Really Addictive Sound - Really Addictive Sound

« ... En France ? Haha, tu rêves… Du Black, ça oui. Du Death technique aussi. Et puis Gojira, évidemment. En revanche, si tu cherches de la bonne Fusion, j’ai bien peur que tu fasses chou blanc au sein de notre hexagonal pré carré… »

Ça vous laisse perplexes ? Ah oui, je vois : en effet, d’un point de vue strictement géométrique – hexagonal ? carré ? – le propos laisse à désirer… Mais c'est une autre raison, encore plus choquante, qui devrait vous laisser dubitatifs. En effet, si elle n’a pas forcément su exporter ses forces vives comme d’autres pays européens (l’Allemagne, les Pays Bas, la Finlande…), la France possède elle aussi de fiers représentants de cette chapelle qui mélange guitares qui grognent et boules qui movent.

Vraiment, vous ne voyez pas ? Et FFF alors ? Et les Cool Cavemen ? Et Toumaï ? Et Dr. Eggs ? Et Ol’Dirty / Ze Gran Zeft ? Et Human Vacuum ? Et Schrodinger ? Et Step in Fluid ? C’est du poulet peut-être ? (Ah oui tiens : on pourrait presque citer La Prière du Poulet également). Sans parler des groupes, plus nombreux encore, œuvrant dans un Nawak Metal qui fusionne encore plus large.

Eh bien figurez-vous que le mec qui fait ici le mariole en jouant les redresseurs de torts, et qui moralise à tout va – spoil : moi – a oublié un élément de taille dans sa liste, élément qui mériterait pourtant d’être aux avant-postes de cette scène françoise qui n’a pas à rougir face à l’Internationale du Métissage Musical : Really Addictive Sound, oui c’est ça, bravo, en même temps c’était facile, c’est écrit en gros tout là-haut. Il faut dire que je n'ai découvert les bougres que tout récemment, par l’intermédiaire – une fois de plus – du site rateyourmusic.com. Alors qu’il y aurait eu moyen que j’en ai vent plus tôt. Car quand même :

• on y trouve des membres de Eths, Sikh et Babylon Pression
• ils ont partagé des dates avec Toumaï
• j’avais déjà un pied dans le Net, bordel, à l’époque où ils étaient actifs !

… Mais on ne refera pas le passé : contentons-nous du kiff présent.

Car c’est bien de kiff qu’il est ici question. Mettant de côté leurs accointances les plus « extrêmes », ces musiciens chevronnés ont en effet décidé d’offrir des vacances californiennes à leurs instruments, ceci en faisant fructifier leur passion commune pour les Red Hot Chili Peppers, Infectious Grooves, 311 et Incubus. En jouant donc à plein la carte de la disto funky, des lunettes de soleil hilares, de la basse qui pouffe et des palmiers qui moussent. Notez que sur l’unique album des zozos on entend également du Ol’Dirty (pour les raggateries façon Shabba Ranks sur « Jack »), du RATM (le solo à 3:19 sur « Sticky116 », le Rap Metal martelé à la fin de « Females »), ainsi que du Fungo Mungo pour la pure décontraction funky, voire même du The Urge pour le sourire léger éternellement imprimé sur leurs bouilles.

Tout ça, oui. En France… Puisque je te le dis, Mehdi !

Mais laissez-moi vous faire admirer les chromes, vous faire tâter les courbes avantageuses, et vous faire goûter à la cerise confite sur le bord du verre à cocktail.

En commençant par « Slot Machine Gun », mise en jambe idéale dans un tel contexte. Y sont dégainées frontalement gouaille rigolarde, guitare à chemise hawaïenne, basse ventrue et batterie affriolante. Le soleil tape fort, mais les embruns et glaçons rendent l’expérience optimale… On est à deux doigts du hit insolent ! « Sur « We Will Change the World », les zigs décident d’appuyer un poil plus fort sur la pédale Reggae – ce mouvement n’étant complètement assumé que sur « We’re on Drugs », instrumental narco-psyché qui ferme idéalement la marche.

Pour ne pas être qu’émerveillement béat, on admettra que parfois le groupe ne réussit pas à mener ses titres jusqu’au bout de la tubosité attendue, sur un « Females » biscornu par exemple, sur un « S.U.V. » ou un « Jack » ne bouclant pas parfaitement la boucle – ce qui nous laisse cependant à un niveau « Haut de 2^nde division » particulièrement respectable.

Heureusement, Really Addictive Sound c’est avant tout le panard pris sur les titres précédemment évoqués, c’est la fraîcheur de « Sticky116 », l’abandon superbe de « Everybody Loves Me », la touche « Générique de Friends » de « Daddy is a Star », les sprints Thrash et l’incandescence de « The Screaming Rabbit Song » et surtout – surtout ! – l’irrésistible « Bishop » qu’Infectious Grooves, j'en suis sûr, serait fier de pouvoir ajouter à son répertoire.

Tu te rends compte ? On avait ça chez nous, et pas un copinou pour me refiler le tuyau !!??

Comment affirmer plus fort et plus brillamment « Je kiffe cet après-midi estival et cette vue sur la Grande Bleue » ? Comment sonner plus californien quand on patauge en fait dans la Méditerranée, peuchère ? ‘y a pas moyen, je vous le dis tout de go.

Arf, qu’est-ce que j’aurais donné pour assister à un concert de ces joyeux farfelus, crénom !!!

La chronique, version courte : ne cherchez pas, en France on n’a jamais fait plus Fusion californienne que le seul et unique album de Really Addictive Sound. Comme quoi ça a du bon de laisser des musiciens relativement en vue (issus des rangs de Eths, Sikh et Babylon Pression, des gens qui ont l’habitude du soleil méditerranéen, donc) se laisser aller à un plaisir coupable – en l’occurrence un hommage transi aux Red Hot Chili Peppers, à Infectious Grooves et Incubus. Pour trois gros quarts d’heure de soleil, de groove funky, de cocktail sueur / fraîcheur / bonne humeur, et de sens comblés – mais Made in France, oui M. Montebourg – vous savez dorénavant quel album enfourner dans le moteur de votre ghetto-blaster !

Cglaume

le 22/02/2025