Melted Bodies - Interview du 15/09/2024

Melted Bodies (interview)
 

Si Enjoy Yourself portait un regard sarcastique sur différents aspects de la vie moderne – dont le rapport des gens à la bouffe, notamment –, il semble que The Inevitable Fork traite de sujets beaucoup plus personnels. Pourtant, dans le titre même de ce nouvel album, on retrouve... une fourchette ! Et en troisième position on y trouve... « The Hot Dog Contract ». Il semblerait donc que la nourriture soit une sorte de fil rouge pour Melted Bodies... Non ? (rire)

Haha, non, pour le coup il s'agit plus ou moins de coïncidences. La fourchette dont il est ici question n'est qu'une métaphore qui représente ces moments de la vie où l’on est confronté à un choix, et où l’on doit décider de s’engager sur une branche plutôt qu’une autre. Quant au fameux « contrat hot dog », il fait lui aussi référence à une expérience personnelle. Car dans le cadre de mon boulot j’édite et reçois beaucoup de contrats. Or ce morceau traite justement de ces deals très bureaucratiques, verbeux jusqu'à la caricature, et bien souvent élaborés tels des patchwork, à partir de clauses tirées d'autres contrats. Je compare ceux-ci à des hot dogs, qui sont eux aussi élaborés à partir de tout un tas de bouts de viande et d’ingrédients divers : il est vrai qu'ils présentent bien au premier abord, si l'on y jette un coup d'œil rapide et qu'on n'est pas trop regardant. Mais en réalité ils sont sacrément lourds à digérer, et pas franchement bons pour notre bien être (rire). Initialement, "The Hot Dog Contract" était juste censé être un titre de travail, rien de plus. Mais les autres membres du groupe ont aimé l’idée, et m’ont demandé de le garder tel quel (rire)

 

Sur « State Of Mind », par moments j'ai eu l'impression d'entendre des cris tirés de Street Fighter 2… Hallucination auditive ou easter egg ?

Ce qui est sûr c’est qu’on s’est amusé à caler plein de petits éléments saugrenus et fun partout où s'en présentait l'occasion... Mais je ne crois pas qu’on ait inséré un sample de ce jeu sur « State of Mind ». En revanche, si tu fais attention, tu vas te rendre compte qu’il se passe beaucoup de choses sur cet album ! Sur « State Of Mind », en l’occurrence, on avait envie d'insuffler un peu de légèreté par endroits, sans que cela vienne forcément des mélodies elles-mêmes. C’est dans ce cadre qu’on a ajouté un certain nombre de ces petites fantaisies sonores que tu as entendues…

 

Autant on a bien compris que vos trois derniers EP ont été réalisés à des moments différents, autant ce qui risque de passer inaperçu pour certains c'est que leur mix ont été réalisés par trois personnes différentes. C'était une choix artistique auquel vous teniez ? Ou alors se pourrait-il que vous n'avez pas été entièrement satisfaits du boulot de John Spiker, puis de Ben Greenberg ? Ou bien peut-être était-ce juste une question de disponibilités ?

John, en effet, n’était plus dispo pour s’occuper des 2e et 3e EP : c’est un mec très occupé. Il joue au sein de Tenacious D, il est impliqué sur de gros films… Ce n’était donc pas envisageable de l’avoir à nouveau. Ou alors il aurait fallu attendre vraiment longtemps. Pour Ben, c’est simple : je suis un gros fan d'Uniform, au sein duquel il joue de la guitare. J’adore comment ce groupe sonne – même si ce n’est clairement pas le genre d'approche qui met tout le monde d'accord, vu que j’ai souvent entendu des gens se plaindre du côté « étouffé » de leur son ! On a réussi à obtenir son adresse email par l’intermédiaire d’un ami commun : on lui a alors envoyé les démos du deuxième EP. Et il se trouve qu'il les a carrément aimées, et a donc été partant pour s’en occuper. Quant aux dernières compos, on s’est dit qu’elles nécessiteraient un traitement différent : en effet, Ben est vraiment très bon, mais il évolue dans un créneau très spécifique. Tandis que James est très ouvert sur les attentes des artistes. Par ailleurs il vit lui aussi à L.A., ce qui nous a permis de le rencontrer en personne, et de suivre son travail de plus près. Au final, chacun des trois ayant son propre style, on savait que l'album risquait de souffrir d'une certaine hétérogénéité d’un titre à l'autre... Mais on assume complètement le résultat final !

Je n’ai clairement pas l’oreille d’un ingénieur du son, mais très honnêtement, cette approche tripartite ne gêne en rien l’écoute de l’album.

