Yortsed - Time for Anger
Chronique CD album (57:25)

- Style
Techno-Thrash - Label(s)
Metal Exhumator - Date de sortie
20 décembre 2022
écouter "Train To Kill"
« Yortsed »… Vous voyez « de quoi ça s’agit » ? Dans le même genre il y a « Redrum » aussi, si des fois vous avez vu / lu Shining. Ou « Boz nom » également – parce qu’on a un peu trop tendance à faire de l’humour à la Bigard ici, bien qu'il y ait bien plus qualitatif en matière de drôlitude comicogène.
... Non, toujours pas ? Vous y verrez plus clair avec l’aide d’un miroir : il s’agit de mots « inversés ». En l'occurrence, pour la formation dont il est aujourd'hui question, cela nous donne donc « Destroy ». Et non pas le participe passé régulier d’un verbe anglais oublié.
« Passé », « oublié »… : ce n'était pas prémédité, mais voilà là une transition qui arrive comme une bouteille de cidre dans un champs de crêpes. Car Yortsed appartient effectivement au millénaire précédent, et son nom aurait définitivement disparu des mémoires et disques durs sans l’amour passionné de Chris, bassiste de Grazed et patron de la structure Metal Exhumator – micro-label nécrophile qui a offert un dernier tour de piste à une poignée de groupes, majoritairement français, comme Cardiac Cease, Sulphura, Shud et bien d’autres, parmi lesquels Yortsed.
Mais il est temps de vous en dire plus sur ce groupe de Sète. Et je vais pour cela faire appel aux infos fournies par le Chris en question, les pages afférentes ayant été arrachées de mon encyclopédie personnelle du Metal. Yortsed a été actif grosso modo entre 1988 et le tout début des 90s. Abritant en son sein des musiciens ceintures noires dans leur art – Bruno Ribard, l’un des guitaristes, serait sorti major de sa promo au M.A.I. de Nancy – la formation s’est naturellement orientée vers un genre exigeant : le Techno-thrash. Après deux démos ayant a priori été remarquées, le groupe est contacté par Roadrunner – pour lequel ce Time of Anger aurait à l’origine été enregistré. Mais l’affaire, ainsi qu’une tournée en première partie de Coroner, tombera finalement à l’eau. Pas d’explication quant au pourquoi du comment, sorry.
Du gros son pour esthète, donc, que ce Temps de la Colère ?
Oui. Mais pour esthète brocanteur, par ailleurs capable de jauger le galbe d'un guitariste malgré de grosses pelletées de sable lui obstruant les oreilles. Parce que, ouille, 'y a des toiles d’araignée plein la prod’, mes aïeux ! Il faut agiter de lourdes tentures poussiéreuses pour réussir à admirer les 6 compos d’époque qui se cachent derrière. Et quand on a enfin réussi à accoutumer son audition à l’obscurité, bam, deuxième bâton dans la roue : Maman, ce chant ! Il me rappelle mes premiers Hard Rock Magazine et Metal Hammer, en cette lointaine époque du lycée, quand la France était encore le Tiers Monde du Metal. De mon vieux cerveau remontent alors quelques instantanés fugaces de cette époque révolue : La Nuit de Proton Burst, And If… de Droÿs, Innercut de Krakkbrain… Avec, marquant au fer rouge la plupart des prestations vocales, cette touche typiquement « non anglophone » qui est l'apanage de nos riantes contrées. Plus, en guise de cerise sur cette vieille madeleine, une alternance – malheureuse à mes oreilles – entre graves Métôôl et aigus Heavyyy. Ce à quoi il faut encore ajouter des chœurs de para sur bien trop de refrains (celui de « You Must Die » obtient le pompon du pas bon, mais d’autres sont sur ses talons).
Rhaaaa, pourtant l'offre est généreuse au rayon guitares ! Mais quand on recouvre ainsi celles-ci de poussière, et que le chant est aussi *** hum *** « typé », ça devient du guitaricide caractérisé !
