Nervochaos - Chthonic Wrath

Chronique CD album (45:53)

chronique Nervochaos - Chthonic Wrath

C’est suffisamment rare pour être signalé : dans mon Top 5 2022 figurait All Colors Of Darkness, un album de Death brut de fonderie, sans chichi aucun. Pas du Tech Death de malade, pas du Mélodeath-Prog plein d'arabesques, pas du Ska-Death des Carpates, non : du Death Metal, point barre. Mais extrêmement bien gaulé, avec tout ce qu’il faut où il faut, comme à la grande époque où Scott Burns, Colin Richardson et Tomas Skogsberg se tiraient la bourre en finale de Mon Producteur a un Incroyable Talent. Un tel squattage de Top ne s’était pas produit depuis 2018, année de sortie du superbe Esoteric Malacology – un album bien plus sophistiqué, notez bien. C’est que du haut de leur gros quart de siècle d’existence, les Brésiliens de Nervochaos ne sont pas du genre à s’embarrasser de palabres : comme nombre de leurs compatriotes, ils pratiquent leur musique comme des militaires aguerris, droits dans leurs bottes et PAN dans nos gueules. Un peu à la manière d’un Vader do Brasil.

 

Alors forcément, quand Chthonic Wrath fut annoncé, nos radars s’affolèrent : il n’était pas question de laisser passer ce nouveau missile tiré depuis São Paulo sans aller mesurer les dégâts causés à l’endroit de son impact : c’est que, si cela s’avérait justifié, notre Top 2023 aurait encore largement de quoi faire de la place au nouveau rejeton de la muse du KO nerveux !

 

Mais quand même, on a beau saliver, on ne peut réprimer un premier levage de sourcil : juste une toute petite année entre les deux sorties, vraiment ? Le variant local du Covid compterait-il l’incontinence créative parmi ses effets secondaires ? Si la chose est ici dite sur le ton de la rigolade, elle n’en contient pas moins des traces de vérité. Car quitte à devoir se tourner les pouces toute la sainte journée, nos vétérans l’ont fait sur le manche de leurs instruments, pondant ainsi de la compo comme une reine-mère ses ouvrières. Du coup, alors que All Colors Of Darkness ne s’était toujours pas extrait de la fourmilière, le Chthonic Wrath qui nous occupe aujourd’hui était déjà composé en intégralité !

 

Deuxième levage de sourcil : dites-donc, ‘y a pas un âge minimum légal pour dessiner une pochette d’album de Death Metal ? C’est déjà Néstor Ávalos qui s’était chargé de l’artwork précédent, vous êtes sûrs ? Ainsi que celui du dernier Mercyless ? Mais qu’est-ce qui lui prend ? Le syndrome de Benjamin Button ?

 

C’est donc mi-fébrile, mi-inquiet qu’on chargea les 14 morceaux nouveaux dans notre lecteur, découvrant pour l’occasion que le millésime 2023 durait plus de trois quarts d’heure, autrement dit 13 minutes et 3 titres de plus que son prédécesseur… ce qui fait quand même beaucoup pour Mme Inspiration, même quand celle-ci se retrouve aussi longuement confinée chez elle ! Pas de surprise par contre : en aussi peu de temps et avec un line up inchangé (… ce qui n’est plus vrai, Eduardo Lane ayant à nouveau fait le grand ménage de printemps autour de lui depuis), le style des lascars n’a pas bougé d’un millimètre. Il est donc toujours question de Death épais de la nuque, franc du collier, tirant droit au but. Derrière ses sombres sourcils, celui-ci garde un petit côté urbain, se retrouve souvent mâtiné de riffs Thrash (d’obédience slayerienne en général), et va même parfois taquiner la sphère « core », la vitesse de croisière restant le plus souvent déraisonnable. Les morceaux bénéficient cette fois encore du 2e effet Kiss Cool apporté par le chant de Brian Stone, celui-ci s’avérant tout à la fois véhément, brutal et fini au gros gravier. Mis au premier plan dès les toutes premières secondes de « Son of Sin », on se régale quand le frontman passe en mode « vénère mitraillette », comme sur le début ébouriffant de « Avant-Garde » (check à 0 28).

 

Bien que les décors, le scénario et les acteurs restent donc les mêmes, il s’avère que la magie n’opère plus aussi pleinement qu’en 2022. Alors c’est sûr, le chargeur contient toujours des balles d’un beau calibre, comme « Chaos Prophets », « Taphephobia » et sa ruisselante basse, ou encore « Perpetual War » (liste non exhaustive). Mais notre écoute de ces 14 pistes se voit traversée par l’impression diffuse que Nervochaos a rétrogradé en 2e division : plus court sur pattes que l’année dernière, le groupe peine à tenir sur la durée, soit que ses compos s’avèrent trop bateau, soit que notre appétit décroisse devant cette surabondance de gras uniforme, une partie de la tracklist perdant conséquemment en saveur. Certains morceaux semblent même souffrir d’une cuisson pour le moins bâclée. Comme « Kill for Pleasure », dont le refrain basique ne risque pas de faire oublier un démarrage s’éternisant dans les clairs-obscurs. Comme « Lullaby of Obliteration », aussi saoulant dans les tempos « lugubres » que plein de coutures grossièrement fignolées. Et si l’interlude instrumentale « Tomb Mold » n’a rien de désagréable, il tombe un peu comme un cheveu sur la soupe, tant au niveau de la prod’ qu’en termes d’ambiances…

 

Trop généreux, trop redondant, trop monochrome : si Chthonic Wrath est identique à All Colors Of Darkness sur la forme, sur le fond il dilue ce qui faisait la force de son aîné dans un grand bain tiède où l’auditeur boit parfois la tasse. Là où l’on ressortait de l’opus précédent ragaillardi et paré au combat, on sort de celui-ci un peu engourdi, un peu confus, comme après l’un de ces repas « buffet à volonté », quand on regrette d’avoir engouffré la nourriture sans réfléchir ni profiter des saveurs offertes. Car si tout ça est généralement assez goûtu et revigorant, c’est servi sans finesse ni tempérance. On se sent donc obligé de retirer une étoile au chef brésilien…  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: après la magistrale mandale All Colors Of Darkness, Chthonic Wrath était attendu au tournant. Peut-être pas si vite, ni rempli aussi généreusement par contre... Car si l’on est heureux de voir que la formule n’a pas changé, que les mandales pleuvent encore dru et que les assauts tiennent toujours de la blitzkrieg, on regrette un peu que Nervochaos nous en mette plus haut que le bord, comme s’il avait voulu vider ses fonds de tiroir. On aurait préféré qu’il travaille sur les nuances, les transitions, les détails, car dix opinels insuffisamment aiguisés ne peuvent rivaliser avec une carabine graissée aux petits oignons. Pour autant la machine de guerre est loin d’être enrayée, et continue de cracher le feu comme le régiment Azov face au groupe Wagner.

 

photo de Cglaume
le 29/06/2023

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