Mass Mental - How to Write Love Songs
Chronique CD album (34:53)

- Style
Fusion expérimentale à grosse basse - Label(s)
Zain Records - Sortie
1999
écouter "Go Mexican Go"
Quand on décide de se pencher sur le cas du premier album de Mass Mental, il faut commencer par faire appel aux services de la Brigade de Lutte Anti-Fake News. On constate alors que sur le rapport rendu par celle-ci figurent en bonne place les deux points suivants :
- Non, How To Write Love Songs n’est pas l’album d’un Frédéric François d’Outre-Atlantique über-nunuche qui nous expliquerait comment faire mordre à l’hameçon l’objet de nos émois grâce à de beaux déliés tracés à la plume sur un parchemin épistolaire. En même temps, il faut reconnaître que la tête-à-claques émergeant du cercle en haut à gauche sur la pochette pouvait laisser entendre qu’il y avait supercherie sous roche
- Malgré le petit « Vol. #1 » affiché en bas à droite de la même pochette, 25 ans après on n’a toujours pas vu la queue d’un début de projet de suite. Et ça, rien ne le laissait deviner à l’époque…
Voilà pour la passe de « fact checking » à laquelle tout site digne de ce nom se doit dorénavant de procéder.
Passons à présent à la reconstitution de la scène du crime. Si les acteurs impliqués dans ce forfait discographique sont nombreux, seuls deux musiciens tirent effectivement les ficelles mentales : Robert Trujilo (oui oui, celui de Metallica, Infectious Grooves & co) et Benji Webbe (Skindred & Dub War). Car c’est bien d’un All-Star band qu'il est ici question : figurez-vous que parmi les membres permanents on trouve également Brooks Wackerman (Infectious Grooves, Bad Religion, Avenged Sevenfold…) à la batterie, et Armand Sabal-Lecco (Paul Simon, Manu Dibango, Ringo Starr, Brant Bjork…) à l’autre basse. Sans compter de multiples intervenants plus ou moins ponctuels, parmi lesquels Whitfield Crane (Ugly Kid Joe), Lynn Strait (Snot), ainsi que d’autres éminents artistes qui viendront se joindre à la fête après la sortie de ce skeud unique – "unique" dans tous les sens du terme.
Voilà pour le QUI, passons à présent au POURQUOI.
Élémentaire mon cher Lecteur (/ ma chère Lectrice) : le nouveau millénaire n'avait pas encore poussé son premier cri que Benji se faisait virer d’Earache, après deux albums de Dub War alors mieux accueillis par la critique que par le public. De son côté Robert avait intégré la mafia Osbourne – une période transitoire entre Suicidal Tendencies et les Four Horsemen – et cette nouvelle mission pas franchement funky avait éveillé en lui comme des envies de gratouiller à nouveau sa basse avec désinvolture et sensualité.
Ce qui nous mène logiquement au QUOI et au COMMENT.
On peut voir How To Write Love Songs comme une sorte d’exutoire au sein duquel les deux masterminds ci-avant évoqués se sont livrés à ce qu’ils savent faire le mieux : une Fusion dodue et sans frontière, qui – pour le coup – ne s’embarrasse ni de contrainte, ni de contrainte… Ni de contrainte ! D'où ce côté foufou, expérimental, tour à tour laboratoire bordélique et bœuf génial. On aurait tendance à penser que c’est ce qui explique parfois ce son « démo de luxe », i.e. un peu brouillon, un peu hirsute, avec de la basse saturée jusque sous les ongles. Mais quand on réalise que c’est Mark Dodson qui est derrière les manettes – oui c’est ça, le producteur de Judas Priest, Metal Church, Prong, Anthrax, Suicidal Tendencies & co – on se dit finalement qu’il doit juste s’agir là d'un choix esthétique.
