Gorod - Æthra

Chronique CD album (44:23)

chronique Gorod - Æthra

ALLÉLUIAAAAAAAAAA bordel!

 

Pas que ce soit stricto sensu un miracle, mais quel exploit quand même! Parce que vous en connaissez beaucoup vous, des groupes qui réalisent un sans-faute sur 6 albums de suite, le petit dernier – composé en seulement 3 mois – étant par ailleurs le meilleur de la seconde partie de leur discographie? Death et Opeth faisaient partie des rares à pouvoir prétendre arborer un tel tableau de chasse. Sauf qu’à présent il y a également Gorod, un groupe qui mériterait plus que bien des têtes d’affiche "à la mode" de figurer au firmament des légendes du Metal extrême. Du Metal tout court même, à l'image des 2 illustres aînés évoqués plus haut. Car s’il a clairement fait ses armes dans le monde du Death technique-avec-des-grosses-balloches, le groupe glisse de plus en plus vers un Death « technico-progressif » plus accessible. Ce qui ne veut pas dire que les Bordelais draguent le public Néo – non, les 10 compos nouvelles sont des joyaux du genre, et les fans d’Obscura et Beyond Creation pourront y aller de leurs soupirs extatiques. Mais si Mathieu Pascal a toujours su injecter de grosses doses de mélodie et de groove à ses compos, il arrive à présent à les rendre encore plus rapidement assimilables, ce qui – pour faire frémir les trves qui ne mélangent pas les torchons grand public avec les serviettes élitistes – fait d’Æthra l’album le plus « Pop » (guillemets putain Robert: guillemets!) à ce jour.  

 

Mais redevenons plus factuel. Après la parenthèse thrashy Kiss The Freak, nous attendions que les Bordelais nous reviennent avec un digne successeur à A Maze of Recycled Creeds, album qui en 2015 mettait une fois de plus la barre très haut. Sauf que forcément, on en voulait toujours plus: plus de technique, plus de tubes, plus de surprises-mais-sans-changer-surtout-hein, plus de tout, parce qu’on en demande toujours plus aux meilleurs élèves. Alors forcément ça commençait à faire beaucoup, même pour des musiciens aussi aguerris. Du coup toutes les conditions étaient rassemblées pour qu’on soit déçus…

 

Sauf que nom de nom, pas du tout, bien au contraire!

 

Car Gorod revient avec un vrai chef d’œuvre, dont la rutilante mécanique est aussi complexe que sa prise en main est naturelle, et dont le faste et l’ambition dénotent face à la simplicité avec laquelle on entre dans son univers. Beaucoup de paramètres peuvent expliquer le pourquoi et le comment de ces délicieux contrastes. Tout d’abord un éclaircissement de la toile de fond: si l’on y voit beaucoup plus clair, c’est que Mathieu a plus que jamais laissé parler ses influences Prog – notamment sur la première moitié de l’album – et qu’il a – à l’inverse – simplifié, ou du moins fluidifié la structure de ses compos. Côté son également, on sent qu’un nouveau saut qualitatif a été effectué, Mathieu ayant laissé cette fois Daniel Bergstrand (on ne vous le présente plus) s’occuper du mix, et Lawrence Mackrory (le chanteur de Darkane) se charger du mastering. Forcément, le fait que, à l’image d’un Death, les parties plus brutales soient à présent moins fréquentes (quoique: BAM le déferlement à mi-parcours sur le morceau-titre, RHAA l’attaque quasi Black sur « Hina », GNAA les méchants blasts sur « Chandra », …) participe également à cette démocratisation. Ceux qui préfèrent leur Death brutal devront dorénavant aller sonner chez Exocrine pour obtenir leur dose syndicale de bleuargl. D’ailleurs, dans cette entreprise d’« assouplissement », Karol Diers joue également un rôle-clé, la finesse de son jeu polymorphe participant grandement à l’aération de compos tout en finesse.

 

Mais si Æthra est l’album de l’année, c’est d’abord et avant tout parce qu’il est une farandole ininterrompue de frissons de plaisir. Parmi ces instants orgasmiques figure le formidable ruban guitaristique déroulé au début de « Bekhten », qui captive aussi sûrement que l’observation d’un ciel constellé d’étoiles. Il faut également citer l’impériale reprise de volée mélodico-groovy qui remet les pendules à l’heure après 2 minutes passées sur « Hina ». Et c’est en respectant un chrono similaire que « And The Moon Turned Black » prend tout à coup des allures magnifiques, le menton et les guitares fièrement levés face à l’adversité. « Chanda and the Maiden » se contente quant à lui d’élever la pratique de la télégraphie guitaristique au niveau d’art majeur (quel début!), tandis que « A Light Unseen » propose sans doute la plus époustouflante fin d’album jamais écrite par le groupe. Et avec tout ça je ne vous ai même pas parlé du virulent « Goddes Of Dirt », dont la vitesse affolante en fait un plat de résistance de choix pour un banquet de Vektorophiles.

