Thrice - Major/Minor

Je suis adepte du bordel organisé. Ça a commencé depuis tout petit. À quoi ça sert de ranger quelque chose qui va de toute façon resservir ? Je n’aime pas les cases. Ranger dans des cases en tout cas. D’une part parce que ce n’est jamais facile de trouver la bonne et puis d’autre part parce qu’on finit tout le temps par toutes les retourner quand on cherche quelque chose. Alors, quand on doit affubler un groupe d’adjectifs, de genre, de sous-genre, ça finit  par me baver sur les rouleaux, Little John. Oui c’est pratique pour s’y retrouver, je suis bien d’accord, mais c’est parfois tellement réducteur. Alors, mettre Thrice dans la case emocore, ça me la met dans un Tupperware…

Les californiens n’ont eu de cesse de brouiller les cartes depuis une dizaine d’années, expérimentant sur chaque album des sonorités et des ambiances différentes. Du hardcore des débuts, plus rien ne subsiste sur leur dernier effort Major/Minor. Certes, la voie prise sur les excellents Vheissu et Beggars est encore bien présente. Un rock sombre, mélodique, tout en puissance maîtrisée. Musicalement, on est proche de groupes comme Sparta, Cave In ou …And You Will Know Us By The Trail of Dead, comme si At The Drive In et Jane's Addiction avaient copulé, en somme. Autant dire qu’on est loin de la finesse d’une mèche de Texas Ranger. Thrice enterre donc le shred de guerre afin d’allumer l’overdrive de paix. À en croire les dires de ses propres membres, Major/Minor se veut être l’album le plus grunge de la déjà imposante discographie du groupe. Voyons sur pièces…

Loin de toutes ces considérations stylistiques, parasites à l’écoute que mérite leur musique, Thrice est un groupe de rock, point barre. Et un groupe de rock qui sait composer de superbes chansons : des mélodies classieuses et envoûtantes avec des arrangements efficaces mais pas simplistes. La formule de Major/Minor a peut-être quelque chose de déjà entendue, entre power pop à l’anglaise et indie rock US, mais d’une sobriété toute en rondeur qui captive de bout en bout. La voix délicieusement éraillée de Dustin Kensrue ne tombe pas dans les écueils de la pop : jamais mièvre, toujours au service de l’intensité du moment. L’ambiance légèrement intimiste peut basculer dans une tension rock en mid tempo ou dans des envolées pop avec la même dose d’énergie. La musique de Thrice reste sage, mais ne manque pas de saveur. Entre abîmes et lumière, un savant mélange d’une musique arrivée à maturité. Major/Minor, la synthèse d’un groupe sincère et unique, malheureusement méconnu.

Ici, pas besoin de faire attention où l’on met les pieds ; avec Thrice vous en prendrez plein les esgourdes et ce n’est pas une menace, c’est une prédiction.

Geoffrey Fatbastard

le 20/10/2011