Lou Kelly - Hooligans

Chronique mp3 (29:43)

chronique Lou Kelly - Hooligans

« Symphonic Punk metal », a priori ça sonne aussi plausible que « Necro Zouk-core », « Ethno Ragga-drone » ou « Depressive Electro Musette ». Heureusement le préfixe « Nawak » permet aux sourcils de redescendre un peu des stratosphériques sommets de l’Incrédulité pour s’en retourner vaquer au niveau des hauts plateaux de l’Expectative curieuse. Car oui, pour avoir l'idée de marier l’emphase majestueuse de l’approche orchestrale à la fureur belliqueuse du punk – et imaginer que cela puisse fonctionner, pauvre fou! – il faut avoir un sacré grain. Et justement, on peut dire que c’est le cas de M. Lou Kelly, extra-terrestre californien déjà responsable des méfaits de …? et Zelophilia, 2 autres one-man bands au sein desquels les budgets gros nez rouges et camisoles de force sont parmi les tout premiers postes de dépenses.

 

Bon alors comment on s’y prend pour faire travailler ensemble les grosses dizaines de musiciens classiques en queues-de-pie et la poignée de vilains crêtus nécessaires à pondre l’oxymore musical que Mr Kelly nous promet ici? Eh bien en trichant. Car le paragraphe précédent l’énonce à demi-mots: Hooligans est le bébé d’un one man band. Le joyeux drille responsable de tout ce tintamarre s’est en effet enfermé en studio de juillet 2014 à janvier 2015, uniquement accompagné de son ordi’ et d’une ambition folle, ceci afin d’enregistrer ces 14 titres instrumentaux au cours desquels aucun animal ni aucun instrument n’a été blessé – enfin théoriquement. Alors certes, les tatillons et les handicapés souffrant de l’Oreille Absolue reprocheront sans doute à l’œuvre de sonner parfois un peu plus synthétique que ce que promettait la vitrine, mais soyons sérieux: un tel projet aurait eu beaucoup de mal à voir le jour en dehors de ce contexte, à moins qu'il ait été initié par les Sex Pistols ressuscités. Et puis crénom: le résultat est complètement bluffant, en plus d’être carrément inspiré!

 

Car ce qui troue l’écu à l’écoute de Hooligans, c’est à quel point Luke a réussi à éviter les 2 écueils classiques de ce type de projet: la juxtaposition stérile, ainsi que la botoxisation artificielle de morceaux « rock » à grand renfort de silicone symphonique. Le gros point fort de cet album c’est que l’esprit, la dynamique, l’impact des morceaux est – en règle générale – foncièrement punk, les parties symphoniques étant partie prenante dans l’affaire, pour ne pas dire carrément moteur (motrices?). Multipliant les cassures, les martèlements frénétiques et les courses échevelées, l’orchestre virtuel s’approprie complètement la No Future attitude pour finalement réussir à évoquer l’affreux jojo cartoonesque de la pochette. Et pour ne pas perdre en cachet urbain, les clarinettes, violons, pianos et autres cuivres ici convoqués s’appuient sur une guitare essentiellement rythmique, sur une BAR impatiente et une basse basaltique dont le vrombissement sourd semble provenir directement d’enregistrements souterrains de frottements des plaques tectoniques. Au mieux de sa forme, cet opus aboutit à la réalisation de petites merveilles comme l’intenable « Hold On! Wait Up! », l’énervé « I’m Sorry For Kicking Your Teeth In » ou l’espiègle « Wolfgang Rotten’s Recital » – cette sélection étant loin d’être exhaustive.

 

Et à côté des nombreuses déferlantes punky menées tambour-battant (… mais à la baguette!), Hooligans nous réserve également quelques morceaux semblant extraits de B.O. de films (« Concert Hall Circle Pit », « Unsettingly Familiar Dream », le JamesBondien « Plagued With Intrusive Thoughts »…), un titre plus nettement « grande formation jazz » (« Junk City »), ainsi que ce qui semble bien être un exercice de musique concrète (« Mild Paranoia ») au sein duquel on a l'impression de retrouver ces tourments psychotiques qui faisaient le sel de Zelophilia. Plus proche d'un …?, le frénétique « Those Goddamn Kids In The Basement » œuvre quant à lui dans un univers plus ouvertement Nawak. Et tout ça de se marier dans la joie bouillonnante, la bonne humeur échevelée et les breaks improbables. M’enfin avertissons quand même les plus reptiliens de nos confrères à crête: si Hooligans regorge de cette énergie à la limite de la perte de contrôle, il ne reste que peu dans la simplicité crustienne et les riffs à 2 accords. De son ancrage symphonique, ce projet garde le goût des breaks multiples, des parties touffues, de la grandiloquence occasionnelle… Bref, notre iroquois a beau avoir une épingle à nourrice dans l’oreille, il ne crache pas sur une petite flûte de champ’ de temps à autre.

 

Le mot « Fusion » – qui, habituellement, évoque plutôt les Fishbone, Bad Brains et autre Living Colour – ne viendra pas naturellement à l'esprit lors de l’écoute de Hooligans. Pourtant rarement un album aura réussi à porter le concept de cette scène à un degré aussi paroxystique. Rarement il aura semblé aussi naturel qu’un orchestre symphonique joue en treillis et rangeos. Alors quoi: ces 14 titres sont disponibles gratuitement et en intégralité sur Bandcamp, vous attendez quoi?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: Imaginez Wattie (The Exploited), la baguette à la main, face à l’orchestre philharmonique de Sa Majesté la Reine d’Angleterre. Imaginez un squat rempli de costumes 3 pièces en train de roter leur bière, un violon crouteux ou une clarinette décatie à la main. Imaginez le mariage de la pompe symphonique et de l’énergie hargneuse du punk. Le tout dans une approche 100% instrumentale, et arrosé d’une bonne louche d’esprit nawak. Là: vous avez un bon aperçu de ce que vous réserve Hooligans.

photo de Cglaume
le 05/05/2015

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