Mayhemic - Toba

Chronique CD album (36:35)

chronique Mayhemic - Toba

Tu es énervé. Mais genre vraiment. Tu sais pertinemment que si tu vas chez ton voisin – celui qui mate les redif’ de Touche Pas à Mon Poste avec le volume à fond, vers minuit – histoire de lui refaire le sourire à l’ouvre-boîte et de lui soigner les hémorroïdes à la râpe à fromage, ça va créer des tensions inutiles au niveau de la copropriété. Tu sais aussi que si tu menaces d’une mort lente et barbare le technicien de hotline qui t’affirme pour la huitième fois que, "Si si, votre box fonctionne parfaitement, c’est marqué sur mon écran", ça n’aidera pas Netflix à revenir plus vite dans ton salon. N’empêche : tu sens de plus en plus fort monter en toi comme des envies de quart d’heure Dahmer…

 

Heureusement, CoreAndCo est là pour t’éviter la prison. Parce qu’il y a mieux que la céramique cracra de douches collectives sordides et une lame de rasoir caressant ta carotide pour découvrir les joies ineffables du rapport anal multiple non consenti. Alors écoute bien. Quand tu es à deux doigts de balancer le grille-pain en travers de la gueule de Mamie, isole-toi une grosse demi-heure à l’écart des têtes de cons, carre tes écouteurs là où ces choses se carrent, et laisse couler dans tes oreilles les flots brûlants jaillissant de Toba. Tu es évidemment libre d’headbanguer, et de jouer de l’épaule contre les murs si ceux-ci sont suffisamment solides : ça facilite l’évacuation de la surtension nerveuse qui menace de te griller les fusibles.

 

Alors non, malgré son nom, Mayhemic n’est pas un gang de Floridiens vénères (… pourtant Deux Flics à Mayhemic, ça se passait là-bas, non ?) : il s’agit d’une jeune formation chilienne, dont certains musiciens ont déjà frayé avec des sommités locales, comme Hellish, Ripper ou Critical Defiance. On aurait même déjà vu tout ce petit monde en première partie de Krisiun et de Marduk. Comme beaucoup des formations locales, Mayhemic pratique un thrash particulièrement sauvage et pourtant éminemment compétent, du genre qui a grandi les deux pieds dans le terreau des vieux Sodom, Kreator et Sepultura, mais qui a su évoluer, tel Deströyer 666 ou Hellripper. Les relents de souffre piquent les narines, les flammes roussissent le poil, le niveau de véhémence frôle les colères de l’ouragan Hugo, les vagissements sont tantôt ulcérés, tantôt excédés, les guitares singent régulièrement l’essaim de frelons rendus fous par des vapeurs toxiques : on nage en plein dans la bande-son idéal d’un meurtre de masse, perpétré un soir d’apocalypse, sur fond d’éruption volcanique.

 

Profitons d'ailleurs de cette transition ménagée à dessein pour une petite parenthèse culturelle : non, « Toba » ne signifie pas coquille-de-noix en verlan : il s’agit du nom d’un volcan colossal qui, à défaut d’avoir exterminé toute vie de la surface de la Terre, il y a plusieurs dizaines de milliers d’années de cela, a quand même installé durablement un hiver volcanique – dont on se demande s’il ne constituerait pas la solution ultime à notre réchauffement climatique actuel, l’espèce humaine n’ayant pas la maturité nécessaire pour régler le problème toute seule. Remarquez, on a aussi l’option d’un hiver nucléaire...

 

Du fun du fun du fun, donc, vous dis-je, cet album.

 

Mais laissez-moi tenter de vous convaincre que Toba est l’une des galettes les plus croustillantes de 2024. Enfin c’est l’album lui-même qui va plaider sa cause comme un grand. En vous bombardant les tympans avec « Kollarbone Crushed Neanderthal », morceau introductif qui lance une escadrille de ponceuses infernales à vos trousses, leur vitesse de croisière étant celle de la roquette intercontinentale au galop. La fougue à l’œuvre vous semblera peut-être un peu brouillonne au premier abord, mais la réalité c’est que c’est vote cerveau qui n’arrive pas à suivre. Hirsute, fulminant, et fermement décidé à vous faire la peau, le groupe met immédiatement les points sur les i : soit vous les rejoignez et acceptez de piller, ravager et semer la désolation en leur compagnie, soit vous finissez en barbecue humain avant la fin de ces presque six minutes de violence aveugle.

 

... Et le discours reste le même au cours des sept pistes qui suivent !

 

Votre interlocuteur est néanmoins plus particulièrement émoustillé par « Extintion & Mystery », morceau alternant coups de fouet cinglants et speederies déraisonnables, qui déclenche ce faisant une série de cataclysmes accompagnés d’un déluge de feu et du hurlement strident des victimes. « Triumph Portrait » semble vouloir pulvériser le mur du son sur sa MadMax-mobile lancée comme une dingue à travers le bush, dans un pur accès de furie noire. Quant à « Eschatological Symphony », il prend la tangente « tout instrumental » pour enchaîner tuerie sur tuerie, riff de maboul sur break au Red Bull, comme si les légions infernales avaient quitté les sous-sols d’Hadès pour faire subir à nos tympans les derniers outrages (… on regrette juste que le titre aille progressivement decrescendo).

 

Notez que malgré les hauts degrés de barbarie mesurés par notre géhennomètre, jamais le groupe ne néglige les solos de guitare, ni ne méprise une basse qui – bien au contraire – est régulièrement mise en avant (tiens, rendez-vous à 3:27 sur « Olduvai´s Lullaby »).

