Sastruggi - An intrusive disorder

Chronique CD album (01:10:01)

chronique Sastruggi - An intrusive disorder

Créé en 2016 chez ceux qui ont des chapeaux ronds, Sastruggi est un trio qui après une démo en 2017 et un EP en 2019 a décidé de passer dans la cour des grands avec un album en 2022. Plus qu’un album, un double album avec 9 titres électriques et leurs 7 copains acoustiques. L’objet est donc conséquent et votre serviteur aura du faire plus que simplement s’y pencher. Car si le groupe avait à la base des velléités à pratiquer un mélange de post-rock/noise, les changements de line-up en auraient décidé autrement et les trois compères s’inscrivent désormais plus dans une mouvance rock-progressif dans ce qu’il a de mieux et de pire.

 

Explications:

 

Sastruggi a fourni ici un véritable travail de composition, non seulement recherché mais aussi amélioré avant d’être détaillé pour finalement être fignolé. Les morceaux se développent comme autant de sculptures musicales patinées par le travail de ces artisans que l’on devine consciencieux dans leur processus d’écriture. Pour la partie électrique de cet album bicéphale, le style virevolte entre un post-rock ambiant et un prog-metal à la palette pleine de camaïeux musicaux très bien choisis. Les instruments se confondent en une seule mais complexe texture. Complexe oui mais rarement compliquée. Point de signatures rythmiques bizarroïdes, point d’utilisation de gammes tarabiscotés, ici le côté progressif s’exprime dans l’approche musicale plus que dans l’approche technique. L’efficacité dit merci, l’auditeur aussi face à cet objet musical complexe abordable en toute simplicité: on écoute, on est surpris, on ressent et on apprécie. On ressent car bien des titres nous titillent le palpitant tout en nous chatouillant le ciboulot. L’album parlera plutôt aux fans d’Opeth, de Porcupine Tree ou de Pink Floyd ("[]" (oui c’est le titre de la piste 5))) qu’à ceux de Dream Theater et King Crimson. Mais que le registre soit calme ou plus énervé (plus rare mais cela arrive), il est toujours interprété de manière très crédible et sans demi-mesure nous emmenant facilement là où il veut.

Mention spéciale pour “Le dictateur” qui reprend le très bon discours de Chaplin dans le film du même nom.

 

La basse très présente sort souvent de son simple rôle de pont entre la rythmique et la mélodie, là pour prendre la main sur le lead, ici en nappe bourdonnante, elle est triturée dans tous les sens et offre quelques plans vraiment pas dégueus. Les aficionados d’Eric Serra lèveront sûrement un sourcil de contentement, voire les deux.

Les guitares, joliment discrètes, sont elles aussi abordées de manière comme une composante essentielle mais pas nécessairement centrale. Les plans sont simples, abordables et efficaces. Le son s’adapte, accompagnant parfaitement la dynamique changeante des morceaux.

La batterie ne manque pas non plus d’idées, elle aussi sort de son simple rôle de métronome pour parfois prendre le lead ("Abandonned Illusions") en usant d’un jeu qui s’il n’est pas forcément inventif s’avère très varié et développé. Les fans de Steve Gadd ou de Bill Bruford devraient s’y retrouver pleinement.

Côté voix, on est majoritairement sur du chant clair qui parfois rugit et le fait bien ("The Last Second"), et qui lui aussi se meut en nappes sonores dans lesquelles le texte se fait oublier ("Abandonned" Illusions et ses lignes vocales aux accentuations très shamaniques). Globalement juste, que ce soit dans le placement rythmique ou harmonique malgré quelques petites faiblesses ("Shut Down" et son interprétation un peu trop plaintive) ici ou là qui seront facilement gommés par les années.

 

Le mixage sonne comme un très bon mixage semi-pro qui n'est donc pas totalement pro. C'est propre, agréable, tout le monde est bien servi sauf parfois peut-être les toms de la batterie qui sonnent un peu trop "détendus" du slip. La dynamique est plutôt bien gérée mais il y a parfois quelques petits déséquilibres entre les instruments, c'est mineur et n'empêche en rien de profiter pleinement de l'album.

 

Côté moins glorieux, c’est un album affreusement long. Mais vraiment! Une heure dix. Alors, ok, c’est un double album, ok, ce n’est pas un calvaire non plus, mais si on n’a pas choisi l’option “oreille discrète” il faut clairement être en mesure de se l’enquiller. Serait-ce à cause de cette deuxième partie acoustique, qui m’a beaucoup moins tapé dans l’oreille et m’a paru un peu hors-sujet (sauf "How It Goes" avec ses ritournelles folk, sa basse quasi jazz-piano-bar et "My "Loss and My Paradise"). Je ne vais pas trop détailler mon propos, j’ai trouvé les morceaux un peu poussifs ("Down With The Tide" et son côté crooner qui manque un poil de gras), un peu chelou ("Calm Down" et son chant trop geignard pour moi) voire un peu ennuyeux ("Rebirth") et le mixage un peu moins propre (sérieux la batterie pannée full à gauche sur “My Loss and My Paradise” qui met 30 secondes à remplir la stéréo, c’est claqué au sol). Ca couine par ci, ça grince par là et ça manque de régularité. Bah, oui, parce que le groupe a un jeu un peu loose parfois qui passe nickel quand le registre est électrique mais un peu moins en acoustique. Pas horrible mais ça n’aide pas.

Bref, ces morceaux acoustiques ne sont peut-être pas si mauvais et occuperont les fans de balade acoustiques mais peut-être arrivent-ils un peu tard, dans un wagon de queue un peu lourd à tirer, un peu bringuebalant et ce malgré une locomotive qui avait de la réserve dans la chaudière. Plutôt qu’un double album, deux albums distinct aurait été plus judicieux même s’il est possible qu’il y ait un concept expliquant ce format un peu indigeste…

 

An Intrusive Disorder est un premier album…Pardon, le premier album de An Intrusive Disorder est très intéressant, écrit avec grand soin et duquel se dégage la volonté forte des 3 musiciens de sortir du pré-carré de leurs instruments pour les emmener plus loin, là où ils se confondront les uns aux autres. En résulte, une galette aux saveurs riches mais toutes appréciables et facilement, le fruit d’un travail réel qui mérite d’être reconnu et encouragé. A mi-chemin entre la bande-original et le rock-original, on barbotte en plein dans la (ma?) définition du rock progressif: faire voyager un style classique (le rock) vers ses déclinaisons plus complexes (surtout dans l’arrangement). Mais c’est aussi un vrai album de rock-progressif qui contient cette éternelle partie acoustique, un peu plus faiblarde qui arrivent un peu "après la bataille" en souriant benoîtement.  Elle aurait mérité d’être écrémée au moins, sortie ultérieurement au mieux, pour que cette odyssée soit parfaite.

 

 

On aime bien : un album très travaillé, les instruments qui se confondent dans des textures sonores très riches, la première partie

On aime moins: la deuxième partie que j'ai déja oubliée! ;)

photo de 8oris
le 28/06/2022

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