habitude je préfère ne pas chroniquer. Mais là j'avais commencé à m'y plonger pour le "mag d'en face", du coup j'ai été jusqu'au bout

@Tookie: c'est clair. Ce même côté je n'y crois plus qui plombe aussi Sodom

@Cromy: je pensais un peu à toi en lâchant ces références haha

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 04/12/2020 à 18:41:01

C'est bien sympa de penser à moi. Bon c'est sur tu te repasses "Serenity In Murder" et tu te dis: OUPS.


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