Körgull The Exterminator - Built to Kill

Körgull, c’est tout à fait le genre de blaze des mecs avec qui notre Crom-Cruach national écluse des bouteilles d’hypocras après s’être fait décintrer les maxillaires au cours de béhourd party bien viriles. Pourtant, rien à voir : « Korgüll the Exterminator » est le premier morceau de Rrröööaaarrr, 2^e album de Voivod. Notez que, malgré cela, non : sur Built to Kill, nulle évocation de la malédiction du scaphandrier-garou errant de par les cratères du satellite Phobos, nulles progueries retorses (… ou si peu), nul Thrash technico-spatial partant explorer la dimension à Tross (c’est qui c’ui-là ?)... Si vous voulez vivre ce genre d'aventures halletantes, à défaut d’aller voir directement chez Denis Bélanger et ses potes, il vaut mieux passer par la case Vektor.

Ce que les Catalans de Korgüll the Exterminator ont retenu de l’héritage des Québécois par contre, c’est une certaine liberté de ton (… qui confinait au Punk lors des débuts trépidants de leurs héros d’outre-Atlantique). Ainsi que la touche artisanale de pochettes confectionnées à l’ancienne, sans Photoshop ni Intelligence Artificielle. Et puis, quand même, ce plaisir sournois qu’il y a à faire naître des frissons d’angoisse via des contorsions dissonantes évoquant les soubresauts d’une navette à la dérive subissant une dépressurisation fatale (cf. « Existential Risk », qui sent fort le Killing Technology-worship). Mais en dehors de cela, pas trop de rapport avec la choucroute. Car notre Körgullounet est plutôt du genre petite teigne, qui vocifère en mode Black/Thrash, cavale à dos de Speed/Punk, mâchonne le même vieux mégot que Lemmy, et sacrifie parfois un nouveau-né à la gloire du Grand Cornu en compagnie de potes corpse-paintés.

Mais peut-être découvrez-vous seulement ces zigotos transpyrénéens ?

(… moi aussi, pour être honnête)

Je vous rencarde vite fait, alors. Cela fait 19 ans déjà que Körgull terrorise les petits vieux dans la rue, tire la queue des chats de gouttière, et extermine – faut quand même mériter son surnom – les bandes de scouts qui osent planter leurs tentes dans les sous-bois ceinturant Sant Celoni, leur fief. En presque deux décennies, nos amis ont eu le temps de se faire remarquer par Fenriz (qui les a mis à l’honneur sur son Web Hall of Fame). De signer avec Xtreem Music, Ván Records, Hammerheart Records, et rebelote Xtreem Music. De sortir 6 albums – dont celui-ci –, 5 splits, un EP, un live, et une compil. De fouler moult planches, évidemment… Et on préfère ne pas compter les mains courantes déposées à leur encontre (… j’enjolive, mais c’est pour être raccord avec l’imagerie des zözös).

Maintenant, Built To Kill n’a-t-il pas la lame quelque peu émoussée après 19 ans à dresser l’index et le petit doigt ? Et y a-t-il vraiment un intérêt à intégrer à la bande des Hellripper, Bütcher, Sadistic Force, Hexecutor et autres Midnight un nouvel arrivant ? Ça ne commencerait pas à grimacer et riffer en rond tout ce petit monde, à force ?

Eh bien non. Parce que les Catalans ont la couscoussière qui déborde de rage, d’énergie mauvaise, et de cette envie de distribuer les torgnoles que l’on ne ressent qu’au contact des albums qui déglinguent. Alors oui, leur 6^e album recycle des riffs de Motörhead, Sodom, Venom, Bathory, et de toutes ces références crapoteuses, trve to ze core, qui fleurissent en patches sur le blouson de Jean-Mi, le métalleux gentil mais relou qui finit toujours les concerts de Demembrator fin-bourré. Nos petits gars ont la foi, le feu sacré, appelez ça comme vous voulez, et ils connaissent sacrément bien leur taf. Sans compter qu’ils varient joyeusement l’offre métallique : quel lien par exemple entre le Motör-Crust de « The Nine Circles of Hell » et les tourments infernaux d’un « Count Estruch » à 98,666% Evil BM from Hell ? Quel rapport entre le Punk glissant vers le War Metal de « Death to the Human Race » et les court-circuits-dans-le-ventilo du voivodien « Existential Risk » ? Pas grand chose. Si ce n’est cette volonté de nous planter des crocs venimeux et des riffs barbelés dans les chairs. Et l’on s’ennuie d’autant moins que le niveau de kiffitude est au maximum sur ce « The Nine Circles of Hell » dont on causait quelques lignes plus haut, sur le tout-sale-tout-méchant « Exterminator » dont les deux variantes du refrain « en chiens de faïence » nous jappent férocement au visage, sur l’hymne Proud Evil Warrior « Night of the Devil », et plus encore sur la foncerie ultime « Ritual Suicide » qui nous emmène non plus dans le rouge, mais carrément dans le noir !

Certains diront que Built To Kill est bête et méchant. Méchant, oui. Bête, non. Véhément, fonceur, vicieux, rétro, teigneux, outrancier, conservateur, cracra… tout ça, mille fois oui. Mais bête, non. Les loustics savent trop bien là où taper pour faire mal. Et trop bien comment transformer cette douleur en une explosion de délices auriculaires. Alors si vous aimez Hellripper, les soirées tupperware & sabbat, les riffs sales sous les ongles et le metal indécrottablement « trve » mais pourtant loin d’être bas-du-front, laissez vous tenter !

La chronique, version courte : vous ne voulez pas choisir entre Black, Thrash, Speed et Punk ? Vous êtes un fan inconditionnel des Hellripper, Bütcher, Sadistic Force, Hexecutor et autres Midnight ? Le Metal c’était mieux avant… mais avec les moyens de 2023, quand il garde ce feu dans les prunelles et ce bouillonnement rageur dans la tripaille, finalement, c’est encore mieux ? Alors passez chez Korgüll the Exterminator !

Cglaume

le 17/10/2023