Lou Kelly - Genres That Don't Exist

Chronique mp3 (12:16)

chronique Lou Kelly - Genres That Don't Exist

C'est pour stimuler une muse en manque de Juvanine que, en ces temps lointains où Z.A. était encore le sigle de Zone d'Activité et non celui de Zeal and Ardor, Manuel Gagneux s'est rendu sur un forum (endroit bouillonnant de vie et d'internautes datant de l'époque où les réseaux sots d'chiots n'étaient pas encore sortis de leur niche) afin de demander aux habitués des lieux de lui soumettre des idées de styles musicaux insolites. Un petit malin lui suggéra de mêler Negro Spiritual et Black Metal, ce que le Manu s'empressera de faire, prouvant alors à Johnny que Noir c'est noir, certes, mais si si, il y a encore de l'espoir, et même le succès à la clé.

 

Est-ce dans l'espoir de mitonner une V2.0 à cette success story improbable que Lou Kelly se lança dans une quête similaire? Pas impossible. Toujours utile qu'en 2017 celui-ci demanda à ses Facebuddies de cogiter à des genres musicaux inexistants, sans a priori avoir d'autre intention que de s'en payer une bonne tranche. Sauf que 2 ans et demi plus tard on découvrait que cette séance de brainstorming nawak avait finalement abouti à du concret: Genres That Don't Exist – le Devil Is Fine de Lou en quelque sorte. Sauf qu'au lieu de sélectionner la suggestion la plus inspirée du lot et de l'explorer à fond, le bonhomme décida de la jouer boulimique en donnant corps à pas moins de 21 extravagances musicales, transformant les délires d'internautes oisifs en autant de créatures de Frankenchtarb' bricolées de bouts de ficelle et d'éléments épars. Un beau bordel en perspective vous dites-vous à raison. Une nawakxpérience de l'extrême qui permet à un monde effaré de découvrir les joies du Lounge Death Metal, du Doomstep ou encore du Gangsta Grind'n'Gospel.

 

Mais vous savez ce que l'on dit sur la quantité et la qualité. Et si je porte une vraie affection à ce doux dingue de Lou, il faut quand même reconnaître que celui-ci n'a pas su exploiter pleinement le filon qui a fait le succès de Zeal And Ardor (… en même temps, soyons honnêtes: était-ce vraiment son but?). Car là où l'artiste suisse a réussi à insuffler une vie propre à sa progéniture métis – qui a su dès lors grandir, évoluer et s'épanouir – l'Américain en est resté au stade des éprouvettes fumantes contenant des embryons dont trop peu semblent viables. L'un des problèmes majeurs du protocole expérimental suivi par le Pr Kelly est en effet que les morceaux bidouillés dans ce cadre ne dépassent jamais la minute, ce qui les empêche trop souvent de dépasser le statut de petite blagounette de studio sans lendemain.

 

Alors OK, « Meow Metal » (Nyan Cat avec des guitares saturées) ou « Unicorn Death Metal » l'affichaient clairement: ça n'ira pas plus loin que la private joke Mesdames et Messieurs. Même chose pour « Mime », qui n'est autre qu'une cover song de Sepultura (ou bien de Britney Spears?) par le Mime Marceau. Ou encore « Post-Neuroplasticity », qui relève du nimp' de compète.

 

N'empêche, on avait quand même envie de croire dans certains cocktails particulièrement prometteurs. Comme le « Barbershop Death Metal Quartet » (le Barbershop, c'est plus ou moins ce que faisait Pow-Wow quand j'étais d'jeune – quoi, ils faisaient du Doo-Wop? C'est pareil, allez...), si si, qui avait du potentiel, mais qui ne dépasse malheureusement pas le stade de léger amuse-bouche.

