Gorod - A Maze of Recycled Creeds

Chronique CD album (46:17)

chronique Gorod - A Maze of Recycled Creeds

« Aïe aïe aïe, t’as vu? Non seulement Gorod change de batteur, mais en plus il adopte un nouveau logo. Et comme si ça ne suffisait pas à nous coller de grosses sueurs froides, la nouvelle couv’ fait dans le Noir & Blanc dépressif et la théâtralité occulte... Pitié-doigts-croisés: faites qu’ils ne nous pondent pas un album de post-black/doom! »

 

Et puis quoi encore? Bordeaux – cité dans les vignes de laquelle la muse du groupe batifole et s’enivre – est un lieu où l’on sait vivre. Le soleil y brille, les tanins y sont soyeux, la chère y est bonne et la chair y est tendre Comment voulez-vous que Mathieu, Barby et les autres se mettent au Metal dépressif dans ces conditions? Mais vous avez raison: c’est vrai que les premiers pas effectués au sein de A Maze of Recycled Creeds, sur l’intro « Air de l'Ordre » (tiens: du français?), peuvent dérouter. C’est qu’on n’avait pas l’habitude d'une mise en bouche aussi décalée! Imaginez: une salle de spectacle pleine de chuchotements sert d’écrin à un récital pour piano tout ce qu’il y a de plus Bon Chic Bon Genre…

 

Gné?

 

Mais le riche et complexe canevas de « Temple to the Art-God » (oui oui, avec le fameux « God », terme-fil rouge déroulé sur chaque album depuis Leading Vision) rassure immédiatement: enchevêtrement haletant de plans ciselés au scalpel-laser, courses-poursuites guitaristiques façon Fast’n’Furious de la 6 cordes, bourrasques à gauche et contre-rafales à droite, scintillements mélodiques multidirectionnels: on papillonne joyeusement en terrain connu! Et non: Karol Diers n’est pas moins compétent que Sam. Et re-non: Julien ne profite pas de la légitimité que lui confèrent ses 5 ans au sein du groupe pour réorienter la musique de celui-ci vers toujours plus de chant clair, de hurlements éraillés et d’extras peu compatibles avec les attentes des fans de Death intransigeants. Ou pour être plus exact: si si, le chant devient de plus en plus varié sur les titres de ce 5e album. Sauf que le ratio [coreries / growl velu] évolue plutôt en faveur du second.

 

Maintenant, bien que j’en ai un peu honte ** regarde ses pieds en prenant un air tout penaud **, je dois avouer que lors de la première demi-douzaine d’écoutes – certes peu attentives – de l’album, bien que prenant la mesure de la débauche de technique, de mélodies bondissantes, d’attaques virulentes et de grosse artillerie saccadée, je ne suis pas vraiment arrivé à rentrer dedans. Je me suis même demandé un temps si le raffinement technique et les broderies mélodiques typiques de l’écriture de Mathieu n’étaient pas devenus un langage automatique permettant à celui-ci d'écrire de beaux discours métalliques sans pour autant réussir à composer de vrais tubes.

 

Cglaume, homme de peu de foi…

 

Pour ma défense, il faut dire que face à une telle somme d’informations, et malgré l'abondance de ces majestueuses mélodies, comprendre véritablement ce qui se passe sur cet album, ça se mérite!

 

Heureusement, la lumière tomba rapidement sur mes oreilles de brebis égarée pour me montrer le chemin. Et bordel qu'une fois de plus celui-ci est lumineux! On y retrouve les éléments habituels et ô combien chéris: leads mélodieux, twins harmonisées, groove éléphantesque, vitesse d’exécution, pluies de saccades évoluant aux limites du royaume Decapitatedo-Meshugguien (les tech-geeks allergiques au Modern Metal trouveront peut-être ici un pont leur permettant d’aller vers les mondes du Djent et de la Klonosphere). Puis, sur le premier diamant brut intitulé « Celestial Nature », on tombe sur des accents Brutal Death épique évoquant Kronos, voire Nile, tandis que sur « Syncretic Delirium » la sécheresse et la violence de certaines attaques peuvent rappeler Deicide. On plonge ensuite dans « Inner Alchemy » afin de se prendre une méga-baffe sur la déflagration sprintée qui souffle la mort à 4:09, avant de réémerger à l'occasion d’une 2e merveille absolue, « The Mystic Triad of Artistry », qui ne fait dès lors plus que précéder une longue file de ses pairs…

