Krav Boca - 6AM

Ça semble logique après coup, mais j’avoue que je ne l’avais pas vu venir : la pochette de 6PM n’était en fait qu’un yin discographique errant seul sans son yang. La demi-cagoule vespérale de 2022, en quête d’équilibre, appelait son symétrique matinal dans un cri silencieux. Et nous voilà donc en 2023, à la fraîche, avec les 3 titres de 6AM, pendants lève-tôt de « Chronomètre », « Doom » et « Horizon ».

Comme tous bons jumeaux qui se respectent, les deux ont beaucoup en commun. Des pochettes qui tuent pour commencer, et pour évoquer la ressemblance la plus évidente. Un approche à 90% Rap également, le Punk et – plus encore – le Metal/Rock n’ayant ici que de rares os à ronger. Pour le coup Azzedine (à la batterie) et Nino (guitare) n’ont pas dû souffrir de tendinite au terme de l’enregistrement de ces 8 minutes de rage mélancolique ! Autre pièce à apporter au dossier gémellité : l’appel à des potes pour bosser sur les nouveaux titres. Car après Sponty, c’est au tour de 0-100 σειρένε et Ήρωας (qu’on avait entendu sur « Eclipse »), d’autres membres de la Greek connection, de marquer de leur empreinte le répertoire de Krav Boca.

Mais là où il devient évident qu’on a plus affaire à des faux-jumeaux qu'à des siamois, c’est que, malgré son postulat monolithiquement Hip-hop peu adapté à nos glandes à kiff, 6PM avait fini par nous convaincre. Alors que 6AM peine… et échoue. Car la rage exprimée est cette fois uniformément maussade, et de cette amertume ne nait aucun phénix sublimant la misère et la dépression. Comme quoi la rosée du matin, ça peut te magnifier un coin de prairie, mais ça ne fait pas forcément d’un rap-unk malheureux un super-héros musical. Le pire – car il y en a un, eh oui, pourtant je n’ai vraiment pas envie de taper sur ces Toulousains qui ont leur place au chaud dans mon cœur et mon estime – c’est que quand les zigotos arrivent à s’extirper un peu du noir goudron, c’est via un chant féminin et – aïe aïe – une rythmique RnB / Reggaeton (désolé, je maîtrise mal les étiquettes) qui rappellent moins un œcuménisme musical osé-mais-de-bon-goût que ces morceaux-vomito que de cyniques directeurs artistiques issus de la Drucker Academy nous imposent dans les centre commerciaux et ces lieux identifiés « d’jeunes ».

Désolé les gars, mais vraiment, « Offbeat » je ‘peux pas. J’ai l’impression d'entendre Mc Chanmé jouer la menace pendant que Miss Large-Croupe twerke sur le pont d’un yacht, au large d’Ibiza, alors que des beats latino générés par IA annoncent la fin proche de l’Humanité. J’entends bien les trémolos de mandoline typiquement kravboquiens, là, derrière, mais le sticker Fun Radio m’empêche de voir clairement vos visages. C’est une bonne idée d’aller là où l’on ne vous attend pas… Sauf qu’en l’occurrence j’ai un peu l’impression que vous avez ouvert la porte du studio d’Hanouna, et qu’au lieu d’y mettre le feu vous vous êtes occupés d’ambiancer son after...

OK, c'est vrai, je pèche un peu par excès de sarcasmes, forçant le trait pour traduire ma déception en prose acide. Car en grattant un peu, on peut aussi trouver de bonnes vibes sur ces 3 titres, les chiens enragés ne faisant pas du jour au lendemain des chatons Hello Kittie. N'empêche, vite vite, on voudrait un nouvel album plein de rage curative et de sueur brûlante, histoire de passer à autre chose et oublier cette aurore qu’on aurait tendance à vouloir prononcer comme s’il s’agissait d’un mot anglais…

La chronique, version courte : après un 6PM exprimant dans un mode plus Rap que Punk des idées noires n'occultant pas tout à fait l'espoir, 6AM conserve l’approche stylistique de son jumeau du soir pour exprimer cette fois l’aigreur des petits matins qui déchantent. Problème : ce réveil bile en bouche nous laisse un goût amer, notamment du fait d’un final flirtant de trop près avec une esthétique « d’jeune décérébré » inattendue… et fâcheuse.

Cglaume

le 24/06/2023