Vulture Industries - The Tower

Chronique CD album (01:02:47)

chronique Vulture Industries - The Tower

« Entrez, entrez Mesdames et Messieurs dans la sombre Tour de Vulture Industries.

Plus ambitieuse que sa consœur de Babel,

Plus maléfique que Dol Guldur et Barad-dûr réunies,

Plus blindée d’EPO que le Tour de France,

Plus explosive que le World Trade Center,

Venez goûter à sa monumentale décadence, à sa démesure architecturale et à ses dentelles de pierre sculptées par les meilleurs dandys-bâtisseurs de Norvège… »

 

Il y a 3 ans de cela, vous vous en souvenez peut-être, les gentlemen de Bergen nous avaient conté gibet, vautours et justice expéditive du haut de la potence The Malefactor’s Bloody Register. De cette œuvre sombre et ensorcelante émanait un esthétisme noir et des fulgurances psychotiques qui avaient réussi à nous séduire presque contre notre gré, ceci malgré quelques longueurs et une préciosité théâtrale parfois un peu too much. Eh bien avec The Tower, leur 3e rejeton discographique, on est tout sauf déboussolé. On y retrouve en effet les ciels gris et menaçants qui assombrissaient déjà les horizons du précédent méfait. On y retrouve également la tourmente grandiloquente, ainsi que les longues pièces baroques ambitieuses évoquant un Sleepytime Gorilla Museum drapé dans la cape Avant-Garde Post-Black. On y retrouve enfin la voix de Bjørnar Nilsen, archétypale de ce genre d’exercice dark-« chemise à jabot »-metal, entre éloquence sentencieuse, névrose bouillonnante, soupirs désabusés et vitupérations véhémentes.

 

Mais si on replonge avec plaisir dans la qualité d’écriture et le décorum caractéristiques de ce club norvégien très privé, on (…enfin « je ») reste quelque peu irrité par certaines longueurs anesthésiantes (dès « The Tower » - titre un peu lancinant sur les bords -, mais encore bien plus sur le neurasthénique et doomeux « The Hound » - 9:46 au compteur…), par ces complaintes monotones où morgue dandy et spleen gothique se partagent la vedette, ainsi que par certains gimmicks un peu trop répétitifs – comme ces passages « menaçants » où Bjørnar nous livre ses confidences de comploteur, tantôt murmurant, tantôt susurrant, toujours persiflant.

 

Sauf qu’heureusement, quand enfin le groupe cesse de se morfondre pour partir en virée Orange Mécaniquesque, là ça devient le panard. Comme sur la très bonne première partie de « Divine – Appalling » où le groupe se montre à la fois déterminé et vicieusement mélodique. Ou sur le tube « Blood On The Trail », morceau fougueux, grand, mobilisateur, qui s'offre de plus une petite incartade piano bar / cabaret pas vilaine en son milieu… Ou encore – moins pugnace, mais néanmoins juteux – sur la chevauchée nonchalante « The Dead Won’t Mind » où la guitare devient banjo pour nous renvoyer dans le psycho-western de l’épitre précédent. C’est vrai que la suite est moins jubilatoire pour les muppets nawakophiles que nous sommes, malgré une envolée métallique sur « A Knife Between Us » ou quelques bons coups de canifs sur « The Pulse Of Bliss », mais heureusement la barre se redresse en bout de course sur le long (8:16) et varié « Blood Don’t Eliogabalus » – qui s’avère en fait être un bonus fusionnant « Blood Don’t Flow Streamlines » (figurant sur The Dystopia Journals) au « Egliogabalus » des Devil Doll. D’où ces reprises de volées fréquentes, ces flonflons nawako-symphoniques, ces éruptions ciblées, ce duo espiègle clavier-guitare, etc. Belle pièce!

 

Alors c’est vrai, bien que le côté black metal de la chose ait été réduit à une portion plus que congrue (...ce qui serait plutôt pour me plaire...), on gravira cette Tour avec un peu moins d’enthousiasme qu’on n’en avait mis à monter les marches qui conduisaient jusqu’au bourreau du 2nd album. Peut-être parce que The Tower semble un brin moins foufou malgré les touches de saxo toujours présentes (mais rares) et les nuances apportées par un clavier multi-facettes. N’empêche, les norvégiens proposent une fois encore une œuvre ambitieuse, riche et belle, qui ravira les amateurs d’« avant-garde dark metal » progressif et classique – si toutefois l'association des termes "avant-garde" et "classique" réussit à trouver un point d'accroche sémantique dans votre référentiel metallico-stylistique.

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: sur The Tower, Vulture Industries abandonne la diligence de The Malefactor’s Bloody Register pour revenir en carrosse errer dans les sombres recoins de quartiers victoriens où les âmes damnées de Bedlam côtoient des dandys désabusés dans des échanges où abondent absinthe, opium et sexe déviant. C’est beau, c’est vaste, c’est raffiné, mais on préférait tout de même quand les norvégiens portaient Stetsons usés et gros nez rouges croûteux…


 

photo de Cglaume
le 07/01/2014

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