Gorod - The Orb

Chronique CD album (42:04)

chronique Gorod - The Orb

« Les tueurs de Top de fin d’année ». Voilà comment on pourrait sobriquer (ce verbe devrait avoir le droit d’exister) le groupe Gorod. Parce que c’est systématique : un nouvel album = une place squattée d’office dans le fameux Top. Et pas dans le bas, mon Général !

Ils ne sont pas nombreux les groupes qui réussissent ce genre d’exploits. Habituellement, à un moment donné (le 4e album est un bon candidat), une certaine lassitude commence à poindre. Alors certes, les relations restent bonnes, les vibes positives, les échanges cordiaux : mais comme dans un vieux couple, une tendresse profonde mais un peu tiède finit par remplacer la brûlante fougue charnelle des premières années (… allez allez, ne me racontez pas de salades).

 

Je mentirais donc si je disais que le choc provoqué par The Orb est comparable à celui datant de ma découverte de Leading Vision : difficile en 2023 de se dire encore « Mais qu’est-ce que c’est que ce truc de dingue ?? Mais qui sont ces gens ?? ». On le sait, dorénavant, que le Tech-Death des Bordelais est exceptionnel, on s’est habitué au prodigieux. C’est là le lot des premiers de la classe : leur marge de manœuvre est trop restreinte pour qu'ils puissent provoquer encore des palpitations chez les proches auxquels ils dévoilent un bulletin scolaire pourtant exemplaire.

 

Oui mais voilà : le bulletin discographique de mars 2023 est à nouveau rempli de notes himalayennes, les appréciations sont cette fois encore unanimement élogieuses, et la concurrence toujours à la traîne. Car on a beau s’y attendre, on se prend toujours en plein cœur ces riffs taillés dans le diamant, ces courbes mélodiques girondes, ces tappings en mode twin qui sont comme autant de vortex lumineusement ascendants aspirant nos âmes pour les conduire en ces lieux divins où seule la musique habitée peut mener l’être humain. J’ai déjà dû le mentionner en ces colonnes par le passéparce que sur CoreAndCo, on n'hésite pas à se mettre à nu– , mais je trouve que cette anecdote « cuisine interne » est parlante, alors laissez-moi renouveler l’exercice : pour préparer les chroniques, je griffonne en long et en large sur un carnet, le casque vissé sur les oreilles. Quand un passage d’un morceau s'avère plus particulièrement goûtu, de gros points d’exclamation se mettent à fleurir dans la marge, en vis-à-vis dudit morceau. Ce genre de ponctuation est habituellement assez rare, car réservée aux vrais moments d’exception. Eh bien, devine quoi : les pages consacrées à The Orb contiennent pléthore de ces marques d’enthousiasme passionnées, chaque morceau apportant sa pierre à l’édifice.

 

Profitons de cette perche tendue par le chroniqueur du paragraphe d’avant à celui du paragraphe d’après (« Schizophrène »… Et alors ?) : évidemment, certains morceaux sont bordés d’une marge plus noircie que leurs consœurs par ce genre de profusion exclamative, les pages concernées commençant sérieusement à ressembler aux bulles bavardes d’un tome d'Achille Talon. Le premier de ceux-ci est « We Are The Sun Gods » : acupuncture guitaristique en guise d’introduction, flot mélodique puissant et continu, et ce passage, vers 2:18, éminemment latin, où pulsation de basse et tapping 6-cordes viennent s’embrasser pour embraser notre sombre quotidien. On plane tout là-haut, porté par le groupe, au firmament de l’excellence musicale. Le morceau-titre, qui démarre dans les sonorités synthétiques de la banlieue sombre d’une mégalopole futuriste, s’en va bientôt nous écraser d’un groove imparable, jovial, musclé, décontracté, comme Trepalium a l'habitude de le pratiquer – les fans de « Rejoice Your Soul », « Hidden Genocide » et « Neuronal Disorder State » y trouveront une fois de plus leur bonheur. « Breeding Silence », de son côté, fait monter la pression jusqu’à un bouquet final de plus de deux grosses minutes culminant sur une floraison tappinguesque de toute beauté, qui mourra bientôt dans un doux écho irréel.

 

… Ouch ! Si l'on n'y prend garde, l’exercice chroniquatoire commencé ci-dessus peut vite s’avérer indigeste, et d’autant plus lourd qu’il prétend célébrer une musique à la majesté et la légèreté sans pareilles.

