Suppression - The Sorrow Of Soul Through Flesh

Chronique CD album (38:37)

chronique Suppression - The Sorrow Of Soul Through Flesh

Si, pour la majorité des gens, le comble du dilemme insoluble se résume souvent à « Poire ou fromage ? », le vieux deathster dégarni se retrouve parfois confronté à des équivalents tout aussi cornéliens. Ainsi, quand arrive son tour de choisir le prochain album chargé de mettre l’ambiance dans la Twingo roulant joyeusement vers l’Obscene Extreme, bien souvent il ne sait par quel bout attraper la discographie de ses groupes préférés. « Leprosy ou Individual Thought Patterns ? » / « Consuming Impulse ou Spheres ? ». Entre les deux sont cœur balance... Et on le comprend !

 

Eh bien il faut croire qu'au Chili la Twingo moyenne est équipée d’un autoradio double CD. Car plutôt que de choisir, Suppression (… dans lequel on trouve d’ex-Ripper) a fait le choix de passer les deux albums en même temps. C’est en tout cas l’impression que donne The Sorrow of Soul Through Flesh, son premier bébé. Quand on se lance dans l'écoute de celui-ci, après des premiers pas au sein d’un « Lifelessness » qui trompe son monde en se parant un temps des costumes de Morbid Angel et Deicide, on retrouve très vite d’autres marques : ces riffs nerveux, cette impatience rythmique, cette prod’ suintant un slime so 90s… Et cette voix écorchée vive façonnée à partir de gros lambeaux de Patrick Mameli et de Chuck Schuldiner (… et même de John Tardy parfois) : ne serait-on pas revenu à la limite entre 80s et 90s, quand ces grands esthètes en devenir n’avaient pas tout à fait abandonné la vieille bidoche pour les nobles dentelles ?

 

Il semblerait bien, oui.

 

Quoiqu’en tendant l’oreille on se rende compte que la basse ronronne comme le chat de Sean Malone (Cynic), on découvre de nombreuses fulgurances escarpées rappelant le Atheist des débuts (hop, au début de « Lost Eyes » par exemple), tandis qu’une élégance indiscutable et des instrumentaux léchés nous renvoient aux meilleurs moments de Death et Pestilence, après que ces groupes aient finalement décidé de figurer officiellement au panthéon du Technodeath.

 

Il est pas beau le grand écart ? Elle est pas appétissante la poire au fromage ?

 

Au final, quand cette âme tristement incarnée s'invite entre nos oreilles, on a un peu l’impression d’écouter un Spiritual Healing, ou un Testimony of the Ancients au premier abord particulièrement roots (d'ailleurs ce son plein de croûtes nuit parfois un peu à l’impact des solos), au pied encore partiellement planté dans le Thrash furibard, mais faisant preuve d’une sophistication que ses grimaces ne peuvent masquer. Un peu comme cela était déjà le cas avec – mais si, rappelez-vous, c’était sur le même label – Animate​/​/​Isolate d’Obsolete. Certaines oreilles difficiles rétorqueront que tout cela manque un peu de personnalité, et qu’elles auraient aimé des pistes se démarquant plus les unes des autres. Mouais… Il n’empêche qu’outre une fidélité étonnante envers les standards – qualitatifs, sonores, stylistiques – de l’époque, Suppression offre quelques grands moments qui valent franchement le détour. Et comme il fait beau et que je suis d’humeur, en voici un échantillon, c’est ma tournée ! Si vous avancez jusqu’à 1:54 sur « Monochromatic Chambers », vous pourrez vous faire happer par l’un de ces breaks issus tout droit de la muse du grand Chuck. À 2:21 sur « Unwinding Harmonies », un essaim Thrash furieux vous transformera illico en cobaye pour apprentis psycho-acupuncteurs. Et si vous patientez jusqu’à 1:44 sur « Extortion Behaviors », vous pourrez participer au grand Festival du Tourbillon Tech Ebouriffant !

 

Alors, ça fait quoi d’être à nouveau jeune, les quadras ?

 

Certes, The Sorrow of Soul Through Flesh ne nous fait connaître nulle sensation nouvelle : ces pincements au cœur, ces petits plaisirs coupables, ces hochements de cervicales, on les a déjà vécus quand on était encore jeunes, grands et beaux. Mais bordel que c’est bien fait ! Comme Daniel Auteuil dans La Belle Epoque, on a beau savoir que tout cela n’est pas vraiment fabriqué avec des matériaux d'origine, que c’est du made in 2022, on trouve ça tellement formidable qu’on a envie d’y croire. Et c’est vrai qu’on serait trop cons de ne pas en profiter !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: Vous voudriez revivre le bon vieux temps, mais vous n’arrivez pas à choisir entre Leprosy et Consuming Impulse d’un côté et Individual Thought Patterns et Spheres de l’autre ? Eh bien mélangez donc les deux, et au lieu de vous passer Spiritual Healing ou Testimony of the Ancients, essayez le très bon premier album de Suppression, The Sorrow of Soul Through Flesh.

photo de Cglaume
le 06/06/2022

3 COMMENTAIRES

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 06/06/2022 à 09:00:42

Un très gros bof sur cet album. De la 4ème division de club cantonal.

cglaume

cglaume le 06/06/2022 à 09:13:58

En même temps tu n’es pas trop le public visé par le côté “tech” du biniou : trop chichiteux pour toi :)

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 06/06/2022 à 09:33:13

Ceci explique peut être cela.

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