Herod - Iconoclast
Chronique CD album (50:37)

- Style
Post-Meshugcore - Label(s)
Pelagic Records - Date de sortie
1 mai 2023 - écouter via bandcamp
Pour être honnête, bien qu'amateur, je n’écoute pas très souvent Meshuggah. Car pour ce faire il faut être dans un certain état d’esprit, ce genre d’état d’esprit grâce auquel il devient possible de prendre du plaisir à s’enfoncer des objets pointus dans des parties sensibles… Et perso, la plupart du temps j’ai plutôt envie soit de fièvredusamedisoiriser sur du Nawak Metal qui move du boule, soit de balancer une pluie de Little Boys sur la Connards & Trouducs Inc. depuis un Enola Gay Death ou Thrash Metal. Mais il se trouve que récemment je me suis repassé Koloss. Et les picotements auriculaires se sont avérés une nouvelle fois tout à fait délicieux. C’est donc assez logiquement que, lorsqu’il m’a été proposé de chroniquer le nouvel album d’Herod, j’ai eu envie de prolonger ce genre de bonnes – quoiqu’un brin masochistes – vibes.
« Logiquement » écrivais-je ci-dessus, oui. Pas parce que « le Koloss d’Herod », non non amis calembourgeois. Mais parce que la musique des Suisses fait plus que transpirer la meshuggolâtrie : elle en inonde l’auditeur tel l’incontinent généreux bénissant le golden shower-addict. Quoique derrière cet apparent monothéisme musical, Herod s'avère plutôt du genre poly- : ainsi Pierre Carroz – guitare & basse – avoue-t-il vouer un culte aussi bien aux premiers albums des Thordendal Angels qu’à ceux de The Dillinger Escape Plan et Cult of Luna. Sur Iconoclast, leur 3e album, vous êtes donc prévenus : on n’est pas trop dans les registres Pop ouatée ou Easy Listening loungy. Car les guitares cisaillent, grondent, louvoient, sectionnent, quand elles ne confectionnent pas du sushi de tympan au marteau-piqueur. De son côté la rythmique hésite, esquive, oscille, pour finalement assommer. Niveau chant, Michael a tout autant de barbelé core dans sa gorge que Jens Kidman, et une brouette de pastilles Vicks n’y changera rien. L’étau est colossal, le mouvement hypnotique, les mâchoires monumentales, le pilonnage impitoyable. C’est donc bien Meshu’ celui qui dicte principalement la marche à suivre, les trépidations Mathcore de Ben Weiman et ses boys étant ici nettement moins discernables que les mouvements de plaques tectoniques des Suédois. Pour ce qui est des pauses atmosphérico-Post des disciples de la lune, on en trouve bien, en effet… Mais on notera que ces vastes aérations, qui n’effacent en rien la lourdeur du propos, peuvent également évoquer les Landais de Gojira, notamment quand ceux-ci se mettaient en tête de faire voleter cachalots et bélougas dans la maison de Mars.
Mais continuons de nous éloigner un peu plus du QG des grands maîtres de la polyrythmie, car finalement, en y regardant de plus près, il devient évident qu’Herod connait d’autres manières de mettre les doigts dans la prise. Il sait même les en enlever pour les mettre en des endroits où ils peuvent à nouveau caresser. Ainsi, s’il n’est pas si difficile de naviguer à travers ce houleux océan décibélique, c’est que le groupe nous y ménage des tranches de groove aussi épaisses qu’accueillantes, mais également qu’il évite tout excès de contorsion purement exercice-de-stylesque. Et de temps à autres, le puissant golem redevient carrément humain, un peu de chant clair et d’oxygène permettant de retourner en des terres moins hostiles, sur le terrain de jeu de ces groupes qui, au début du millénaire, faisaient la fierté de la Klonosphere. Ainsi l’on croit voir Hacride par-ci (« The Girl with a Balloon »), Klone par-là (sur l’agréable « The Prophecy »)… Même si le chant clair en question n’est pas celui de Yann Ligner, mais plutôt celui de Loïc Rossetti, chanteur actuel de The Ocean, qui répond ici à son prédécesseur au même poste, le Michael déjà évoqué plus haut ayant joué les paléontologues derrière le micro de l’album Precambrian. Notez que la présence d’invités ne garantit pas forcément un niveau de moelleux plus marqué, la preuve la plus évidente en étant le caractère particulièrement épineux de « The Edifice », morceaux accueillant pour l'occasion Matt McGachy (… de Cryptopsy, ceci expliquant peut-être cela).
