Skindred - Interview du 18/06/2017

Il y a 4 ans de cela, vous vous produisiez déjà au Hellfest. Depuis cette époque le festival a pas mal évolué : quel regard portez-vous sur ces changements ?

Arya Goggin : En fait on est ici depuis seulement 10 minutes * rires *. On vous a rejoints immédiatement après être arrivés sur le site. Alors forcément, on n'a que tout juste eu le temps de jeter un coup d’œil superficiel au lieu où l’on se trouve à présent… Ça fait un peu court pour comparer ! * rires * Il y  a 4 ans on jouait tôt le matin, sur la Main Stage. On était en quelques sorte les « Amis du petit-déjeuner » * rires *. Ce coup-ci on est les « Amis du déjeuner ». C’est mieux  * rires *

Mikey Demus : J’espère que la prochaine fois on sera les « Amis du dîner »  * rires *

Arya Goggin : De ce point de vue il nous semble que le festival évolue plutôt dans la bonne direction * rires *

Volume est déjà votre 6^e album. Vous continuez à évoluer, tout en maintenant plus ou moins ce mélange des genres qui vous caractérise, sans que l’un ou l’autre des styles pratiqués – Metal, Punk, Reggae…  –  ne prenne le pas sur un autre et ne modifie votre personnalité. Comment arrivez-vous à conserver cet équilibre, cette « griffe » particulière ? Est-ce juste parce que la musique vous sort ainsi des tripes ? Ou est-ce parce que vous avez une façon de composer relativement « stricte » ?

Arya Goggin : Non elle n’est pas particulièrement stricte. C’est plus comme tu disais : quelque-chose qui nous vient des tripes. Et puis le truc, c’est quand même la voix de Benji. Ses tirades Reggae, ses cris : quand il pose sa voix par-dessus la musique, quel que soit le matériau de base, ça devient du Skindred. Que ce soit un morceau Reggae acoustique ou un morceau bien Metal, dès lors qu’il se met à chanter, on se retrouve avec du pur Skindred.

Mikey Demus : C’est sûr à chaque album on essaie de faire mieux que le précédent. D’un côté on essaie de garder en tête ce que les fans ont envie d’entendre, mais de l’autre on a envie de repousser un peu les frontières de ce que l’on a fait jusque-là. La chance c’est que, grâce à Benji, on a toujours le confort de se dire qu’au final, tout ça va sonner comme du Skindred.

Arya Goggin : avec Volume on s’est consciemment lancés dans la composition d’un album très axé sur les gros riffs, en retournant à la formule « 4 mecs dans une pièce qui balancent la purée ». Kill The Power était plus un album orienté « grosse prod’ ». Et sur le prochain, je pense qu’on va encore changer un peu notre approche.

Parfait, ça nous amène naturellement à la question suivante : cela fait déjà 2 ans que le dernier album est sorti… Vous avez déjà commencé à travailler sur la suite ?

Les 2 : oui !

Mikey Demus : on commence en effet.

Arya Goggin : on a toujours des bouts d’idées, du matos rangé consciencieusement sous un mouchoir, dans notre poche arrière.

Et cette poche, elle est bien remplie ? 

Oh oui, elle contient tout un énorme bordel ! * rires *

Vous avez participé au Rock Am Ring il y a quelques semaines de cela. Vous avez eu la chance de pouvoir assurer votre set, juste avant que le festival ne soit stoppé pour cause de menaces terroristes…

Arya Goggin : En effet, oui. Ce soir-là la tête d’affiche était Rammstein. Ils ont tout arrêté vers 21h, vidé la totalité du site. Tous les groupes et les équipes techniques ont été évacués en bus.

Décidément! En Grande-Bretagne vous aviez déjà eu droit à 2 attaques peu de temps auparavant…

Les 2 : oui, en effet.

En France on a également eu notre lot, avec entre autre l’épisode du concert des Eagles of Death Metal… Est-ce que tout ça vous affecte en tant qu’artistes ?

Arya Goggin : bien sûr. Ça nous affecte tous, et en premier lieu en tant qu’êtres humains. Alors évidemment, dans notre cas, comme on est amenés à voyager dans de nombreux endroits différents, ça nous rend tout particulièrement sensibles au problème. Chaque déplacement dans un endroit nouveau, c’est à la fois l’excitation de la découverte, mais un peu d’appréhension aussi, notamment depuis ces fameux attentats de Paris qui ciblaient tout particulièrement la sphère Rock. Mais tu vois, personnellement je vis à Londres… Alors si ça doit arriver, de toutes façons je suis déjà aux premières loges. Ça ne nous empêche pas de sortir, on n’a pas tout le temps ça en tête.

Pour rester dans les news brûlantes : quel est votre avis sur le Brexit ?

Les 2 : ça craint !

Arya Goggin : j’ai voté contre !

Ça va vous affecter directement ?

Les 2 : dans le futur oui, c’est sûr.

Arya Goggin : évidemment, dans l’immédiat non. Je ne pense pas que quiconque soit encore vraiment impacté. Mais ça ne peut que rendre la Livre sterling plus faible. Je ne sais pas encore vraiment dans quelle mesure ça va rendre les déplacements en Europe plus difficiles pour un groupe comme Skindred… En tous cas actuellement on se retrouve avec un Premier Ministre qui a perdu sa majorité et qui ne nous représente donc plus vraiment…

Mikey Demus : c’est vraiment merdique. Aucun de nous n’est heureux de cette situation. A vrai dire on ne connait pas une seule personne qui soit heureuse de la situation actuelle. Le pays se retrouve complètement divisé… D’ailleurs il n’y a plus que ça dans les news, jour après jour.