 

Pour décoller un peu le nez du cul des compos, indiquons que l’album reste dans cette voie plus progressive où Æthra s’était engagé, sans toutefois accentuer le trait, bien au contraire : l’entame brutalement frontale de « Chrematheism », les méandres sulfureux de « Waltz of Shades » (qui rappellent Solekhan et, forcément, Morbid Angel), la fougue de « Victory », l’impatience Thrash de « Scale of Sorows » rappellent avec à propos que The Orb n’est pas là pour accompagner les parties de Scrabble. Car les Bordelais continuent d’exceller dans les grands écarts : brutal et sophistiqué, complexe mais limpide, fulgurant tout en pouvant s’avérer presque dansant parfois, on trouve ici de quoi ravir autant les fans de dentelles que les fondus de Cyber Grind. Preuve ultime du génie des gaillards, l’album se termine sur « Strange Days », une reprise des Doors qui ne pourrait être plus réussie. Respectant à la lettre l’esprit de l’original, ce morceau est pourtant du pur Gorod, profond, luxuriant, affolant… Si un exemple ultime de ce qu’est une cover réussie devait être utilisé au cours des enseignements dispensés dans les Conservatoires, ce serait lui.

 

Sept albums, sept monuments. Une discographie exemplaire, bâtie le long de vingt-six années à grimper un à un tous les échelons, à la seule force du talent. Pour se retrouver au final dans le petit carré de l’élite Tech-Death, admirés de tous. Et pourtant le groupe n’a ni la grosse tête… Ni label ?!? Alors certes, aujourd’hui ce genre de structure n’est plus incontournable… mais sérieusement ?? Le bon côté, c’est que l’ensemble de pépettes que vous mettrez dans ce nouvel album reviendra au groupe : alors privilégiez les circuits courts et allez remplir votre petit panier sur Bandcamp, ou chez SoM.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: The Orb est une septième démonstration de toute puissance et d’infaillibilité. Hautement technique, plein de feeling, richement mélodique, manifestant un groove sensuel tout en étant capable des détours du Prog comme des déferlantes du Death le plus brutal, Gorod survole la scène Tech/Prog Death à des altitudes qui le rendent inatteignable, et nous émerveille, une fois de plus. Dieu qu’il est doux de rabâcher ce genre de vérité à chaque sortie !

 

 

photo de Cglaume
le 30/03/2023

15 COMMENTAIRES

Tookie

Tookie le 30/03/2023 à 07:53:02

J'aime la chronique autant que l'album : non seulement parce que c'est, comme d'hab très bien écrit, mais c'est en plus un parfait résumé de ma pensée.
[...] "brutal et sophistiqué, complexe mais limpide" : il n'y a pas meilleure définition !

cglaume

cglaume le 30/03/2023 à 07:56:27

Merci Tookie !!

8oris

8oris le 30/03/2023 à 11:41:50

Superbe chronique ("acuponcture guitaristique"... mais que c'est beau) et superbe album.
Et je rejoins Tookie sur la définition parfaite que tu donnes du style du groupe!

cglaume

cglaume le 30/03/2023 à 12:36:11

🥰🥰
C’est moi ou on a tendance à souvent se sucer les uns les autres sur ce webzine haha 😂 ? (… et c’est pas désagréable, hein, comme quoi partager sa passion sur le web ouvre des perspectives insoupçonnées 😁😁)

Xuaterc

Xuaterc le 30/03/2023 à 13:58:43

Il va falloir que je dise du mal pour rétablir l'équilibre cosmique?

cglaume

cglaume le 30/03/2023 à 16:03:25

Vas-y vas-y, ça manque 😁

Seisachtheion

Seisachtheion le 30/03/2023 à 16:15:52

Quel plaisir ai-je eu de les booker pour la Seisach' Metal Night 3, en compagnie de Loudblast et Exocrine ! Polytalentueux et adorables, TOUS.
Et ce cover des Doors... Je ne m'en remets toujours pas...

cglaume

cglaume le 30/03/2023 à 16:51:12

Ça devait être une sacrée date ❤️❤️

Xuaterc

Xuaterc le 30/03/2023 à 16:59:25

"Vas-y vas-y, ça manque", je ne peux pas en fait...
"Ça devait être une sacrée date" je confirme. Et en plus il y avait Héboïdophrénie... j'ai réussi à l'écrire sans bégayer!

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 30/03/2023 à 17:07:25

"C’est moi ou on a tendance à souvent se sucer les uns les autres sur ce webzine haha".

La chronique est imbuvable et le groupe imbitable. Ai-je rétabli la balance dans un simple but éthique ?

cglaume

cglaume le 30/03/2023 à 17:16:15

Cromy forever 🤘

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 30/03/2023 à 17:27:48

Désolé, j'étais sur les méga-bassines, du coup j'ai continué en mode "boule de pétanque".

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 01/04/2023 à 20:46:16

Vanne à part, je vais tester.

cglaume

cglaume le 01/04/2023 à 22:16:02

Je sens que ça va être trop propre pour toi…

Black Comedon

Black Comedon le 25/04/2023 à 10:16:00

Superbe album, très technique mais ça ne s'entend pas tant que ça parce que cette dernière n'est pas un but en soi. C'est beau, c'est fort, vivement le mois juin pour les voir ces gaillards

AJOUTER UN COMMENTAIRE

anonyme


évènements

HASARDandCO

Ta Gueule - Surpuissant
Bâton Rouge - Totem