Night Verses - Every Sound Has A Color In The Valley Of Night: Part Two

Chronique CD album (31:26)

chronique Night Verses - Every Sound Has A Color In The Valley Of Night: Part Two

« Qui dit Mesmerize, dit Hypnotize. » (proverbe arménien, popularisé en 2005).

« Qui dit Part One, dit Part Two » (truisme lapalissadien, cité de mémoire).

 

Après un premier acte dont vous pouvez deviner, sans tarot ni marc de café, qu'il s'intitulait Every Sound Has A Color In The Valley Of Night : Part One, et dont les sept pistes avaient été comme une dernière baignade en mer lors de la rentrée 2023, on attendait les sept jumelles promises dans la foulée, ou du moins sur leurs talons. Et en effet, il n’aura fallu que six mois à Night Verses pour en accoucher. Notez que, n’étant pas entré en contact avec le médecin obstétricien du groupe, je n’ai pas de certitude absolue : néanmoins il semble raisonnable d’imaginer que ce délais n’a pas été utilisé pour finaliser, ni même mettre en boîte cette 2e moitié, mais plutôt afin de laisser suffisamment de temps aux fans pour digérer la première salve. Et peut-être également pour les inciter à mettre deux fois la main à la poche, plutôt qu'une seule. Mais je vois le mal partout, c'est triste, faudrait pas vieillir, tiens...

 

La première partie avait été une véritable démonstration d’excellence : les attentes envers la suite étaient donc himalayennes. Mais on avait confiance en notre trio d’élite. Et à raison, celui-ci s'étant révélé largement à la hauteur de nos exigences… Même si, c'est vrai, le loustic qui se permet de juger aujourd’hui ce chef d’œuvre bicéphale trouve que le chien de faïence de tête est plus impressionnant que son siamois de queue. Mais détaillons, comparons, et argumentons, puisque c’est pour cette raison que l’on a aujourd’hui enfourné une nouvelle cartouche d’encre dans notre stylo-plume (… on a le droit de faire comme si, histoire de dédigitaliser un brin ces écrits, non ?).

 

Sur Every Sound Has A Color In The Valley Of Night : Part Two, pas de chamboulement : deux mondes continuent de se côtoyer. Celui, cataclysmique, de guitares colossales vomissant leurs monstrueux hennissements en guise d’allégeance au dieu Meshuggah. Et celui, serein, de brodeuses à l'incroyable minutie, dont les cordes fines égrainent de délicats chapelets mélodiques vibrant sur les mêmes fréquences qu’Animals As Leaders. Les deux s’entremêlent, se croisent, se complètent, afin de mieux nous enchanter. Le point fort de Night Verses dans cet exercice mixologique, c’est d'être capable de faire de chaque morceau un véritable protagoniste du récit narré, et pas juste un figurant participant avec plus ou moins d'implication au tableau d'ensemble – il faut dire que le choix d'une approche majoritairement instrumentale force à fortement typer les compos, afin que l'auditeur sache toujours où se trouvent les débuts, et les fins. Son point faible par contre – mes attentes n’allant clairement pas dans ce sens – c’est qu’il apprécie le Post-rock comme le Trip-Hop, et que certains passages mâchent en conséquence un peu trop le travail aux médecins anesthésistes.

 

… Mais laissez-nous, enfin ! Non, on ne veut pas de péridurale !

 

« Plague Dancer » constitue une entrée en matière logique, celle-ci cognant aussi magistralement qu’elle caresse, et rappelant avec à propos aux plus poissons rouges d'entre les fans du groupe à quel point la basse de Reilly vrombit élégamment, à quel point le kit d’Aric est exploité sans répit jusque dans ses moindres recoins, et à quel point la guitare de Nick est polyglotte et couvre un large spectre. Relativement court, le morceau est à la fois puissance et souplesse, orage et rosée : on mord donc dedans à pleines dents.

Puis arrive le premier des Gloups de cet acte II. « Åska » dégage en effet la douceur laiteuse d'une veilleuse rassurante, et ce ne sont pas les grésillements parfois étouffants de Author & Punisher, invité pour l’occasion, qui changent beaucoup la donne : malgré d’agréables arômes, rapidement nos paupières s’alourdissent à l'écoute de cette ode au lâcher-prise...