How To Write Love Songs est donc un mix expérimental entre Dub War et Infectious Grooves, mis en scène par un Mr. Bungle fièrement coiffé d’un entonnoir. D’ailleurs la blague s’avère parfois un peu difficile à avaler, notamment sur la triplette « Frog Stomp » (des chœurs qui ânonnent sur fond de saturation barbelée, ça vous dit ?) / « Circus » (instrumental se contenant de faire des bulles dans l’eau) / « Speed Mental » (Du Nawak Metal revêche qui mêle cartooneries, mélodie latino en carton et Rap Metal débraillé). Et ce n’est guère plus sexy sur « Kill Ya », chute de studio cracra, entre basse funky et grosse pelote décibellique mal peignée.
Heureusement, l'ambition de Mass Mental est d’être plus qu’une simple blague égoïsto-jem’enfoutiste à la Big Dumb Face. Ainsi le groupe a-t-il également composé de vrais titres – de ceux qu’on a envie d’écouter parce qu’ils sont bons, et pas seulement parce qu’ils émanent de musiciens connus. Parmi ceux-ci citons « Bounce », où la touche Ragga-noisy de Benji se marie à merveille avec la basse tantôt bondissante, tantôt sludgy de Rob. Plus heureux encore est le mélange de cet épais vrombissement servant de fondations à « Go Mexican Go » et du chant ragg-habité de Mr. Webbe. Ainsi que cette alliance entre percus, pulsation sourde et chant suave nous enjoignant d’abandonner nos deadlines pour la rejoindre sur la ligne de vie (cf. « Lifeline »). Plus étonnant – inattendu, même – est ce « I Win » merveilleusement duveteux, qui nous promène comme une plume, de coussins en édredons, au sein d'une bulle joliment ouatée. Et plus largement, c’est l’ensemble des pistes n’ayant pas été listées dans le paragraphe précédent qui mérite des lauriers.
Alors, cela vaut-il vraiment le coup d’aller voir du côté du Pays du Soleil Levant – le CD n’est sorti que là-bas, eh oui – s’il reste des copies d’occase de cette grosse demi-heure broussailleuse pleine de remous de basse et d’élucubrations gouailleuses, malgré ses quatre pistes se perdant dans des expérimentations peu convaincantes ? Oui, trois fois oui ! Du moins si l’on craque pour la voix de Benji et les doigts de Robbie. Car l’EP 6-titres résultant de la coupe franche qu'on infligera à la tracklist de cet unique album s’avère particulièrement riche, et emmène la Fusion chère aux amateurs de Funk Metal et assimilés sur des sentiers qu’elle a peu l’habitude d’arpenter. Et tant pis si, malgré la promesse du titre, vous n’en sortirez pas en sachant mieux exprimer à l'écrit vos sentiments envers votre dulcinée…
La chronique, version courte : Mass Mental est le laboratoire fusionnesque dans lequel Robert Trujilo, Benji Webbe et leurs amis se sont enfermés afin d’expérimenter, et finalement accoucher de How To Write Love Songs. Cet album unique peut être vu comme le mariage de Dub War avec un Infectious Grooves tout habillé d’une longue robe barbelée, la drogue distribuée pendant la cérémonie étant fournie par Mr. Bungle. Si l’aventure frôle parfois le bad trip, la coupe de fruits posée in fine dans le lecteur des fans s’avère plus colorée, odorante et appétissante que les tristes salades en conserve proposées par la seconde division du Funk Metal nawakifiant.
3 COMMENTAIRES
el gep le 20/04/2025 à 11:18:58
"des chœurs qui ânonnent sur fond de saturation barbelée, ça vous dit ?"
Bah... oui, pourquoi pas ?
Chacun son truc, hein, éhéh.
A voir. Ou plutôt, à entendre, tantôt...
fedaykyn le 21/04/2025 à 16:53:17
Je l'ai aussi celui là. Sans doute un peu trop expérimental pour être écouté régulièrement mais il y a quand même du beau monde dessus et donc forcément des trucs bien cool.
Aldorus Berthier le 22/04/2025 à 16:11:27
@fedakyn "Trop expérimental"?...
Bon bah ça y est me v'là sur la page Discogs de l'album maintenant.
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