 

Alors, quand je vous disais qu’au Chili, bestialité n’est pas l’antonyme de compétence, ni même de technicité… C’était du flan ? Si un lapin, habituellement fan de zouaveries Nawak, de douceurs Pop/Prog et de belle chirurgie hyper technique, en arrive à placer un skeud de pure sauvagerie Blackened / Thrash en tête de son Top de fin d’année, c’est qu’il y a une putain d’énorme anguille sous roche ! Et vous feriez bien de vérifier si cette anguille ne constituerait pas, pour vous aussi, un mets de choix à intégrer au menu de l’édition 2024 du grand festin musical que vous préparez, j’en suis sûr, dans votre coin…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte : après avoir grandi au son des vieux Sodom, Kreator et Sepultura, et suivi les conseils de grands-frères avisés comme Deströyer 666, Aura Noir ou Hellripper, les Chiliens de Mayhemic ont fini par sortir Toba, un premier album volcanique aussi sauvage qu’un Immortan Joe en plein accès d’amok, aussi destructeur qu’une pluie de bombes à fragmentation dans leur coulis de napalm, et aussi grisant que la grande boucle effectuée sans casque ni ceinture à bord d’un accélérateur de particules.

photo de Cglaume
le 09/08/2024

17 COMMENTAIRES

Dams

Dams le 09/08/2024 à 11:31:03

"(… pourtant Deux Flics à Mayhemic, ça se passait là-bas, non ?)"

....elle va me faire le week-end, merci 😂

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 09/08/2024 à 13:40:20

Excellente chronique, pochette dégueulasse, logo illisible : à priori c'est pour moi.

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 10/08/2024 à 20:59:24

Bon, je croyais découvrir le Graal mais j'obtiens un joli petit mug. C'est pratique les mugs mais j'en ai déjà tout un placard.

cglaume

cglaume le 10/08/2024 à 22:47:07

Haha, forcément tu es du genre à passer du War Metal lors de tes soirées romantiques, du coup si tu ne te prends pas du 220 dans les roubignoles c’est comme s’il ne se passait rien 😂

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 11/08/2024 à 11:15:22

Point du tout. La rapidité à toute bilingue, j'aime ça mais ça manque singulièrement d'un truc qui me fait dire: wouaaah gloubida !

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 11/08/2024 à 11:15:34

Bilingue...

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 11/08/2024 à 11:16:01

Blingue zuteuh !

Moland

Moland le 12/08/2024 à 02:02:55

A toute blinde*, plutôt, non ?

Dark Globe

Dark Globe le 14/08/2024 à 02:54:18

C'est quand même beaucoup de bruit pour rien !

Et puis j'ai  beaucoup de peine pour ceux qui auront connu Kreator et qui en 2024 kiffent toujours ce style...

Mais bon : du fun, du fun, du fun...

Bon par contre mamie is dead !
J'ai pas pu m'empêcher de la finir finalement !

cglaume

cglaume le 14/08/2024 à 09:41:49

Tu peux avoir beaucoup de peine pour moi alors 😅😅😅

Dark Globe

Dark Globe le 14/08/2024 à 12:11:00

Non mais sincèrement : c'est une énième resucée pour moi !

9/10 ?? Pour la prod ça je veux bien !
Mais le reste...
Originalité : 0
Technicité : 10, ok !
Intérêt : bof

Donc la note pour moi est surévaluée !
On nous vends du rêve, bref on nous prends pour des cons !

Alors la chronique est ''fun'', on précise bien que c'est ''blackened'' (mon cul sur la commode) mais au final j'ai l'impression d'entendre une vieille connaissance qui me vantait la sortie imminente du premier Linking Park qui s'est vite transformé en frisbee par la fenêtre !

Perso je ne vois rien de plus intéressant que ce que j'ai déjà connu avec ce style (et j'étais à fond dedans, vraiment) !

Elle est passée où l'innovation ?
C'est ça qui me turlupine quand je vois tte l'éloge qui est faite !

Rien de neuf ou de captivant au final à part peut-être pour ceux qui ont encore besoin de rapidité avec le volume à donf !
Tu balance de la tek c'est kif kif : ça n'a pas évolué en trente ans...

Attention : évidemment ce n'est que mon avis mais puisqu'on a le droit d'être en désaccord je me permets de l'exprimer !

cglaume

cglaume le 14/08/2024 à 13:37:48

Tu as le droit de ne pas aimer, c’est clair.
Et avec Mayhemic il n’est clairement pas question d’innovation, on est d’accord.

Pourtant, même dans des genres très balisés et très pratiqués, parfois des groupes réussissent à sortir une méchante bombinette.

Ici rien de neuf, ok… mais après tout, en l’utilisant de manière experte, un vieux couteau peut être à l’origine d’une vraie boucherie. !
… et pour moi c’est le cas ici (… tu l’auras compris)

Et pas de souci si tu n’aimes pas, et préfère l’innovation et la fraîcheur (je suis très client moi aussi 🙂)

Chab

Chab le 14/08/2024 à 20:51:22

Moi qui suis totalement blasé de la scène Thrash actuelle, sans saveur ni âme, cet album m'a mis une petite claque derrière la nuque. Rien d'innovant certes mais bien au dessus de tout ce qui sort actuellement dans le même genre. 

Merci pour la belle chronique et la magnifique découverte !

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 14/08/2024 à 22:18:55

@Moland : à toute bilinde ! Et merde birzingue... Berzingue.

Moland

Moland le 15/08/2024 à 00:46:34

@crom haha tu bégaies à l'écrit. J'adeure. 

cglaume

cglaume le 15/08/2024 à 08:09:39

@Chab: bien content que ça t’ait plus !

Aldorus Berthier

Aldorus Berthier le 27/08/2024 à 11:26:45

Bah j'aime bien aussi mine de rien, quoique sans plus. Toujours dubitatif sur le fait que je préférerai au prochain Nails, du coup 👀

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