 

L’émerveillement est continu, c’est le Festival de la Compo Fantastique de Gérardmenvuça…!

 

Allez, glissons quand même ici quelques remarques d’importance secondaire qui expliquent pourquoi l’album n’a pas obtenu un 10. Première micro-déception: cette fois Mathieu ne s’est pas laissé aller à ces petits craquages décalés qui ajoutent du sel à pas mal des albums précédents (comme la Funk attitude et la reprise du thème « Amicalement vôtre » sur « From Passion to Holiness », ou les pas de Salsa sur « Varangian Paradise »). On remarque bien un piano qui prend le contre-pied des saccades sur la fin de « And The Moon Turned Black », mais c’est un peu court… Autre nano-tâche sur le tableau: la basse de Barby est bien discrète, bien sagement rangée derrière la batterie: pas de slap au premier plan, pas de séance de trampoline espiègle. On n’aurait pas craché dessus pourtant…

 

« Ouawh, virulentes tes critiques Lapin! »

Oui je sais. M’enfin ainsi le chroniqueur se donne l'illusion d'être plus objectif. La thèse, l'antithèse, tout ça...

 

Crénom que 2018 est une belle année pour le Metal technique français!!! Après le formidable Molten Giant d’Exocrine (de Bordeaux également), après le très bon Substance Rêve de Voight Kampff (illustré par Caza, quand Æthra pourrait sembler illustré par Druillet), et à présent ce nouveau chef-d’œuvre, on ne voit vraiment pas pourquoi l’origine hexagonale de la fine fleur de nos bretteurs ferait encore peur aux gros labels qui signent des Allemands, des Scandinaves ou des Canad-Américains à la pelle! Gojira n’est pas qu’une singulière exception bordel! Il est temps qu’un Gorod arrête de jouer les premières parties de luxe pour aller squatter les têtes d’affiche un peu partout autour du globe. Et s’il est dit que le talent doit finir par payer (ce qui arrive encore de nos jours, mais si), on ne voit pas comment il pourrait y avoir meilleur moment que la sortie d’une tuerie comme Æthra pour qu’enfin les portes s’ouvrent plus grand devant lui!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: légèrement plus prog que les albums précédents, perfectionné dans les moindres détails et recoins (prod, composition, accroche…), Æthra se pose comme un solide candidat au titre de meilleur album de la discographie de Gorod. Rien que ça!

photo de Cglaume
le 24/09/2018

11 COMMENTAIRES

Xuaterc

Xuaterc le 24/09/2018 à 18:38:10

Il ne faut pas que tu viennes vivre à Bordeaux Cyril: on a élu Trey Azagthoth comme maire à vie, les ascenseurs des collectivités locales diffusent Leprosy en boucle, les collégiens apprennent l'anglais avec les paroles de Cannibal Corpse, et la ville est jumelée avec Tampa en Floride

cglaume

cglaume le 24/09/2018 à 19:35:40

J'attends que les vendanges se fassent au son du Nawak et je vous rejoins !! :)

pidji

pidji le 25/09/2018 à 09:09:00

bon bah faudra que je l'écoute celui-là tiens.

Xuaterc

Xuaterc le 25/09/2018 à 10:45:58

@Cyril: le Château d'Yquem vient d'annoncer l'installation d'un système de sonorisation de ses vignes pour que ces dernières poussent au son de Faith No More et les vendanges se feront avec Toehider

cglaume

cglaume le 25/09/2018 à 12:50:16

:D

Quel commercial celui-là ! :)

boumbastik

boumbastik le 01/10/2018 à 17:53:30

"Il est temps qu’un Gorod arrête de jouer les premières parties de luxe pour aller squatter les têtes d’affiche un peu partout autour du globe." OH QUE OUI ! Vus en concert y'a 2 ans : je me suis pris une claque monumentale. Les mecs sur scène : détendus, souriants, heureux de jouer, maîtrise, classe. Gorod is Go(r)od. Gorod is Go(ro)d.

cglaume

cglaume le 01/10/2018 à 18:58:28

Très bon ce petit slogan final :)

Dams

Dams le 05/10/2018 à 17:51:41

Si j'ai bien compris, c'est à écouter d'urgence ça aussi. Elle fait plaisir cette fin d'année 2018 !

cglaume

cglaume le 05/10/2018 à 20:05:31

C'est clair : en quelques semaines j'ai rajouté une petite poignée d'albums dans mon Top 2018

Dams

Dams le 19/10/2018 à 11:54:56

J'ai beaucoup aimé le dernier Exocrine, mais là c'est encore un cran au dessus ! Je l'ai trouvé directement assez "accessible", ça part dans tous les sens avec une certaine cohésion, un excellent cru de leur part.

cglaume

cglaume le 19/10/2018 à 13:57:49

C'est ça :D

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