Telos - Delude

Chronique CD album (32:04)

chronique Telos - Delude

Au commencement, à Copenhague au Danemark, il y eût Hexis.

 

Un groupe plutôt tendanciellement black, issu de la scène punk-hardcore DIY et teinté de sludge et hardcore, fort d'influences comme Celeste ou les débuts de Shora, de leur propre aveu.

Pour se produire en live, et au "hasard" des remaniements de line-up, d'autres musiciens ont été invités à la fête au fil des années, Hexis ne comptant (désormais) que deux postes permanents.

Eyes, par exemple, sont nés du départ de trois membres de chez Hexis. Dont certains que l'on retrouve aussi, à la guitare par exemple, chez LLNN.

Et à CoreandCo, ce sont des formations de la scène danoise que l'on apprécie particulièrement.

 

D'autre part, comme une sorte d'aboutissement de ces entremêlas de musiciens des groupes sus-cités, un autre orchestre se forme ensuite, réuni autour de Victor Kaas (qui se trouve être le chanteur de Eyes et désormais aussi de LLNN), avec en plus deux apports depuis un autre groupe que certains d'entre nous ici ont d'ailleurs tout autant apprécié sur leur dernier EP : Demersal (dont certains, on ne vous le cache pas, avaient aussi joué chez... Hexis). Ces derniers ayant par ailleurs partagé un split avec Regarding Ambiguity, dont est extrait un ultime membre de cette auberge danoise des musiques amplifiées dont nous parlons aujourd'hui et qui, accessoirement, est notre groupe du mois.

 

Voilà alors avec qui et comment à la fin, toujours au Danemark donc, il y eût Telos.

 

« Telos », qui veut dire « la fin »............ en grec (bravo à celles et ceux qui ne sont pas tombés dans le panneau), tout comme l'étaient les titres de leur premier EP Helios/Selênê (« Soleil/Lune ») en 2018.

 

Sur ce nouvel album Delude, encore plus que sur l'EP précédent, Telos viennent se jeter à corps perdus dans un hardcore chaotique très sombre, tout en y insufflant une dose de blackened, un peu comme si Cult Leader s'étaient orientés plutôt vers le black metal que vers les penchants grindisants qu'on leur connait, notamment dans la voix, à mi-chemin entre un shriek black et un Jacob Bannon qui aurait avalé un rongeur – mais de façon créative –.

 

Blague à part, le chant de Victor Kaas et sa versatilité frappent d'entrée, dès « Within Reach » qui ouvre les hostilités avec ses dissonances et ses atmosphères blackisantes. A propos de ce chant, 8oris disait dans sa récente chronique de Congratulations de Eyes que Victor a « une voix vivace, piquante, unique, pas méchante mais bien énervée, faite de cris sans retenue ni quelconques filtres ou théâtralisations. Victor n'est pas là pour tenir le rôle d'un énième homo-fragilus dans une comédie artistique mal surjouée. Il expire ses rancoeurs dans de colériques logorrhées, expie sa détresse dans des vocalisations à la violence cyclothymique. Mais cette violence vocale, l'auditeur peut facilement s'en emparer tant elle est purgative, jubilatoire, puissante. »

 

Avec Telos, cette violence explose de nouveau, toujours aussi multidirectionnelle et peu contenue, aussi bien vocalement que musicalement.

Mais là où Eyes se « cantonnaient » à un registre hardcore sans trop en déborder, Telos poussent un peu plus haut les curseurs de l'intensité. Delude est en effet un album dense et intense avec très peu de respirations, à l'horizon sonore presque toujours pris d'assaut et saturé, mais vraiment varié dans ses méthodes.

