Sleep Terror - Unihemispheria

Chronique CD album (32:24)

chronique Sleep Terror - Unihemispheria

Le « Manuel du Chroniqueur Consciencieux » ne laisse planer aucun doute sur la question: pour pouvoir évoquer avec pertinence les éventuelles évolutions entre le tout-nouveau-tout-beau CD d’un groupe et ses œuvres passées, pas moyen de couper à un retour dans le monde de ces dernières, même rapide. Du coup, l’écriture de la chronique d’Unihemispheria approchant à grands pas, je me suis repassé une ou deux fois Probing Tranquility, le 1er et précédent album de Sleep Terror. Aucune différence fondamentale ne m’ayant sauté à la tronche, j’ai prolongé ma recherche du Temps Perdu par une relecture de la chronique dudit album, des fois que quelque-chose m’ait échappé. Et là, constat sans appel: nom de dieu, pas un poil de ce qui avait alors été écrit ne serait déplacé dans la chronique du 2nd opus! Que ce soit les groupes évoqués pour décrire le style, les qualités comme les défauts: la formation de Luke Jaeger pratique l'art du surplace avec la classe du Bambi moonwalkant sur un tapis roulant d'aéroport!

 

‘Faut dire que la Terreur Nocturne évolue dans un monde où elle est bien seule. Parce que le Brutal Death mélodique et moderne, interprété en mode 100% instrumental, et truffé de nombreux écarts limite Nawak, ça n’est – aux dernières nouvelles – ni ce qui pullule au sein du catalogue Nuclear Blast, ni ce qui amasse les foules devant les Main stages des grands festivals... 'S'en fout: Mister Jaeger persiste et signe dans cette voie qu’il a lui-même pavée de bonnes intentions. Et c’est tant mieux – quoiqu’on aurait encore préféré qu’il améliore les quelques petites imperfections qui, à l’heure de la chro’ précédente, nous rendaient un poilounet ronchon.

 

Vu qu'il y en aura bien un ou deux qui auront loupé l'épisode précédent, ré-évoquons rapidos le contexte stylistique exact dans lequel se déroule l’action trépidante de Unihemispheria. C’est donc au long de 13 courts (autour de 2-3 minutes) morceaux sans growl aucun que l’on est convié à voir partouzer les violentes saccades de Beneath The Massacre, les twins victorieuses de Gorod, les fulgurances déraisonnables de Spawn of Possession, et la puissance cataclysmélodique de Necrophagist… avec de très fréquents plans funky, bluesy, hispano, hawaïens, voire plus franchement Nawak encore. Si la débauche technique et une certaine froideur moderne peuvent, lors de quelques pics excessifs, en pousser certains à remiser trop rapidement l’album dans la case Cyber-Tech Djent/Death Pas-Pour-Moi-Non-Merci, ce serait juger bien hâtivement l'opus et occulter un groove quasi-omniprésent allant jusqu’à rappeler Step In Fluid en plus d’une occasion. Et puis notre Guitar Hero brutal & barré n’hésite pas à caler régulièrement de grosses mosh parts bien grasses, histoire de ne pas se laisser ficher dans le dossier des snobs de la 8 cordes.

 

Mais ne nous laissons pas impressionner par la constance exemplaire de l’artiste, et au-delà de l'apparente gémellité qui lie les 2 derniers opus, affirmons sans ciller que le son de ce dernier est plus puissant, que la BAR a musclé un peu son côté organique, que les incursions non Metal ont été revues un peu à la hausse, et que quelques ajouts électroniques judicieux apportent encore un peu plus de variété à ce cru 2015… Bref, il y a indéniablement du mieux! Par contre, bien que des morceaux comme « Dual Proprioception » et – surtout! – « Promodal Nocturia » me fassent un peu mentir, on continue à sentir cette sensation diffuse de léger gâchis. Parce que ces 13 pistes ressemblent trop souvent à un amoncellement extrêmement dense de plans plus juteux les uns que les autres, ceux-ci se retrouvant malheureusement enfilés les uns derrière les autres comme agencés par un bijoutier fantaisiste qui tenterait de créer des colliers inédits en piochant de manière aléatoire dans un sac de perles baroques. Trop peu de structures réfléchies transparaissent en filigrane à l’écoute de ces morceaux, même après les avoir fait tourner moult et moult fois. Et ce n’est pas étonnant, vu que les plans et riffs font rarement plus d’un unique tour au sein de chaque titre, et puis s'en vont. Ajoutez à cela que la recette [Gros lattage venteux / Twins lumineuses / Interruptions funky / Saccades de la mort] est un peu trop souvent utilisée, et au final on se retrouve à écouter une succession de moments d’anthologie sans qu’il ne nous en reste plus rien dans le crâne en fin d’écoute qu’une impression nébuleuse de micro-orgasmes sans lendemain…

 

Au final, Sleep Terror reste donc ce groupe génialement prolifique mais également créateur d’une frustration d’autant plus grande qu’il ne manque à la formation qu'un poil de recul et de cohérence pour accoucher de véritables hymnes – et ce faisant, rêvons un peu, d’albums unanimement acclamés. Tiens, il faudrait demander à Mathieu Pascal, The Man behind Gorod, d’aller aider l’ami Luke à combler cette lacune… Je n’ose imaginer la pépite qui pourrait résulter d’une telle collaboration!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: Beneath The Massacre + Gorod + Step In Fluid + Emiliano Sicilia + Necrophagist + Mr Bungle… C’est lapidaire, mais ça résume pas mal ce que donne le Death instrumental, brutal, technique, « modern », mélodique et joliment barré que pratique Sleep Terror sur son 2nd album.

photo de Cglaume
le 09/12/2015

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