Wayfarer - World's Blood

Chronique CD album (44:44)

chronique Wayfarer - World's Blood

Je ne suis pas un amateur de black metal. Les plans de batterie épileptiques, la voix qui donne le sentiment que le chanteur s’est coincé un orteil dans l’embrasure de la porte de la cave, bref, les gimmicks de moult albums considérés comme des pierres angulaires de ce genre m’horripilent.

Pas étonnant, donc, de ne pas avoir l’impression d’écouter du black metal quand on tombe sur l’album World’s blood de Wayfarer.

Pas étonnant que ce type de black metal me séduise davantage.

Et pour cause, ici, on oublie les questions de genre, on se retrouve face à de la musique avec des majuscules, tout simplement, et surtout, du génie créatif. Si de temps à autre, la batterie s’emballe et fait une crise d’épilepsie, le reste de l’album (90% de celui-ci), elle se montre au contraire hyper inventive et surprenante, tour à tour lourde, musclée, calme, nerveuse, tribale. Le titre d’ouverture, en cela, en constitue un excellent exemple : d’emblée, la batterie imprime au morceau une impression de galop, de cavalcade endiablée. Du galop, elle passe au trot, puis au pas, avant d’effectuer de nouvelles embardées. Un véritable rodéo musical. Pourquoi cette métaphore filée sur nos amis les chevaux ? Parce qu’avec Wayfarer, on est loin des fjords et des forêts scandinaves. Si le chant reste bel et bien typique du black metal, sa discrétion (il laisse la part belle aux longues plages instrumentales) et sa lourdeur l’apparentent aussi, voire davantage, au monde du post metal, du sludge propre à des groupes comme Neurosis ou Amenra. Il se gonfle de virilité au fort parfum de musc. L’univers de Wayfarer, de cet album, en tout cas, se situe davantage au milieu des plaines et des rivières du Colorado (d’où le groupe est originaire) que dans les clairières finlandaises. Mais on est pas chez les cowboys, hein. Mais plutôt chez les Indiens.

 

En outre, tout l’album, uniquement composé de 5 pistes, explore bien les thématiques telluriques, avec une richesse et une variété d’ambiances qui invoquent la force des éléments. Black metal atmosphérique ? Ce serait trop réducteur que de s’en tenir à cette étiquette. World’s blood visite aussi les territoires du post-rock, du sludge, de la folk (« The Crows Ahead Cry War », avec son ambiance folk qui se termine par une partie digne d’un titre de Godspeed You! Black Emperor, les papes du post-rock), du rock’n’roll pur et dur. Tout comme l’exploration d’un territoire sauvage exige de la patience, et l’acceptation dudit territoire pour le corps étranger que l’explorateur constitue, World’s blood ne se livre pas en une seule écoute, vu la densité de chaque morceau. On ne s’y plonge pas en peignoir et pantoufles, mais nu, le corps enduit de peintures de guerre et de sirop d’érable.

 

A souligner le titre de clôture, « A Nation of Immigrants », véritable apothéose en guise de calme après la tempête. En fermant les yeux, on aperçoit des troupeaux de buffles avançant au pas vers les terres vierges du Grand Ouest des pionniers américains, dans un nuage de poussière filtrant au ralenti les rayons d'un soleil incandescent. Le riff de guitare acoustique, sur lequel la totalité du titre se construit, est enrichi par moult nuances au chant, apaisé, (y a même l'intervention d'une voix féminine) et les nappes de la guitare amplifiée.

Un western crépusculaire récompensant le voyageur éreinté après l’écoute de cette œuvre somme.

photo de Moland Fengkov
le 02/12/2021

7 COMMENTAIRES

Seisachtheion

Seisachtheion le 02/12/2021 à 10:31:00

''Je ne suis pas un amateur de black metal''...
... Ma lecture de cette chro s'est interrompue là. Nette.

cglaume

cglaume le 02/12/2021 à 10:39:35

Quand à la fin les buffles avancent vers les vierges, à mon avis ça ne va pas vraiment être le calme pour au moins la moitié des effectifs en présence... Ou alors le calme PENDANT la tempête.


(quoi ? "Terres" vierges ? Oui oh hein bon...)

Pingouins

Pingouins le 02/12/2021 à 11:13:14

J'avais préféré A Romance With Violence dans l'ensemble, mais celui-là est chouette aussi.

pidji

pidji le 02/12/2021 à 11:23:34

J'ai adoré "A Romance With Violence", mais je ne connais absolument pas celui-ci. Faut que je prenne le temps de l'écouter 😁

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 02/12/2021 à 17:47:27

J'aime pas le post-black (ou le post-quoique ce soit) mais là, c'est bien.

Moland

Moland le 04/12/2021 à 00:55:34

Je recommande d'écouter celui-ci avant "A romance with violence", car il y a une suite logique, tant dans le fond que la forme. 

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 06/12/2021 à 17:30:31

Faut pas pousser le Cromy dans les orties toute de même.

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