Sadist - Hyaena
Chronique CD album (45:44)

- Style
Technodeath progressif - Label(s)
Scarlet Records - Sortie
2015 - Lieu d'enregistrement Nadir Music Studio
écouter "The Lonely Mountain"
Non non: au siècle dernier, les fans de Death technique n’avaient pas que les acrobaties d’Atheist, Cynic, Death et Nocturnus à se mettre sous la dent. De ce côté-ci de l'Atlantique aussi on brodait de la fine dentelle, et pas que chez Pestilence – seul groupe européen affilié au genre à avoir véritablement bénéficié de la reconnaissance de ses pairs à l'époque, pour Testimony Of The Ancients et Spheres. Car les frenchies de Carcariass et les teutons de Necrophagist eux aussi savaient comment tisser des cathédrales de notes à la 6 cordes. Et de l’autre côté du tunnel du Mont Blanc, outre Gory Blister (dont on vous reparlera dans pas trop longtemps), on pouvait également compter sur du très très lourd en la présence de Sadist, monstre de technique ayant pondu avec ses 2 premiers albums – Above the Light et Tribe – 2 pierres angulaires du genre.
Sauf que c’était trop beau pour durer. Et la belle histoire se termina sur un Crust, puis un Lego pour le moins contestés. Pas masos, les fans du combo sado délaissèrent donc la formation pour aller voir si l’herbe était plus verte dans les prairies de Theory In Practice, Coprofago et autre Quo Vadis. Sauf que comme dans tout bon film d’horreur, à la toute fin on se rend compte qu’en fait la créature bouge encore. Et bam: en 2007 voilà-t-y pas que le groupe ressort de 7 ans d’hibernation avec un 5e album auto-intitulé. Mais boârf, si l’album est potable, il est loin de réveiller l’ancien volcan. Du coup j’avoue que, de dépit, j'ai zappé son successeur, Season in Silence, sorti en 2010. M’enfin on n’allait quand même pas en rester là, à faire bêtement du boudin dans notre coin. D’autant que l’imagerie sauvagement exotique du petit nouveau – Hyaena, sorti fin 2015 – nous renvoie inconsciemment au décorum Tahiti-douche-au-Monoï-sous-la-cascade-tropicale du chef d’œuvre Tribe.
...Alors, ce 7e album: nouvelle déception, ou retour au Top de la chaîne alimentaire technodeathmetallique?
Mouaif. J’ai bien peur que l’impression finale ne soit aussi peu enthousiasmante que celle laissée par Sadist…
Bon, il faut reconnaître que le travail réalisé sur les ambiances, ces percu’, ces bruits de fauves s’accordant une pause apéro au point d’eau dit « du Vieil Acacia », ces cordes exotiques, ce discours tribal, ces pauses atmosphériques – bref: tout le décorum mis en place pour nous donner l'impression de regarder un épisode de Daktari – sont vraiment bien foutus. Si si. Limite on aurait envie de se manger une part de Savane en sirotant du Banga. Mais ne vous y trompez pas: j'ai beau tourner malicieusement la chose à la rigolade, parfois c'est vrai qu'on s’y croirait, chevauchant cheveux au vent la hyène du clip de « The Lonely Mountain ». Le problème c'est que le défaut que l’on pouvait reprocher à Sadist sur son 5e album reste ici valable: extrêmement compétent en matière de maîtrise instrumentale, le groupe peine à composer des titres fluides et accrocheurs, lacune que les ambiances réussies précédemment évoquées ne suffisent pas à masquer. Car on finit par se lasser de cette multitude de riffs vicieux, de structures accidentées, de détours torturés… Putain si seulement ils lâchaient les chiens de temps à autre! Ou s’ils nous donnaient en pâture une mélodie franche du collier, histoire de décompresser. Mais rien à faire, le répit qui nous est accordé – outre les enthousiasmantes parenthèses Ushuaïa précédemment évoquées – ne prend bien souvent que la forme de nappes de clavier. Et les sonorités synthétiques de l’instrument de fortement diminuer la crédibilité des ambiances africaines, notamment sur « Bouki » et « Scratching Rocks » (... pourquoi ce registre Playschool horipilant, hein: pourquoi?). Ce qui énerve d’autant plus sûrement que les protestations acrimonieuses de Trevor Nadir sont toujours aussi aigües et éraillées – un peu comme une version blacky et irritante du Chuck Schuldiner des derniers jours –, et donnent de fait l’impression que le rustre souhaite nous poncer les tympans au papier de verre. Et la voix féminine qui intervient sur « The Devil Riding the Evil Steed » ne change rien à la donne, bien au contraire!
... Alors si l’on décide de voir le verre à moitié plein, on reconnaitra que la basse d’Andy Marchini est toujours aussi moelleuse, tandis que la batterie d’Alessio Spallarossa conserve cette classe toute féline qu’on lui connaissait déjà. La touche légèrement Cynic (les voix vocodées, la basse) de « Pachycrocuta » devrait en séduire certains, tandis que le refrain et la mélodie de « Bouki » pourront satisfaire ceux qui ne craignent pas ce satané synthé. Le doux instrumental « Gadawan Kura », lui, saura convertir les amateurs de sieste à la fraîche, laissant « Eternal Enemies » et « Scavenger and Thief » redonner de leur côté le sourire aux plus optimistes d’entre vous. M’enfin il est difficile de se débarrasser de cette horrible sensation de gâchis. A l'avenir, on redonnera certainement une fois encore sa chance au groupe, mais il faut bien reconnaitre que son capital sympathie s’amenuise inexorablement, album après album… Snif.
La chronique, version courte: Trop jazzy et tortillonneux – de même qu'un peu trop généreux en nappes de synthé inopportunes –, Hyaena permet à Sadist de recréer un peu de ce feeling « à la Tribe » dont on était si friand, mais il échoue une fois de plus à en retrouver le génie et l’accroche.
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