Horns - Horns
Chronique CD album (61:45)

- Style
Nawak Big Band Metal - Label(s)
Autoproduction - Date de sortie
3 mars 2022 - écouter via bandcamp
Forcément, « Horns » veut dire « Cuivres » : un tel patronyme donne donc un avant-goût pas complètement déconnant de l’expérience que l’auditeur s’apprête à vivre en trempant ses oreilles dans cette pétillante décoction musicale. Mais seulement 5 petites lettres, sans dec', malgré tout ce qui se passe au cours de cette grosse heure ? Non, si ce projet roc[k]ambolesque avait voulu adopter un blaze reflétant fidèlement toute sa richesse, ses ambitions et ses effectifs, il aurait fallu opter pour The Simon Fache Swing’n’Grunt Big Band Extravaganza par exemple. Cette généreuse vitrine aurait suggéré plus explicitement les 13 cuivres, les hurlements de la guitare, ainsi que les cabrioles et grimaces effectuées par l'énergumène à l’origine de cette bulle d’oxygène dans l’actualité métallique, Simon Fache donc, lutin excentrique et sosie officieux d’un Devin Townsend encore chevelu.
Si, bien souvent, savoir que Raymond s’occupe du xylophone et Bérénice de la batterie n'apporte qu'un faible éclairage sur ce qui se passe au sein d’un disque, cette fois l’information s'avère beaucoup plus riche en enseignements. Jugez plutôt :
- Simon Fache, toujours lui, est donc l’un des concepteurs du projet. Virtuose pratiquant le piano, la trompette, l’accordéon, [… la liste est longue, quoique je n’y ai pas vu de didjeridoo …], il s’avère également arrangeur, humoriste, et pianiste attitré d’Arthur (dans son émission « Vendredi tout est permis »). Enlevez sa baguette magique à Éric Antoine, remplacez-la par une baguette de chef d’orchestre, et Bam, vous obtiendrez ledit Simon
- co-pilote et garant de la dimension Metôôôl de Horns, le groupe Dead Season est un habitué de nos colonnes qui a su séduire ceux de la rédac’ dont les oreilles se sont posées sur son Modern Prog/Thrash-et-plus-si-affinités. Participent donc à l’aventure les guitares de Guillaume Singer (ex-Ufych Sormeer, mes chouchous !) et Eerik Maurage (les âmes délicates connaissent sans doute Brutal Sphincter ?), la batterie de Grégoire Galichet (qui a participé à l’aventure « Gojira au Bénin » Djabah), la basse de Nicolas Sanson (ex-Hectic Patterns & Ufych Sormeer !) ainsi que les cordes vocales de Julien Jacquemond (élu meilleure doublure vocale d’Arno Strobl de ce côté de la planète)
- et puisqu’on évoquait à l’instant le zigoto, profitons-en pour préciser que le Sieur Strobl figure justement en guest sur l’album, histoire d’apporter sa gouaille à une reprise relativement fidèle de « Ashes To Ashes », le titre de Faith No More
Alors à moins que vous ayez les glandes nécrosées, ça doit commencer à saliver dans les chaumières, non ?
Vous devez commencer à deviner ce qui se trame ici : oui, Horns propose la rencontre d’un Big Band Jazz façon Duke Ellington / Glenn Miller – le crooner de service est fourni sans supplément – et d’un groupe de Metal hésitant entre déchaînements extrêmes et démonstrations Heavy / Thrash – dans un registre oscillant entre Nevermore et Into Eternity, dirons-nous –, ce mariage étant célébré par un officier de mairie particulièrement facétieux arborant le sourire goguenard et l’œil complice de Devin Townsend. Et les ingrédients étant ce qu’ils sont, vous ne serez qu’à peine étonnés si je vous apprends que, au détour d’un morceau, d’un riff ou d’un break, nos oreilles croient deviner un bout de Diablo Swing Orchestra, des miettes de Carnival in Coal, voire une pincée de Trollfest (sur le furieux collier de FOCK-FOCKIN’ FOCK qui décore « Inferno’s Usher »), ces groupes arborant pour l’occasion de rutilant smokings. (… et du Trepalium de Voodoo Moonshine alors, nulle trace ? Eh non, désolé José, bien que les univers ne soient pas incompatibles.)