 

Néanmoins reconnaissons quelques belles créations, comme le « Doomstep », qui n'a comme vrai défaut que d'être trop proche des plate-bandes d'Igorrr – Lou le reconnaît d'ailleurs volontiers. On apprécie également le « Gangsta Grind N' Gospel », auquel on ne reprochera qu'un manque cruel de Grind, mais qui fonctionne carrément. Il aurait mérité d'être fouillé bien plus avant. La « Polkacore » nous émoustille également les moustaches, bien qu'elle rappelle un peu trop ce que font les Dirty Shirt, Russkaja et autres Gogol Bordello. Autre genre qui mériterait d'être exploré plus en profondeur, le « Post-Progressive Reggae » (haha!) aurait pu dû! se prolonger bien au-delà de 42 secondes... A moins que le préfixe « post- » induise que ce type de Prog se soit affranchi des longueur inhérentes au genre. On aime évidemment le « Punk Jazz », car la chose est frénétique et très Bunglienne (ça nous rappelle également l'album Hooligans dans un genre pas si éloigné). Le Zouk Metal s'avère très sympa, sauf qu'il fait plus polynésien qu'antillais. Quant au saxo langoureux de « Muzak/Lounge Death Metal », il se mêle étonnamment bien à la gratte distordue des profondeurs.

 

Les autres exercices de style sont par contre plus anecdotiques – ou alors pas si inédits que cela, cf. le « Gnome Metal » qui sonne comme nombre de ces albums d'Epic Folk Lord of The Ring Metal, ou l'« Avant-Garde Dissonant Black Metal with Violin, Cello, Keys, Oboe, and Bassoon with Oppressive Electronic Beat Driven Soundscapes » qui résume bien la musique contenue sur facilement un tiers des albums chroniqués en ces lieux par Xuaterc... Par contre on s'étonne que la pitrerie « Sand Paper » passe aussi bien (solo de lime sur rythmique à la ponceuse, mais avec de belles basses).

 

C'est donc logiquement tiraillé entre excitation et frustration que l'on arrive au bout de ce tout petit quart d'heure de musique iconoclaste plein de potentiel et de promesses... malheureusement trop souvent non tenues. Car le format utilisé et l'absence de persévérance semble vouer ce projet à n'être qu'une loufoquerie one shot. Ce qui ne serait pas une première, Lou ayant plus ou moins fait de l'humour musical pince-sans-rire sur format court sa trademark. Mais on ne peut s'empêcher de se dire que tout cela aurait pu aller plus loin et s'élever plus haut. D'où une petite impression de « Rhaa, dommage » persistante.

 

Mais il ne faut pas non plus gâcher son plaisir en jugeant avec l’œil sévère du critique Gault & Millau ce petit restau de quartier familial, inventif, charmant, mais sans prétentions exagérées. Car chez Lou on se régale, et tant pis si sa table n'aura sans doute jamais 3 étoiles.

 

 

 

PS: pour l'anecdote, les titres « Post-progressive Reggae » et « Monophonic Techno Djent with Black influences » ont été suggérés par Arno Strobl, tandis que « Zouk metal » et « Gangsta Grind'n'Gospel » sont à mettre au crédit du lapin jaune.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: « Post-progressive Reggae », « Russian Bear Metal », « Doomstep », « Vegetarian Rap »... Ces styles musicaux n'étaient a priori pas voués à exister ailleurs que dans d'obscures univers parallèles. Sauf que Lou Kelly n'est pas vraiment de ce monde. Et que tel le fameux Dr Moreau, sur Genres That Don't Exist il nous propose de visiter une île hors du temps peuplée de ce genre de créatures improbables...

photo de Cglaume
le 10/06/2020

6 COMMENTAIRES

Xuaterc

Xuaterc le 10/06/2020 à 22:12:20

"sur facilement un tiers des albums chroniqués en ces lieux par Xuaterc" tu es loin du compte

cglaume

cglaume le 11/06/2020 à 00:13:40

deux tiers :D

Xuaterc

Xuaterc le 11/06/2020 à 08:11:09

On est pas mal là
https://youtu.be/Op2drtt1H9c

Xuaterc

Xuaterc le 13/06/2020 à 10:29:07

Pas de NeoFolk Retrowave?

cglaume

cglaume le 13/06/2020 à 21:59:36

Ce sera pour le volume 2 :D

Xuaterc

Xuaterc le 14/06/2020 à 11:07:51

J'ai quelques idées bien débiles...

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