Cela fait plaisir à entendre, merci ! Pour atténuer les différences, on a dû effectuer un remastering de la totalité des titres, afin d’obtenir une certaine cohérence au niveau des fréquences. Parmi les éléments qui ont rendu cette tâche difficile, il y a par exemple le fait qu’on aimait la façon dont John avait fait sonner la batterie, mais aussi le rendu du chant obtenu sur un autre mix : préserver les différents éléments-clés de chacun des mixages, tout en réussissant à obtenir quelque-chose qui tienne globalement la route, a été particulièrement compliqué.

En regardant dans le détail, j’ai constaté que « Wrath Of The Flies » a été mixé par Ben Greenberg. Pourtant il n’a pas trouvé sa place sur le volume 2… Qu’est-ce qui a motivé le report de sa sortie ?

Bravo, bien vu ! Je me rappelle de discussions à propos de ce titre, et de notre décision collégiale de finalement attendre que l’album soit prêt pour l'y inclure. Mais je n’arrive pas à me souvenir de la raison (rire). Ce qui est sûr, c’est que c’est un titre très court, orienté Grindcore / Death Metal, et qu’il constitue ce genre de coup de massue bien violent, idéal pour booster un album. Pour info, il traite des douleurs dorsales. En effet, je souffre d'une scoliose depuis l’adolescence, et à chaque fois que les douleurs reviennent j’imagine des mouches déchaînées se nourrissant de ma moelle épinière pourrissante… (rire) Si le problème me touche personnellement, j'ai découvert que le sujet est assez universel : on est nombreux à souffrir de ces satanées douleurs de dos (NDLR : je confirme !) ! En tous cas cela explique pourquoi il y a autant de colère dans ce titre : ça fait tellement mal (rire)

 

Parlons à présent de vos vidéos : les dernières, consacrées à « Bloodlines » et « The Hot Doc Contract », sont particulièrement frénétiques, à la limite de s'avérer dangereuses pour un public épileptique. Vous ne craignez pas d’être taxés d’épilepticophobie (rire) ?

Ce rendu hyper fébrile, c'est du 100% Scott ! Dès le tout début il était évident qu'il fallait un support vidéo pour « Bloodlines ». On a donc commencé à échanger des idées, puis on a demandé à un ami de filmer l’un de nos concerts. En regardant le résultat, Scott s’est dit qu’on pourrait y incorporer des éléments extérieurs – décalés, autant que possible. Et il est passé des paroles aux actes à sa façon, avec ce côté « furie schizophrénique » qui caractérise la manière dont il réalise ses montages. Je trouve le résultat vraiment cool, d’autant qu’il l’a bouclé en très peu de temps !

 

On parlait des problèmes de gros sous qui ont contribué à ce découpage du deuxième album en trois segments distincts. Et il est vrai que vous êtes toujours non signés, en mode DIY. Pourtant je sais que Razor To Wrist, le label des mecs de Dog Fashion Disco, aurait aimé vous incorporer à sa grande famille. Manifestement vous avez décliné l’invitation… Vous préférez rester entièrement libres ? Ou bien vous attendez la grosse major qui vous fera passer d’un coup à un stade bien supérieur ?

C’est plus simple que ça : on ne pense même pas à cet aspect des choses (rire)… C’est comme tout dans la vie : si une superbe opportunité se présente et que c’est vraiment avantageux, on dira sûrement oui. Car on n’est pas non plus dans le trip « Fuck labels ! » (rire). Mais si cela devait arriver, il faudrait que la proposition soit vraiment top… Dans le cas contraire, on préfère mener notre barque à notre guise. Car au final, tu sais, cela ne fait pas une différence si énorme que cela... Alors pourquoi se passer la corde au cou ? C'est vrai, on a eu de bons retours, et des propositions sympas. Mais rien de suffisamment transcendant pour qu’on se dise qu’il ne fallait pas louper l’occasion…

 

J’ai beaucoup aimé la série de photos sur lesquelles vous êtes tous recouverts d’une sorte de slime translucide…

Le slime en question, c’est juste du miel. A vrai dire, cela faisait depuis sacrément longtemps qu’on avait cette idée : en effet, comment mieux incarner le concept de « Melted bodies » (NDLR : « des corps fondus ») ? J’ai donc fini par me rendre dans un magasin où j’ai acheté des litres et des litres de miel. Une fois ce stock constitué, on s’est installé tour à tour à l'intérieur d'une petite baignoire pour bébé, pendant que deux autres d'entre nous se munissaient de seaux de miel, escaladaient les escabeaux installés de part et d'autre de la pauvre victime, puis enfin déversaient le contenu desdits seaux sur la tête du ou de la malheureuse qui ne prenait pas la photo. J’aime vraiment beaucoup le résultat au final !