Frais comme une feuille de menthe sur un sorbet au citron, « Glitching Prisms » rompt le contrat du tout-instrumental en invitant Brandon Boyd, Mr. Incubus himself, à extraire le micro de sa torpeur. Et le bougre livre une prestation tout en délicats chatoiements, la lumière dégagée devenant particulièrement intense sur le refrain. Cette sérénité toute solaire a toutefois des propriétés un peu trop lénifiantes, et si vous n’êtes pas vigilant, la somnolence apparue sur la piste précédente risque fort de venir vous faucher à nouveau.

Point de tel risque, par contre, sur « Desire To Feel Nothing », tant les trilles guitaristiques que l'on y entend font joliment mouche, et tant les énormes coups de bambou qui y sont assénés nous arrachent efficacement à nos rêveries. L’expérience est tripante, et cette fois, enfin, on la vit le visage poncé par les vents fougueux du large, et non pas bercé mollement dans de douillets coussins.

Fébrile est la transition vers « Crystal X », notamment lors d'une entame devant beaucoup à Animals As Leaders. On aime les facéties auxquelles se livre Nick avec sa pédale à effets, ainsi que le fait qu’une rythmique sous caféine ne nous laisse pas une seconde de répit – du moins avant que le morceau ne sombre tout à fait dans une relâche « Post- » sentant un peu fort l’oubli de soi.

Mais on vous parlait de compos fortement typées, et c’est à nouveau le cas avec « Slow Dose », où le chant est à nouveau à l’honneur. Il s’agit cette fois de celui d'Anthony Green, dont le registre assez haut perché laisse croire un moment que c’est une femme qui donne de la voix. Se déployant paresseusement dans un registre fortement ouaté, le morceau fait penser à un Muse endormi, à Massive Attack, ainsi qu'à Björk. Un monde, en somme, où le Grindcore a autant de sens que le mot « queer » dans un discours de Boko Haram. C'est beau et déprimant comme une rupture décidée conjointement.

Finalement « Phoenix V: Invocation » se charge de boucler la boucle démarrée par « 8 Gates Of Pleasure » six mois auparavant, ces huit délicieuses minutes se concluant par un déchaînement métallique colossal culminant sur le dernier souffle d'un Godzilla agonisant – on enjolive, on encinématographie, car à défaut de faire chanter les mots, il faut bien essayer de faire parler les images...

 

Ce sont donc bien mille et une couleurs que Night Verses déverse au long de ces sept morceaux nouveaux – et au-delà, sur la grosse heure que durent conjointement les deux volets de Every Sound Has A Color In The Valley Of Night. Personnellement je n’adhère que du bout des oreilles aux passages les plus « plumes d’oie et coussinets » découlant des penchants post-tripopaux du groupe. Ce qui explique la relative tiédeur de la note ici attribuée. Mais je reconnais que le nectar est aussi délectable qu’onctueux. Et qu'il inspirera des notations bien plus généreuses. Voilà en tous cas une preuve supplémentaire que la scène « Prog moderne » a encore de bien belles choses à nous raconter…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: tout comme la première mi-temps, suffixée « Part One » et jouée six mois auparavant, Every Sound Has A Color In The Valley Of Night : Part Two est un petit chef d’œuvre de Metal prog moderne instrumental alliant les super-pouvoirs Spontexo-guitaristiques de Meshuggah à la minutie réjouissante d'Animals As Leaders. Quelques bémols doivent cependant venir nuancer ce résumé. Et de 1), le contrat instrumental est rompu lors de deux titres sur lesquels des guests (parfois prestigieux, cf. Brandon Boyd d'Incubus) viennent ajouter des mots au discours de Night Verses. Et de 2), les Américains affirment plus fort encore ici leur amour pour le Post-Rock, le Trip Hop, et autres musiques qui ne s'écoutent que déprimé, au fond d'un bon bain chaud. Malheureusement, ce deuxième point n'a rien de très positif envisagé depuis la grille de lecture du zozo qui vous parle.

photo de Cglaume
le 26/06/2024

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