Sigh - Graveward
Chronique CD album (49:39)

- Style
Heavy black orchestral barré - Label(s)
Candlelight Records - Date de sortie
13 avril 2015 - Lieu d'enregistrement Studio Moopies / Electric Space Studio
- écouter via bandcamp
Sur In Somniphobia – l'opus précédent – Sigh avait réussi l’exploit de faire naître dans mon esprit de nawakophile compulsif la possibilité d’un genre particulièrement oxymoresque: le Nawak Black. Conservant l’abrasivité vocale du crapeau corpse painté ainsi que la noirceur sépia (on reste dans l’oxymore, ça ne vous dérange pas?) de guitares dotées de ce grain si particulier typique des albums de proto-metal extrême dérivant de la NWOBHM, les japonais avaient tricoté des compos audacieusement délirantes incluant des éléments psychédéliques, des instruments improbables, des saveurs World Music et un côté Prosper Yop la Boum habituellement considéré comme tout à fait déplacé par le microcosme fréquentant les réceptions de la Comtesse de TrveBlackOrthodoxy (...si c'est pas de la putain de phrase proustienne à rallonge ça!). Tout ça avait un côté foufou complètement jouissif… Et d’ailleurs nous ne nous étions pas privés de souiller de grosse quantité de sopalin en en écrivant la chronique d’une main (… pas sûr que ce passage passe le filtre Chrétien Média chef... On le garde quand même? Oui? Tope là!)
Après avoir bâti une aussi formidable Tour de Babel discographique – qui non seulement ne s’est pas écroulée, mais s’est au contraire dressée fièrement et durablement tel un monumental majeur à l’adresse de tous les pandas intolérants –, comment le Soupir japonais pouvait-il espérer faire mieux? Eh bien Graveward nous fournit une réponse claire et sans ambages: en continuant sur sa lancée tout en 1) canalisant son exubérance, histoire d'éviter de trop partir dans tous les sens 2) abordant une thématique bien précise plutôt que de batifoler d'histoires de vampires en séances de spiritisme 3) en faisant toujours plus, à la limite du very-too-much.
« Canaliser son exubérance »… En gros tu nous dis que Sigh a remplacé le saké par de la soupe Liebig?
Tatata: canaliser n’est pas diminuer. C’est juste que – plutôt que de laisser libre cours à des envies parfois déraisonnables, et risquer alors de gâcher bêtement de l'énergie en nuisant aux compos – Mirai et Miss Mika ont mis leur fièvre au service d’une vision stylistique précise: celle d’un heavy black hyper roots (le son de cet album est pharaonique, qualificatif incluant une bonne dose de poussière de fond de sarcophage) regorgeant de mélodies accrocheuses et soutenu (envahi?) par des orchestrations fastueuses. Bref, on navigue entre Bewitched et Hollenthon, le niveau de folie et l’agitation ambiante rapprochant également le résultat de l’univers d’Unexpect. Ce qui n’empêche pas nos amis d’injecter en sus dans leur formule tout plein d’extras pas forcément prévus au contrat – solos de clavier psyché, saxo, accordéon, piano rock, éléments électro, parties théâtrales... Et ne comptez par sur nous pour nous en plaindre!
Bon, et la thématique nouvelle ci-avant évoquée alors, ça vous intéresse qu'on en cause? Non? Tant pis, on va l'aborder quand même: Sigh place Graveward dans la perspective d’un hommage multi-facettes célébrant à la fois les films de morts-vivants italiens (notamment les zombieteries de L. Fulci), les œuvres de la Hammer (là on est plus dans le gothique) et King Diamond. D’où une touche Horror Heavy Metal Blackisant théâtrale qui devrait parler aux fans de Notre Dame.
Et sinon tu parlais de « Too much »?
En effet. Et ici, « Too much » n’est pas un vain mot. Capitalisant sur l’arrivée de You Oshima au poste de guitariste – l’énergumène cumulant les qualités de leader de Kadenzza et de propriétaire d’un studio au sein duquel il passera 3 mois à mixer ce 10e album –, le groupe a été jusqu’au bout de son concept orchestral grandiloquent en compilant pas moins de 100 pistes par titre pour un total dépassant les 100 Go de données. Putain de bizutage pour le pauvre You! Mais ce côté « Toujours plus » se traduit également par une nouvelle liste de guests de folie – matez-moi ça: Matthew Heafy (Trivium), Fred Leclercq (Dragonforce), Niklas Kvarforth (Shining), Sakis Tolis (Rotting Christ) et l’éternel Metatron (The Meads of Asphodel). Dans la famille « Je ne me refuse rien », je voudrais le grand cousin japonais…
Sauf que tout ça n’aboutit pas qu’à un gros bordel ampoulé – non, bien que certains auront peut-être du mal avec le grain rugueux des parties métalliques, tandis que d’autres trouveront les orchestrations parfois un petit peu excessives. Il n’y a que ce « A Messenger From Tomorrow » trop pompeux, trop gentil, trop propre – trop Blind Guardian en fait – que l’on pourra objectivement trouver pédant et un peu foiré sur les bords. Sinon c’est le carton plein, notamment sur l’ébouriffant et hyper catchy « The Tombfiller », sur la cavalcade « Out Of The Grave » ou sur l’excellent et finalement assez « direct » (mais si) « The Casketburner ». Mais on ne rentrera pas plus dans le détail – passer au peigne fin 10 titres avec autant de pistes en parallèle, c’est un peu comme proposer de faire des tresses à un Black Panther arborant une coupe afro de 60 cm de diamètre: ‘faut vraiment avoir que ça à foutre!
Déluré, grandiloquent, foisonnant, ambitieux, accrocheur, vintage mais nickel, décalé, gothique, Graveward est un pari fou mais réussi (… de plus) pour Sigh. Par contre si vous n'aviez pas été convaincus des bienfaits du Nawak Black à l’époque de la sortie d’In Somniphobia, vous risquez de ne pas changer beaucoup d'avis…
La chronique, version courte: mêlant proto heavy black vintage et orchestrations fastueuses (… plus tout plein de bordel génialement divers et carrément varié) dans les cultes réunis du cinéma gothico-horrifique et du grand King Diamond, Sigh surenchérit sur In Somniphobia pour un résultat une fois encore époustouflant.
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