Till The Dirt - Outside the Spiral

Chronique CD album (46:10)

chronique Till The Dirt - Outside the Spiral

 

« … Le technodesss, ma Geneviève, j'vais vous dire : c'est p'us c'que c'était !

D'mon temps 'y avait d'l'inventivité, de l'audace, du génie...

Maintenant les jeunes y z'ont p'us d'idées : y savent p'us que ressasser, copier, affadir.

C'est bien simple, tiens : j'crois bien que j'préfère encore écouter Kanye West ! »

 

Ces propos de vieux pruneau aigri, je vous l'donne Émile : c'est Kelly Shaefer qui les tient. Le chanteur/fondateur d'Atheist, oui, c'est ça. Celui qui a grandement contribué à créer le Technodeath en question. Celui qui – pourtant – n'a pas proposé grand chose de neuf depuis 30 ans, si ce n'est, en 2010, un Jupiter correct mais pas franchement à même de créer des vocations (… bah ouais Kellynounet : avant de râler sur la nouvelle génération, si tu te demandais, toi, ce que tu as fait pour la cause ces dernières années ?)

 

Bon, Kanye West, Geneviève, l'accent de Lamotte-Beuvron... pas sûr que les choses se soient passées exactement comme ça. Mais ça vous donne une idée assez précise des protagonistes et de l'intrigue. Ce qu'il faut retenir c'est qu'il y a encore peu, le bonhomme était tellement blasé de l'état de la scène (… que quelqu'un lui parle de Gorod, d'Archspire et de First Fragment nom de nom!) qu'il avait décidé de passer à autre chose. Jusqu'à ce jour récent où un ange lui est apparu et lui a demandé de laisser ses moutons pour aller bouter l'Anglois hors du Royaume de... Ah non, ça c'est une autre donzelle. Kelly, lui, c'est sa muse qui lui est apparue. Et lui a demandé de montrer la voie à la nouvelle génération. La voie d'un Death singulier, exigeant, qui parcourt à nouveau des sentiers inexplorés et excitants. Du moins c'est ainsi que les choses ont dû se passer dans sa tête.

 

Alors le Kelly s'est remis au turbin. Il a composé. Il a fait écouter le résultat à ses potes. Et les bougres trouvèrent ça bon. Parmi eux, Scott Burns, un autre vieux désenchanté qui, après avoir enregistré tous les chefs d’œuvre du Death des 90s dans son célèbre Morrisound Studio, a tout plaqué, l'excitation ayant quitté son quotidien. Cette fois pourtant, la Geneviève Burns a tellement kiffé ce que M'ame Shaeffer lui a fait écouter qu'elle a persuadé sa copine de persévérer, lui offrant même ses services – oui, le grand manitou reprend du service, jouez hautbois résonnez musettes !

 

Till The Dirt c'est donc cela : une croisade. La mission que se sont fixé d'anciens généraux du « Death du bon vieux temps ». C'est une grosse moitié du line up actuel d'Atheist – de relatifs jeunots, on va dire – rassemblée autour de Mr Schaeffer. Plus Scott Burns derrière les manettes. Plus des invités luxueux : Steve DiGiorgio (on ne vous le présente pas), Jeff Loomis (lui non plus), John Longstreth (Origin, Hate Eternal, ex-Angel Corpse, ex-Gorguts...) et Kyle Sokol (Nocturnus AD, ex-Disincarnate...). Plus une signature chez Nuclear Blast. Tous les ingrédients pour un putain de buzz, donc. Voire pour un putain d'album !

 

Alors, comment c'est-y donc qu'on révolutionne le Technodeath ?

 

Eh bien en le truffant d'éléments extérieurs – une recette pas si novatrice que cela pour le coup, comme quoi... Et qu'est-ce donc qu'on met dedans ? De gros bouts de Grunge, si si. Vous savez, ce petit côté désenchanté, va-nu-pied, et ce chant clair qui – ici du moins – rappelle parfois franchement Jerry Cantrell d'Alice in Chains. On y met aussi cette nonchalance graisseuse, et ces gros pétards colorés qui poussent naturellement dans le sable du Stoner Rock (tiens, sur « Who Awaits » par exemple). On y place ci et là de ces plans lancinants mais hypnotiques, au premier abord inconfortables, mais qui s'avèrent finalement sexy, ainsi que le bon Dr Meshuggah les prescrit à longueur d'albums (hop : « Privilège »). Et puis un peu de tout ce qui passe sous la main, du Thrash, de l'alternatif, du Rock, et évidemment plein de bons vieux plans bien techniques, bien frénétiques, rehaussés de ces screams plus proches des shrieks beumeuh que du growl de golgoth.

