Hemlyn - Fazeaa

Chronique CD album (59:01)

chronique Hemlyn - Fazeaa

A moins que vous n'ayez qu'à sauter dans le TGM pour aller vous dorer la pilule à Sidi Bou Saïd, il y a peu de chance que vous connaissiez une pléthore de groupes de Metal tunisiens. Alors évidemment il y a Myrath, qui est un peu au berceau de la révolution de jasmin ce que Vader est à la Pologne ou Sepultura au Brésil. Sur CoreAndCo par le passé on a également eu l’occasion de vous parler de la musique Necrophagistienne de Vomit The Hate. Mais en dehors de ces quelques exceptions, walou! Pas d’équivalent tunisien à Arkan, aux Franco-Algériens d'Acyl ou au Khalas palestinien. Enfin ça c’était le discours d’avant Hemlyn. Non, pas « Hemlyn » comme dans « Émelyne Thovas »: C’est Mon Choix c’est naze. « Hemlyn » comme « les âmes errantes », ce qui est quand même bien plus classe.

 

Allez rapido je vous fais le topo bio: de retour à Tunis après des études musicales à Paris et Los Angeles, Ali Jaziri se met en tête de mêler – entre autres – Rock et musiques soufis au sein d’une formation bien à lui qui ferait se croiser guitares saturées, piano, violoncelle, batterie, luth et darbouka. Fazeaa (« Etat de Crise »), premier album sorti l'année dernière qui a eu la bonne idée de traverser la Méditerranée jusqu’en nos domiciles fraîchement déconfinés pour agrémenter le jambon beurre quotidien de délicieux falafels, est la concrétisation de cette démarche.

 

Soyons brutalement honnête: mes premières écoutes de l’album ont été décevantes. Parce que j’attendais un peu trop les percus enflammées d’Acyl, l’Orient festif de Khalas, ainsi que des escouades de muezzins s’époumonant sur fond de guitares qui rugissent et d’une batterie qui pilonne. Alors qu’Hemlyn est plutôt du genre à verser une grosse louche de Rock dans son Metal (ce qui, forcément, émousse) et – plutôt que d’abuser des youyous joyeux et des nombrils qui se trémoussent – à avoir le velours sombre, le cœur lourd et le sourcil broussailleux. Le violoncelle contribue pour partie à cette coloration, tout comme les nombreux débuts de morceaux qui ne décollent que très doucement, ces caresses électro-acoustiques émettant une lumière plus proche de la flamme de bougie vacillante que d’un soleil brûlant. « Hejran » comme « Lemta » illustrent bien ce visage du groupe, soie tendue et rayons de lune, traces de sandales nocturnes dans les dunes. C'est doux, reposant, porteur d'un spleen sensuel et épicé... Mais un poil mou pour un lapin fan de Zouk / Thrash bondissant! Pourtant, grâce à des clairs obscurs habilement dosés, à des pointes d'intensité judicieusement disséminées et à des mélodies finement troussées, le groupe réussit à convaincre l'auditeur rétif. Sur « Dommar » par exemple, si les yeux ont d'abord tendance à s'embuer à l'évocation d'une enfance blessée, la barre se redresse bientôt, le morceau abandonnant progressivement les glandes lacrymales pour s'adresser plus directement aux tripes. Et le menton de se redresser alors, jusqu'à ce que la fierté explose à nouveau sur fond de percus énergiques. A la fin de « Ou7ebou Biledi » – ça ne vous dérange pas qu'on continue la visite? – le pas à beau être résigné, cela n'empêche pas la rythmique d'appuyer lentement mais sûrement sur les zones molles du palpitant, celle-ci étant secondé dans ce massage cardiaque par une narration intelligemment dramatique.

 

Mais Fazeaa ne fait pas que roucouler joliment sous les palmiers. Sur l'hymne éponyme par exemple, même si les trémolos affleurent parfois, le regarde porte bien plus loin, l'énergie ré-afflue, la rage est moins contenue. « Ena Lemdalel » bâtit sur le collectif, investit sur la composante ethnique tout en ressortant les guitares de leurs étuis, et s'appuie sur des chœurs et des percussions enlevées – on retrouve d'ailleurs pour l'occasion un petit côté Acyl pas désagréable. Quant à « A7wel », qui s'ouvre avec un faste délicieusement langoureux rappelant Orphaned Land, il met en branle une procession certes tout d'abord mélancolique mais belle, celle-ci marquant le point de départ d'une longue montée en puissance qui va déboucher sur 2 minutes finales d'un trip divin ou d'élégantes saccades métalliques et des twins délicieusement mélodiques se mêlent aux percussions locales – ainsi qu'à un boucle Electro que l'on distingue à peine – pour culminer dans un apothéose de plaisir auditif.

 

Alors non, ce premier album d'Hemlyn n'est pas du genre à convaincre avec les arguments clinquants de titres à la « All Is One ». Il ne promet pas non plus de fêtes au soleil, d'abricots au miel ni de boukha en open bar. Fazeaa est plus sombre, plus grave, plus délicat que ce à quoi pourraient s'attendre les fans de « Djerba Fiesta Metal ». Mais il est étonnamment mûr pour un premier album, fin, juste, plein de feeling, et au final séduisant. Si la note attribuée reste un peu frileuse, c'est que le vil chroniqueur à poils jaune préfère le Metal plus frontal, et les rires francs aux larmes furtives. Mais les esthètes délicats amateurs de climats méditerranéens devraient trouver ici leur nouveau chouchou.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: ce n'est pas parce qu'on vit au sud de la Méditerranée qu'on ne peut pas pratiquer un Metal délicat et plein d'un spleen délicieux. C'est du moins ce qu'Hemlyn affirme avec force sur Fazeaa, premier album remarquablement mûr qui place les percussions et les chœurs d'Acyl au beau milieu des morceaux les plus mélancoliques d'Ophaned Land.

photo de Cglaume
le 05/06/2020

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