Soul Grinder - Anthems From The Abyss
Chronique CD album (42:16)

- Style
Death metal de tradition - Label(s)
MDD Records - Date de sortie
11 novembre 2022 - écouter via bandcamp
Quand, tout jeune, tout frais, tout débordant de sève juvénile, on investit pour la première fois un genre musical, tout semble beau, tout semble grand, tout est phénix des hôtes de ces bois. Puis, l'âge venant, après des années à poncer les classiques et à traquer les nouveautés du genre en question, il reste plus de cendres que d'oiseaux de feu. Dès lors, les sorties ne rentrent plus que dans quatre catégories disjointes :
1) les N+1ièmes livraisons des groupes majeurs, qui masquent tant bien que mal la misère et ronronnent sans plus faire vibrer nos ventricules que très rarement. On les écoute comme on va visiter sa vieille tante à l’EHPAD, avec un peu de tendresse, un peu de pitié, un peu de lassitude à l’entendre ressasser toujours les mêmes histoires
2) les Next Big Things vendues tambour battant par des attachés de presse qui tentent de nous faire prendre des newbies pour des lanternes. On les traverse rapidement, irrité par ces prod en plastique, cette prétendue nouveauté qui n’est que vain recyclage, et cette impétuosité du poulain fougueux qui pense être le prochain champion de F1 alors qu’il ne chevauche qu’une mobylette grossièrement tunée
3) les coups de génie improbables, ces deus ex machina qui nous regonflent pour 6 mois et nous donneraient presque envie de persuader la boulangère de partager notre brûlante passion. Ceux-ci sont malheureusement aussi fréquents que le parfum du jasmin et le gazouillis des merles au fond des chiottes de Fleury-Mérogis
4) et puis il y a ces albums qui maintiennent la foi, pas géniaux non, mais parfaitement calibrés, parfaitement adaptés à nos attentes, dénués de ce tiède parfum de routine qui, trop souvent, provoque l’engourdissement des sens et des ardeurs. Ceux-ci sont, au contraire, pleins d’énergie fiévreuse, et de cette foi inébranlable qui permet de briser l’anonymat du flot des sorties inodores, de nous botter les fesses, et de nous donner suffisamment de jus pour tenir la journée
Soul Grinder deale justement ce genre de skeuds précieux (ceux de la 4e catégorie décrite ci-dessus... suivez que diable !). Car si personne ne lui demandera sans doute jamais de repeindre la Chapelle Sixtine du Death Metal, il est néanmoins de ces artisans fiables sur lesquels on peut compter quand vient le temps de se rafraîchir un peu la peinture auriculaire. Chronicles of Decay (2020) avait été une très bonne surprise dans le genre. Et Lifeless Obsession n’avait pas démérité, l’année suivante. C’est que ces maîtres bouchers-charcutiers offrent un étal varié de barbaque alléchante, alignant steaks blastés à cœur, pâtés grassement groovy, tripaille sévèrement assaisonnée et chapelets – non, pentagrammes – de saucisses amoureusement épicées. Mais ne restons pas embourbé dans cette métaphore carnivo-adipeuse : les Allemands proposent un Death de tradition qui sait taper dur, groover du mid tempo et menacer dans l’emphase, le tout étant proposé en une collection de morceaux qui ne nécessitent nullement un lecteur de code barre pour les différencier les uns des autres.
Maintenant revenons si vous le voulez bien à l'actualité.
Quelles sont les tendances qui se dégagent de ce nouvel opus ?
Comment grinde-t-on les souls en 2022 (eh oui : désolé du retard !) ?
Oh le fonds de commerce n’a pas foncièrement changé : amateurs d’OSDM, c’est toujours à vous qu’on s’adresse avant tout. Néanmoins on remarque que les Brêmois ont renforcé deux de leurs compétences :
- la pratique du Metal « evil » – certes plus lovecraftien que luciférien. En effet, plus que jamais sur Anthems From The Abyss, ça rugit méchamment au milieu des déferlantes, évoquant pour l’occasion tantôt Deicide (sur « Incidious Resurrection » par exemple), tantôt Vital Remains (quand le propos se fait moins sec, et plus grandiloquent)
- le nappage de compo au clavier atmosphérique mais non envahissant. Car c'est ainsi qu'on procure ce petit supplément de frissons interdits (la chose s’observe essentiellement en milieu de tracklist)
Sans rien retirer à la « diversité » de l’offre soulgrindienne, ces changements subtils permettent de typer le millésime 2022 pour en faire un individu tout aussi remarquable au sein de la discographie du groupe que la plupart de ces dix morceaux peuvent l’être parmi leurs congénères de tracklist.
Si l'on y « déplore » (notez les guillemets) tout de même quelques moments de relative faiblesse – c’est « The Last Supper », surtout, qui sent le réchauffé un peu balourd, quoiqu'on n’est pas non plus super fan de l’instant « Hey ! Hey ! Hey ! » sur la première piste – Anthems From The Abyss propose surtout de ces morceaux revigorants qui vous enjuvaminisent le quotidien. Le morceau-titre est de ceux-là, sa tendance au cérémonieux et au blast généreux allant jusqu’à laisser entrevoir le sceptre de Nile. « I Am the Silencer » est une hymne occulto-cosmique qui montre à quel point nappes de clavier et blasts peuvent se combiner judicieusement pour vous propulser à la vitesse de la lumière au beau milieu d’un trou noir d’où jaillissent d’improbables et colossaux tentacules chtulhiens. Quant à « From the Nether Realm », c’est un hit brûlant où la frappe de Vader rencontre la morgue de Vital Remains pour nous atomiser les idées noires à grands coups de masse d’armes.
Alors si d'aventure vous vous retrouvez avec une soudaine envie de taper dans un punching-ball – au beau milieu d'une file d’attente à la Poste, par exemple – envoyez-vous Anthems From The Abyss dans les feuilles, et accédez instantanément à une dimension parallèle secrète où les têtes volent, le sang gicle et les administrations prennent feu, le tout sans risquer la prison à vie ni avoir à faire appel à votre ami Vladimir…
Mieux encore que Everything Everywhere All At Once le dernier Soul Grinder ? Oui, on peut dire ça !
La chronique, version courte : efficace, pertinent, direct sans être basique, sur son 2e album Soul Grinder continue de nous offrir un Death Old School varié mais méchant, qui appuie plus que jamais sur les ambiances occultes. Empruntant cette fois plus fréquemment à Vital Remains (mais également à Deicide, Vader et Nile), les Allemands continuent de nous envoyer de grandes tartines teigneuses à l’ancienne, en n’oubliant pas que l’auditeur moyen préfère quand le lattage de tronche se fait non seulement avec panache, mais également avec une certaine diversité dans l'approche.
1 COMMENTAIRE
Crom-Cruach le 21/11/2023 à 18:12:06
J'ai craint le pire avec les trucs bouddhistes du premier morceau mais ça passe bien. On dirait du Brésilien.
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