Mais il existe des pistes sur lesquelles la chappe métallique est moins lourde encore, et le contact moins abrasif. Sur l’interlude « The Intergloom » par exemple, dont le regard triste reste cependant perdu dans l’abîme. Et plus encore sur « The Ode to… », titre démarrant sur un sentier indiqué à coup sûr dans Le Guide du Routard Devintownsendien, ce même sentier étant bientôt emprunté par des chants féminins dont les trémolos eurorientaux (il s’agit des Mystères des Voix Bulgares) accompagnent idéalement l’inexorable déroulement d’un morceau finalement pas beaucoup plus débarrassé de ses bottes de plomb que ses potes de tracklist. Un vrai moment de grâce, rappelant un peu les folkeries atmo-djento-ukrainiennes de Sva Da Ra... on se demanderait presque ce qu’il fait là, à vrai dire.
Alors oui, le voyage est singulier, voire beau, voire captivant. Mais on en ressort surtout avec l’impression d’avoir écouté un album de Meshuggah un peu à part, un peu moins torturé que la moyenne, pas mal du tout au final, mais un album de Meshuggah quand même. Or il s’agit ici d’Herod, crénom. Si vous ne voulez rien d’autre que de nouvelles déclinaisons bien gaulées de la formule établie de longue date par Fredrik Thordendal, sautez sur cette superbe occase de remplir un peu plus le réservoir à doux frissons, car je le dis sincèrement : c’est très bien fait. Si par contre vous n’êtes pas un meshultra qui en veut toujours plus, et que vous cherchez un brin de personnalité quand vous croisez un nouveau nom (« nouveau » ou presque, puisqu’il s’agit d’un 3e album, et que R.Savary vous avait déjà parlé de They Were None en ces pages), il faudra aller toquer à une autre porte…
La chronique, version courte: Meshuggah, Meshuggah, Meshuggah. Avec, quand même, un peu de Klone old school parfois, du Gojira, et des « posteries » à la Cult of Luna. C’est à la fois grand, écrasant, plombant, hypnotisant – et groovy aussi, souvent, il faut leur reconnaître ça. On soulèvera un sourcil agréablement étonné sur l’OVNI délicatement Folk « The Ode to… ». Mais globalement ce 3e album d’Herod reste du Meshudoigts jusqu’au bout des ggah. Ce qui constitue tout son intérêt... et sa limite.
5 COMMENTAIRES
Pingouins le 19/06/2023 à 14:37:56
Ah je n'avais pas capté que le chanteur était le même que pour Precambrian (qui est de loin mon préféré de The Ocean).
Ici finalement, en plus de Meshug', j'y vois pas mal de Textures (Drawing Circles ou Silhouettes) mixé à de l'Hacride-rie.
Franchement je te trouve dur sur la note sur ce coup-là.
cglaume le 19/06/2023 à 14:45:24
Certes. Peut-être aurais-je dû laisser un autre faire la chronique. Pour autant les albums de Meshuggah / Textures & co me parlent en général. Et là j’étais dans la bonne dynamique pour…
Note quand même les nombreuses références que je fais à d’autres groupes. Et cette phrase : « Si vous ne voulez rien d’autre que de nouvelles déclinaisons bien gaulées de la formule établie de longue date par Fredrik Thordendal, sautez sur cette superbe occase de remplir un peu plus le réservoir à doux frissons, car je le dis sincèrement : c’est très bien fait. »
On fait plus dur je pense 😅😉
Moland le 19/06/2023 à 15:18:29
Au départ c'est moi qui devais me charger de cette chronique mais j'aime bien l'avis argumenté que Cyril livre ici.
cglaume le 19/06/2023 à 15:49:58
❤️
Tookie le 20/06/2023 à 05:53:08
Au départ je devais me charger de cette chronique également, et c'est amusant de constater qu'on n'entend pas les mêmes choses selon les affinités musicales de chacun : si Meshuggah fait clairement partie des influences, je donnais Cult of Luna en tête. Je lui trouve aussi un petit goût de Textures...en tout cas j'aurais été largement plus généreux.
Ce Herod est, je trouve, l'album phare d'un reboot du post-hardcoreà la The Ocean période Aeolian. D'ailleurs, j'aimerais avoir un réenregistrement de cet album avec un son de 2023, mais ça c'est un autre sujet.
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