J’imagine que le nettoyage qui a suivi a été beaucoup plus long que la séance de shooting en elle-même, non ? (rire)

Eh bien même pas : il a été relativement facile de s'en débarrasser. Je ne sais pas, peut-être parce que c'est un produit naturel. Autant, c'est vrai, quand tu te renverses du soda dessus, cela peut être assez galère de s'en débarrasser. Autant là, ça s'est passé bien mieux que prévu. Après la prise des photos, il a suffi de s'essuyer pour enlever le plus gros, puis de passer rapidement sous l'eau d'un tuyau d'arrosage avec un peu de savon, et hop, c'est parti tout seul ! Une heureuse surprise, à vrai dire !

 

J'ai vu que vous avez réalisé de petites tournées américaines récemment, la dernière ayant été effectuée en compagnie des excellents Flagman, et de Sumpp : j'avoue que j'aurais adoré pouvoir profiter d'une aussi belle affiche ! Comment ces dates se sont elles passées ?

On s'est vraiment éclaté ! Nous n'avions jamais joué en compagnie de ces groupes, ni dans aucune des salles où nous nous sommes produits (il faut dire qu'on a rarement l'occasion de jouer dans le Middle West) : nous ne savions donc pas forcément à quoi nous attendre... Mais à chaque endroit où nous nous sommes rendus, même quand il s'agissait de villes de taille modeste, nous avons bénéficié d'un public conséquent. Et encore mieux : à chaque fois nous avons eu la chance de rencontrer une poignée de super fans de Melted Bodies ! Ça m'a vraiment filé la banane. Pour un petit groupe comme nous, c'est génial de constater "en grandeur nature" qu'on arrive à toucher des gens un peu partout. Je dois dire que ça nous a motivés à aller plus loin ! Nous sommes donc récemment entrés en contact avec des tourneurs : on espère ainsi pouvoir renouveler ce type d'expérience, voire nous produire plus loin encore... L'année prochaine peut-être : on verra.

Effectivement, lors des échanges préparatoires à cette interview, j'ai cru comprendre via certains messages – venant de toi, ou de Scott peut-être – qu'il ne serait pas irréaliste d'espérer vous voir sur une scène européenne... ?

À vrai dire on attend une confirmation, donc je ne m'aventurerais pas à te faire une révélation qui risquerait de tomber à l'eau... Enfin si tout se passe bien, il se pourrait qu'on traverse l'océan l'automne prochain.

Cool !

Mais ne nous excitons pas trop vite : rien n'est sûr à l'heure actuelle ! (rire)

 

Puisqu'on évoque la France (... non ?), restons-y : est-ce que tu as vu la cérémonie d'ouverture des J.O. ?

J'en ai vu quelques extraits, oui. Sur internet, certains ont évidemment réussi à trouver des raisons de critiquer la présence d'un groupe de metal sur un tel événement. Personnellement, j'avoue que j'ai trouvé ça cool qu'ils en profitent pour mettre en avant un gros groupe local ! Parce qu'en général, seules les pop stars sont conviées à ce genre d'occasion. Alors oser un groupe de metal, de death metal même, c'était vraiment cool !

 

Pour finir, puisque la « fourchette » évoquée dans le titre du nouvel album symbolise ces embranchements de la vie lors desquels il est nécessaire de faire un choix, j'ai envie de te demander si tu es satisfait, jusqu'ici, de la façon dont Melted Bodies a négocié ses propres fourchettes ?

Nous sommes déjà passés par tellement de « fourchettes » depuis le début de notre histoire qu'il n'est pas aisé de répondre à ta question ! Écoute... Oui, je crois que je suis satisfait. Je ne sais pas où tout cela nous conduira ni comment cela finira... Mais pour le moment je vis intensément le présent. La sortie d'un nouvel album, c'est toujours un moment où l'on éprouve une certaine tension. Mentalement, c'est plus facile une fois la sortie passée, on peut alors passer à l'étape d'après... Je dirais que chacun des EP qui l'ont précédé nous ont fait progresser dans la bonne direction. Je suis fier de tout ce qu'on a réalisé jusqu'ici, mais c'est vrai que je suis tout particulièrement fier de ces tout derniers titres. Nous avons énormément bossé pour réussir à les sortir, nous n'éprouvons aucun regret ni frustration vis-à-vis du résultat. C'est même tout l'inverse : je suis très fier de la façon dont ils sonnent, je suis heureux qu'ils correspondent à ce que j'imaginais pour cette nouvelle étape de l'aventure Melted Bodies – plus « heavy », plus personnelle. J'imagine que de ressentir cette fierté, cela doit vouloir dire qu'en effet, nous avons dû faire les bons choix jusqu'à présent (rire)

photo de Cglaume
le 27/11/2024

2 COMMENTAIRES

Aldorus Berthier

Aldorus Berthier le 02/12/2024 à 11:05:47

Bon bah merci j'ai commencé et terminé cette lecture avec une grosse fringale 😤

cglaume

cglaume le 02/12/2024 à 11:26:11

:)

La suite en kiosque dans 15 jours !

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