 

Mais il serait peu fair-play de finir sur cette ellipse et de vous laisser combler par l'imagination les non-dits tapis dans les points de suspension précédents. Continuons-donc à égrainer la liste des merveilles que vous réserve encore A Maze of Recycled Creeds, en embrayant tout d'abord sur la doublette « An Order to Reclaim » (oui, doublette, car le groupe en propose carrément 2 déclinaisons) pleine d’un groove insolent, la 1e version bénéficiant d’une entame « funky » fiévreuse tandis que sa jumelle conclut l’album sur des au-revoir bluesy du meilleur goût. Puis on continue avec l'improbable duo « From Passion to Holiness » / « Rejoice Your Soul », qui renvoie à la paire « Carved In The Wind » / « Varangian Paradise » (cf. A Perfect Absolution) de par cette propension à expérimenter aux limites du cadre tout en proposant les morceaux les plus marquants de l’album. « From Passion to Holiness » frappe plus particulièrement par son côté Funk ensoleillé et cette décontraction communicative qui donne l’impression que le titre a été composé en été, à la fraîche. Assumant jusqu’au bout sa Cool Attitude, le titre se termine en intégrant dans son cours le thème d’« Amicalement Vôtre »… On hallucine à la première écoute, et puis on en devient complètement accro! Du côté de « Rejoice Your Soul », en dehors d’un petit passage laissant sporadiquement la place à un orgue de Barbarie (? Mais si, vers 0:59), la touche en plus réside dans un groove encore plus sismique qu’à l’accoutumée, lorgnant notamment du côté de Trepalium (à 1:46, un peu comme sur « Hidden Genocide » et « Neuronal Disorder State » avant lui), le côté Snap-Your-Fingaz atteignant des sommets sur la 2e partie du morceau. Enfin c’est « Syncretic Delirium » qui propose un "dernier" moment d’anthologie, quand, vers 3:06, après une pause sous les étoiles, un scintillement indistinct commence à poindre, avant d'éclore bientôt en un pur trait de génie guitaristique fourmillant.

 

... En gros, si vous êtes à la recherche de délicieux frissons induits par une musique habitée et transcendante, eh bien vous allez être servis les loulous!

 

Donc oui, Gorod joue plus que jamais du « Château Margaux Death Metal »: à la fois souple, subtile et puissant, vieillissant avec panache, renommé et respecté à l’étranger – et, donc, bordelais – le groupe est la meilleure retranscription métallique qui puisse être des Grands Crus de sa région. A un tel point que, pour l’indécrottable altermondialiste bouffeur de drapeaux que je suis, il n’y a sans doute que le bon vin et Gorod qui me permettent de ressentir ce que cela peut faire d’être « fier d’être français »!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: Pour la 5e fois de suite – et malgré quelques changements « de surface » (batteur, logo…) –  Gorod réitère l’exploit de proposer un death mélo-technico-groovy à forte personnalité, réussissant à se renouveler sans déboussoler, et à remplir son réservoir à tubes de quelques poignées de nouvelles merveilles. Et une nouvelle entrée dans le Top 10 2015, une!

 

 

 

 

 

photo de Cglaume
le 24/08/2015

4 COMMENTAIRES

guilemaigre

guilemaigre le 24/08/2015 à 20:55:58

Bordel qu'est-ce que ça me donne l'eau à la bouche, heu aux oreilles je veux dire.
J'ai hâte de mètre les mains dessus.
btw super critique, très imagée, un plaisir à lire.

cglaume

cglaume le 24/08/2015 à 23:56:04

St Maclou very much. Tu vas te régaler quand tu mettras enfin les mains dessus ;)

S1phonique

S1phonique le 10/09/2015 à 13:02:57

Comment tu sous-notes zaaaaaarmaaaaa ! ! ! ! !

cglaume

cglaume le 10/09/2015 à 13:58:15

** regard étonné de vieille institutrice lancé par dessus d'épais verres correcteurs **

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