Quand on s’amuse, on a envie de faire durer le plaisir… C’est pourquoi nos amis laissent l’horloge tourner pendant une grosse heure, et font côtoyer leurs propres compositions avec 5 reprises joyeusement cuivrées. Il y aurait matière à en tartiner des paragraphes, mais maintenant que vous savez quelle est la couleur dominante de l’album, on se contentera d’évoquer les plus Youpi de ces 15 pistes de danse. « Legal Adults » par exemple, morceau qui tonne et gronde avec le regard mauvais du groupe prenant possession de l’Altar (...à Clisson !), mais qui ménage un peu d'espace pour un solo de trompette parfaitement à sa place. Peu après « First Time In Infernal Paradise » réussit à se faire plus accrocheur encore, ceci grâce à un Thrash from Broadway à refrain plein de chœurs féminins – qu’on croirait presque du 6:33. Malgré un début indolent, « Insolvent » dispute à ce dernier le titre de meilleur morceau original, ce swing growlé et cet esprit Gospel éminemment jouissif en faisant un incontournable de la tracklist. Du côté des covers, vous avez sans doute déjà entendu l’énorme « Scream Scream Scream » qui semble tout droit venu de la Suède de Diablo Swing Orchestra... Alors qu’en fait pas du tout, puisqu'à l'origine il s’agit d’une œuvre signée Louis Prima… Si les reprises de Faith No More et Chicago sont tout à fait réussies, on retiendra plutôt l’incroyable version cabaret & paillettes du « Hell Patrol » de Judas Priest, ainsi que la relativement fidèle mais franchement bien vue nouvelle interprétation du « Kids in America » de Kim Wilde.
Bien qu'arrivé à ce stade il serait approprié de laisser la conclusion tomber comme une fleur, on fera un dernier détour par le bureau des réclamations, histoire de lister les quelques mini-couacs qu’on aura fini par trouver en cherchant bien. Pour commencer, il faut avouer que sur la durée, on se prend à trouver que notre Big Band s’emmicheldrukerise un peu. Sur « 25 or 6 to 4 » notamment, mais également au sein de « The Unavoidable Ballad », où le gros bonbon cuivré s’avère parfois un trop sucré, un peu trop clinquant, un peu trop flonflons & chaussons. Ceux qui ne goûtent que moyennement les après-midis sous la couette à regarder tomber la neige par la fenêtre risquent par ailleurs de ne pas raffoler de « Fly Me to the Darkside of the Moon », tandis que ceux qui n’ont jamais digéré les ballades d’Annihilator (le début du morceau ne vous rappelle rien ?) zapperont ce « The Unavoidable Ballad » franchement roudoudou.
N’empêche que, on a beau râlouiller pour la forme – le prof nous ayant dit qu’il faut développer une antithèse dans toute dissertation digne de ce nom –, cet album n’en est pas moins formidable. Et on est presque content que sa sortie ait été décalée de décembre 2021 à mars 2022, histoire qu’il ne soit pas le grand oublié des tops de fin d’année, enterré sous des tonnes de saumon fumé, de bûches et de boudin blanc. Alors à présent que vous avez été mis au jus, faites donc comme le lapin jaune : mettez la main à la poche pour aider Simon & la compagnie à rentrer dans leurs frais, plongez avec délice dans ce monde merveilleux, et profitez-en également pour partir à la découverte des sorties précédentes de Dead Season, ainsi que de l’univers virtuosement fantasque de Simon.
La chronique, version courte: un musicien classique touche-à-tout (Simon Fache) et un groupe de Modern Prog/Thrash à l’esprit plus qu’ouvert (Dead Season) qui s’allient pour faire se rencontrer les mondes des Big Bands et du Metal, ça existe. Même que ça s’appelle Horns. Et le premier album de ce projet rock-ambolesque s’avère être une petite merveille qui grunte en smoking, trublionne de la guitare et couine du saxo comme si la descendance de Diablo Swing Orchestra, Nevermore et Carnival in Coal avait été invitée à jouer les zazous sur une scène de Broadway.
8 COMMENTAIRES
Xuaterc le 03/03/2022 à 16:39:07
Tu le vends bien. C'est dommage qu'on ne puisse pas en écouter plus
cglaume le 03/03/2022 à 16:48:49
Il vient d'arriver sur Bandcamp: https://simonfache.bandcamp.com/
(j'ai mis à jour le lien pour l'écoute)
Xuaterc le 03/03/2022 à 18:21:42
Ah, nickel, merci
AnyClo le 03/03/2022 à 20:59:23
E X C E L L E N T !!!
AnyClo le 03/03/2022 à 21:00:36
E X C E L L E N T !!!
Xuaterc le 04/03/2022 à 11:03:39
Ce n'est pas du tout la même ambiance que 'album de Brass Metal que j'ai chroniqué récemment
Tookie le 05/03/2022 à 17:13:44
Les groupes composés de musiciens dont j'adore le travail dans d'autres projets me déçoivent souvent, mais là, même sans ce stupide chauvinisme régional (parce que ces gens-là vivent sous le même ciel gris que le mien) : je trouve ça excellent !
cglaume le 05/03/2022 à 17:53:44
On est d’accord :)
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