 

Ainsi, « Bastion » est baston, avec une fin qui martèle les crânes et ce qui se trouve à l'intérieur pour bien faire de la place à ce qui se passera sur la suite de l'album : les racines de hardcore chaotique convergiennes qui s'expriment pleinement sur la première moitié du single « Never Me », sur « Lapse Med Dist » ou dans les sursauts de « As Atlas Stumbled » ; les teintes assombries d'un blackened hardcore qui peuplent « Within Reach » ou « I've be gone for so long » ; ou encore la crasse sludgiesque d'un « I Accept I Receive » toujours aussi vicieux, avec un guest vocal de Rikke Emilie List (du groupe de doom/death Konvent), pour un morceau beaucoup plus long que les précédents, mais qui correspond bien au style ici pratiqué.

Sans oublier cette inclinaison presque screamo lors de la respiration de « Never Me », dans le style de superposition vocale à cette instrumentation plus calme (tendance Ostraca / Frail Body / Massa Nera), qui permet du coup de retrouver l'héritage de Demersal chez Telos.

 

Si l'on ajoute à ça quelques dissonances Botchiennes de bon aloi, quelques bleuargls bien placés, du ralentissement souvent convergien là aussi, la présence sur « Throne » d'un feat. de Christian Jamet Bonnesen (ex-LLNN, remplacé justement par Victor), une tension tranchante comme un minot sanglé avec une ceinture de câble dans un space mountain, quelques slides en embuscade, des cordes parfois bendées à mort et des riffs assassins, alors on aura déjà une sorte de portrait-robot de Delude.

Et au-delà de la scène danoise, peut-être malheureusement encore trop confidentielle, bien qu'on s'emploie à remédier à cela, prenez un héritage de Converge, la noirceur d'un Cult Leader, l'intensité d'un The Secret et faites tremper le tout dans un bouillon de black issu de la scène punk-hardcore, et vous aurez de nouveau une sorte de portrait-robot, un peu plus flou, mais à peu près valable tout de même.

 

Pour finir et pour mettre l'ambiance, pour sa soutenance de thèse au conservatoire, Victor a décidé que sa présentation serait un concert de Telos directement au conservatoire, concert auquel il a appelé se rendre, sur les réseaux du groupe :

« Pour mon examen final, je jouerai un concert avec Telos au conservatoire, constitué de nouvelle musique toute fraîche, et je serais extrêmement heureux si VOUS, qui que vous soyez, voulez faire un saut pour foutre le bordel à ce qui, en gros, est ma thèse de fin d'études ».

 

Bref. La bouillonnante scène 'hardcore et dérivés' de Copenhague délivre ici un nouveau manifeste, et il est impressionnant de voir comment tous ces groupes que l'on a cité plus haut parviennent à s'enrichir les uns les autres pour proposer une production, une émulation et une créativité collective qui en font à mon sens (et à ma connaissance limitée) l'une des scènes locales les plus solides du monde en ce moment.

 

A écouter entre deux battements de cœur sous un ciel d'orage.

 

P.S. : Head Records, qui produisent et distribuent le disque en France, soufflent leurs 20 bougies cette année et prévoient d'envoyer du lourd pour fêter ça ! Alors n'hésitez pas à les soutenir et à aller faire un petit tour par chez eux (le lien est en tête de chronique).

photo de Pingouins
le 16/03/2023

5 COMMENTAIRES

Moland

Moland le 16/03/2023 à 08:40:13

Tu allèches, avec ce name dropping de catin de luxe. 

AdicTo

AdicTo le 16/03/2023 à 10:21:19

Oui très alléchant, hâte d’écouter :-)

Pingouins

Pingouins le 17/03/2023 à 15:22:24

Et bien j'espère que la saveur en bouche était à peu près fidèle à la description faite sur le menu, vous me direz :)

AdicTo

AdicTo le 19/03/2023 à 00:06:29

Et bien je le trouve très bon cet album! Toi t a fait d’accord sur le coté « convergien » et la «versatilité » du vocaliste.

Il est donc fort probable que je commande un disque chez Head Records :)

AdicTo

AdicTo le 19/03/2023 à 16:29:31

Et bien je le trouve très bon cet album! Tout à fait d’accord sur le coté « convergien » et la «versatilité » du vocaliste.

Il est donc fort probable que je commande un disque chez Head Records :)

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