Arya Goggin : n'empêche, ça me fait penser: tu sais, quand tu regardes en arrière, les 70s, la vague Punk, les compositeurs de l’époque, toute cette énergie, tout ce sang neuf... Eh bien je pense que dans 10-20 ans, quand on considérera la période actuelle en Grande Bretagne, ce sera un peu la même chose. Je pense que plein de nouveaux groupes, de nouvelles musiques vont émerger de cette période troublée. Du coup, finalement, ça pourrait être une bonne chose ! La musique se nourrit aussi du malheur quelque part…

Allez, retour à des questions plus directement orientées Musique. Si des fans de Meshuggah ont envie de prolonger l’expérience que procure la musique de leur groupe préféré, ils disposent de toute la scène Djent pour tenter de trouver de croustillantes nouveautés. Pour les fans de Skindred par contre, la situation est plus difficile. Auriez-vous des conseils pour ceux-ci, des groupes à leur conseiller ?

Le problème avec Skindred, c’est que notre musique est si diverse qu’on ne sait même pas vraiment quel est le profil exact de nos fans – s’il y en a un – ni, en conséquence, ce qu’ils attendent. Tu vois là on joue au Hellfest, où on met en avant notre matériel le plus Heavy. Mais parfois on joue dans des festivals de Pop. Et selon l’endroit ce n’est pas vraiment le même genre de fans que l’on rencontre…

Vous n’avez jamais vraiment croisé la route d’un groupe avec lequel vous vous sentiez particulièrement en phase ? (* Rorschach profite de l’occasion pour passer au groupe un promo du dernier album de 6:33 : « Tiens, en voilà un justement qui devrait convenir » *)

Alors… Creeper, un groupe de chez nous qui tourne en ce moment même. Baroness aussi, que j’ai vu il y a encore quelques jours : ils sont géniaux !

Mikey Demus : Gojira également.

Arya Goggin : oui bien sûr !

On ne peut pas vraiment dire qu’ils pratiquent un mélange des genres qui les rapprocheraient de ce que vous-mêmes faites…

En effet, mais ce qu’ils font est excellent et leurs albums sont géniaux.

(* Rorschach « prend le micro » *) Cette diversité, c’est vraiment un gros avantage : comme vous le disiez, vous pouvez jouer dans des festivals Punk, Rock, Reggae, Metal. Et de plus en plus de personnes sont intéressées par ce genre de métissages. En France on le voit également avec des groupes comme…

(* cglaume *) 6:33 ?

(* Rorschach *) Mon groupe, oui !

Mikey Demus : * regardant de plus près le promo de 6:33 * C’est ton groupe ?

(* Rorschach *) Oui. Je vais vous en donner un exemplaire. * rires *. Pour l’anecdote, la dernière fois où vous êtes passés je ne vous connaissais pas encore. Je me suis levé tôt, j’ai assisté au show… Et j’ai adoré !

Les 2 : Excellent ! Merci !

(* Rorschach *) C’est pourquoi je tiens à vous passer un promo. Car nous sommes également de ces groupes qui mélangent les genres. Vous verrez c’est un peu dans le genre Faith No More / Mr Bungle / Devin Townsend.

Arya Goggin : Cool ! Et tu chantes, c’est ça ?

(* Rorschach *) C’est ça. Et pour en revenir au sujet, en effet, c’est le même phénomène pour nous : ce mélange nous a permis de jouer dans des fest’ typés Death / Doom, dans d’autres ouvertement Prog… C’est ce qui est fantastique : tout le monde peut trouver quelque-chose qui va lui parler dans ce genre de musique plurielle…

Arya Goggin : en plus c’est clair qu’il y a plus d’opportunités de toucher du monde à présent, avec Internet, le streaming... Dès l’arrivée de Wikipedia d’ailleurs, je me souviens : on allait sur la page d’un groupe connu et de là on pouvait naviguer vers la page d’autres groupes, référencés d’une manière ou d’une autre, que ce soit par l’appartenance de l’un des membres ou du fait d’une affinité stylistique. Et de fil en aiguille on en arrivait à écouter des choses complètement différentes de ce à partir de quoi on avait démarré la recherche. C’est pareil avec Spotify de nos jours, tu navigues de groupes en groupes, ça devient de plus en plus naturel, et ça change vraiment la donne ! Et dans le bon sens.

Si vous deviez tenter de convaincre quelqu’un qui pense que le Metal ne fait pas bon ménage avec les autres styles de musique, lequel de vos titres utiliseriez-vous pour que cette tête de nœud changer d’avis ?

Parmi nos titres ? Ouawh… Je dirais peut-être « Kill The Power ».

Mikey Demus : « Sound The Siren ».

Arya Goggin : oui, si on ne prend que le dernier album, en effet, « Sound The Siren ». « Pressure » devrait également être efficace dans ce rôle. « Warning » aussi. Mais ça commence à en faire beaucoup là * rire * Je pourrais dérouler la tracklist de tous les albums en fait * rire *

J’ai découvert tout récemment qu’il existe une version « deluxe » de Volume qui contient un gros documentaire constitué à partir de nombreuses heures de vidéos réalisées en marge de vos concerts et enregistrements. Sera-t-il possible pour les malheureux qui n’ont pas cette version d’accéder à une version en ligne du documentaire ?

Arya Goggin : en effet, on a en projet de sortir ce documentaire seul sur un support Blu-Ray ou DVD. Mais on a tenu à commencer à le diffuser ainsi pour adresser un MERCI tout particulier aux fans qui ont pré-commandé l’album, histoire que le petit plus dont ils bénéficient ne résident pas uniquement dans le fait de recevoir l’album un peu plus tôt que les autres. On a de vrais « hardcore fans », et on trouve qu’on leur devait quelque-chose comme ça.

Cglaume

le 27/11/2017