 

C'est 'achement bien, du coup, non ?

 

C'est pas mal, effectivement. Du moins affiche-t-on une banane sincère sur les quatre premiers morceaux, qui sont vraiment bonnards, jouent habilement des contrastes, entretiennent l'excitation, et transpirent une joie palpable d'explorer des territoires rarement visités par le commun des chevelus. Et puis pfuiiiiiit, les gugusses nous perdent sur « Invitation », morceau harassant qui ressemble à une longue intro de quatre minutes et demie, lors de laquelle on passe notre temps à attendre le break libérateur, la lumière au bout du tunnel, mais rien n'y fait, on reste les couilles coincées dans l'étau, on sent que ça se resserre doucement, sans jamais laisser la place au moindre espoir de pouvoir conserver son intégrité testiculaire... Et bam, rebelote avec « Forest of Because » qui joue la carte de l'accablement, se déplace péniblement, et bêle sa déprime sans panache ni sex-appeal.

 

Pourquoi se tirer ainsi une balle dans le genou, crénom ?

 

« Who Awaits » redresse enfin la barre... Quoiqu'il y ait encore un peu trop de laisser-aller dans la démarche, la fumée du bang ayant tendance à engourdir le cerveau de l'auditeur. « Insist And Demand » reprend la route meshugguienne pour se sortir de l'ornière, mais c'est surtout une certaine déprime qui en ressort. Heureusement, dès « The Good, the Bad, the Other » la lumière jaillit à nouveau, et elle ne baissera plus en intensité jusqu'à la fin.

 

Pas mal. Pas mal du tout, donc, ce Outside the Spiral. Vraiment. Sauf que, propose-t-il vraiment une musique à la hauteur de ses prétentions ? Surtout qu'en son milieu, mouôôôrf, ça sent un peu le renfermé (cf. quelques lignes plus haut). Alors oui, la démarche est intéressante, certains contrastes juteux, certains pas de côté brillants. M'enfin pas non plus de quoi provoquer des youyous enthousiastes dans la casbah, ni faire exploser des feux d'artifice à la sortie de nos enceintes. Ni ouvrir les portes d'un nouveau sous-genre. Ni revitaliser un Tech-Death soi-disant moribond. On a beau être un pionnier, un visionnaire même, de temps en temps il vaut mieux ouvrir un peu moins grand sa boîte à chicots, et proposer sa popote pour ce qu'elle est : une alternative sympa, pas exempte de défauts, mais intéressante... par contre certainement pas le miracle que tout une scène attendait.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte : Till The Dirt, c'est la leçon d'audace que Kelly Shaeffer (Atheist) prétend administrer à une scène Tech-Death ayant – selon lui – perdu de son intérêt. Cette croisade, qui prend la forme d'un mariage entre ce bon vieux Technodeath et, dans le désordre, du Grunge, du Stoner, du Meshugcore, etc, a convaincu certains vieux de la vieille comme Scott Burns, Steve DiGiorgio, et les pontes de Nuclear Blast. Et c'est vrai que de ces mélanges incongrus naissent quelques belles pépites. Mais pas que, loin de là. Du coup, la leçon c'est peut-être Mr Schaeffer – l'arroseur arrosé – qui la reçoit. En l'occurrence celle-ci : quand ta muse a perdu un peu de son éclat, les pilules – tes nouveaux projets, donc – passent mieux avec un peu d'humilité. Qu'on se le dise !

photo de Cglaume
le 03/10/2023

2 COMMENTAIRES

8oris

8oris le 03/10/2023 à 17:34:03

La chro semble indiquer que le groupe (s'?) est survendu dans le dossier presse? :D
En tout cas, plutôt plat pour ma part même si on sent de belles intentions, plus du death technique que du tech-death, agrémenté de débordements stylistiques plus assumés qu'assumables. La voix fait mal sur les passages en clean ("Who Awaits" m'a fumé) et je trouve les riffs vraiment pas ouf ("Watch You Grow Old": inventivité/20)
En tout cas, très profondément enterré sous un Gorod ou un Archspire, là, ça ressemble plutôt à Jean-Michel Boomer qui s'occupe de répondre au cahier des charges rédigé par 4 DA pas d'accord entre eux et payé par un label qui ne prend plus trop de risques avec ces vieux chefs de projet. J'aurai été moins généreux d'un bon point au moins...En plus c'est long!

cglaume

cglaume le 03/10/2023 à 19:07:52

Haha, la mini-chro de tueur ❤️

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