Bordel, qui donc arrive à supporter ce « Train-Train… to Kill ! » ?
... Ou le boulot d’Eric, derrière le micro, sur « I Wanna Cry » ?
C'est qu'à force moi aussi j’ai envie de pleurer ! Je sais qu’il y a une grande part de « culturel » et de « générationnel » derrière ce qu’évoque ce type de chant. Mais putain, j’ai 47 piges quand même ! Je devrais donc être capable de dépasser ça. Et pourtant du sang coule depuis mes tympans...
C’est d’autant plus dommage que les deux gratteux s’en donnent à cœur joie derrière. C’est certes parfois un peu trop emberlificoté, un peu trop tortueux, voire également un peu trop court-jeune-homme. Mais à d’autres moments cela peut également s’avérer très bon. Avec en option, en plus de la touche Mekong Delta / Coroner attendue, une approche qui n’est pas sans rappeler les vieux Nocturnus et Loudblast (auxquels je pense direct’ quand débarquent pour la première fois les 6-cordes, au début de « Dreams of Light », une fois passée l’intro kitchissime…). On se prend d’ailleurs à rêver que, histoire de transformer cette prometteuse citrouille en rutilant carrosse, un Vektor ou un Xoth se penche sur ce paquet de bonnes idées, afin d’en faire de véritables missiles.
Sur Time for Anger on retrouve également d’autres influences d’époque. Un break très « old Sodom », à 0:33 sur « Train To Kill ». Beaucoup de Metallica, période Master of Puppet, sur « You Must Die ». Et l’on profite d’autant mieux de tout cela que les solos sont nombreux, et que pendant ces épisodes sans postillons nos oreilles peuvent temporairement cicatriser.
Six pistes seulement, cela semblait un poil court pour cette exhumation. Ce sont donc 4 titres démos qui ont été ajoutés en fin de tracklist. Je vous ai dit avec quel acharnement la prod’ m'a chiqué les tympans sur la première mi-temps discographique : vous imaginez donc la souffrance en queue de peloton… Mais cela a beau être particulièrement pénible, on remarque de-ci de-là que les guitaristes continuent de faire du beau boulot, « Antichrist » et « Yortsed » contenant notamment de beaux petits riffs bien fiévreux.
Mais trêve de masochisme. J’ai écouté de nombreuses fois (j’insiste : nombreuses) Time for Anger. Donc non, ce n’est pas Yoris, Tik-Tokeur acnéique, qui livre ici son avis après 5 minutes d'écoute sur Youtube. D'ailleurs je reconnais volontiers que l’album offre de nombreux points d’intérêt pour l’amateur de riffs acérés et de structures alambiquées. Mais bordel, mieux vaut l’écouter après avoir bu un élixir de protection contre les mauvais esprits du passé ! Car cette relique discographique est comme le « Musée du Matériel Agricole Charentais au XIVe et XVe siècle » (qui existe sans doute à Cholet-les-Genoux ou à Combreville-sur-Pétoncle) : érudit, documenté, plein de bonnes intentions, l’édifice inspire le respect. On y entre curieux, on admire le travail méticuleusement accompli… Mais on a du mal à s’intéresser beaucoup plus de 10 minutes, entre autres à cause des odeurs mêlées de naphtaline et de poussière. Et on finit par en sortir en pressant le pas.
Le soleil brille tellement plus fort, à l’extérieur…
La chronique, version courte : Yortsed aurait normalement dû sortir Time of Anger, son seul et unique album de Techno-Thrash, au début des 90s, chez Roadrunner. Mais cela n'a pas pu se faire. Heureusement, grâce au travail passionné et à la DeLorean du label Metal Exhumator, il vous est ici proposé une chance de voir ce à quoi le monde a échappé (…avertissement préalable : un certificat d’aptitude à la plongée en brocante profonde, option Champollion, vous sera demandé avant d’appuyer sur >Play).
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