HELLFEST 2020 - Vendredi 19 juin

HELLFEST 2020 Vendredi 19 juin (dossier)
 

 

The OffSpring : Warzone, 11:00

 

Pour lutter contre les effets délétères de l’entre soi musical et pour apporter sa pierre à l’édifice du tournant révolutionnaire, l’organisation du Hellfest décide cette année 2020 de bousculer un peu les habitudes des festivaliers.ières en programmant des groupes sur des scènes qui leur sont totalement antagonistes. Très préoccupée par les dynamiques de changement social et ayant fait du risque subversif son leitmotiv, la Hellfest prod, le cœur vaillant, s’en va mener une guerre contre l’inertie spectaculaire. C’est donc dans un mélange de styles des plus déroutants, pour qui s’acharne encore religieusement dans le confort de ses certitudes esthétiques, que l’on retrouve du Grind sur la Mainstage 1, du Néo sous l’Altar ou encore du Rock FM sous la Temple. Cette logique va voir The OffSpring se retrouver parachuté sur la Warzone, scène traditionnellement plus encline à proposer des groupes punks, unanimement réunis autour de son esprit légendaire « Fuck Da System !! ». Un esprit partagé consciemment ou inconsciemment par tous les fans de musique Punk.

Le groupe étant programmé à 11h du matin, je fais l’effort de me lever plus tôt qu’à l’accoutumée et me rends sur la Warzone pour apprécier la prestation des américains de The OffSpring, que j’ai arrêtés de suivre après l’excellent Smash. Les attentes sont énormes après la déception matinale qu’était le concert de Deep Purple sur la même zone. J’attends un peu dans les rangs d’oignons avec Jean Denis, un inconditionnel du groupe depuis toujours. Il me dit que le concert devrait être épique, et que si The Offspring est sur la Warzone et pas sur une Mainstage, c’est que Ben Barbaud a personnellement insisté pour que le groupe, dévoyé par le système, joue devant un parterre de fans remontés comme un Phil Anselmo après avoir sifflé un cubi d’Muscadet backstage. Les mecs de The Offspring vont dérouiller c’est sûr.

Les membres arrivent sur scène tout penauds comme s’ils rejouaient Woodstock 99. Les lunettes de soleil Gucci de Dexter, marqueur social insupportable, en agacent plus d’un. Et BIM !!, le premier projectile est parti, d’une fronde il me semble. Il atterrit en pleine poire du chanteur, comme celle qu’il avait pu goûter en 99. Première prise de parole du chanteur dans un Français impeccable : « Les gars, déjà sortez de derrière vos amplis, on a en guise d’excuse un show à assurer. Salut tout le monde ! On est The Offspring et on est super ravi de revenir aux sources devant un public « fuck da system ». Juste si vous pouviez éviter tout ce qui est tranchant, inflammable et pyrotechnique. On est là pour vous présenter des excuses avec pour seule médiation notre musique. Alors soyez sympas, c’est pas facile pour nous d’être là aujourd'hui, donc un peu d’indulgence ». La prise de parole de Dexter touche à sa fin et putain !!! Qui débarque sur scène ? Ben Barbaud !! L’album Americana en main, il le biffle sans ménagement devant les membres du groupe et repart avec désinvolture, le sourire jusqu’aux oreilles. Le concert n’a pas encore commencé que nous vivons déjà un moment historique.

Le groupe ne se dégonfle pas et entame son set par les retentissants palm muting de « Have You Ever ». La foule s’agite, la gronde monte mais n’arrive pas à décoller, seuls les pieds de l’auditoire se lèvent instinctivement pour taper la pulsation d’un titre imparable de fraîcheur. Toute la foule « Fuck Da System » se regarde, se toise sans pour autant pouvoir mettre fin à ce mouvement ni trouver une explication rationnelle à un tel engouement pédestre. Les bras sont croisés, la mine est patibulaire mais les pieds toujours plus fracassants sur un sol qui commence à dégager un nuage de fumée digne des temps forts de la loi Travail. Le titre se termine, le groupe ne laisse pas l’occasion aux festivaliers « Fuck Da System » de reprendre les invectives. Il enfonce le clou de la provocation et enchaîne sur « The Kids Aren’t Alright ». S’ensuivent « Self Esteem », « Come Out And Play »: les Américains présentent leurs excuses de la meilleure des manières. La rébellion est déjà bien derrière nous, on a connu plus téméraire comme public. Le groupe dont nous détestons la trajectoire et la déchéance starisante a renversé notre colère pour au final obtenir l’adhésion viscérale de l'assistance. Le dernier accord plaqué, The Offspring nous remercie pour la clémence et la belle énergie que nous lui avons renvoyées. Dexter conclura le show sur ces quelques mots : « Cette scène est faite pour nous les gens, Mea Culpa ! On en a fini des Mainstages !! Nous on veut rejouer du Punk comme à l’époque de notre âge d’or ». Pour nous remercier et transcendé comme il l'est, Dexter sort son sexe et veut nous faire une GG Allin avant que Ben Barbaud ne l’en empêche: « Calme toi Dexter !! Tu n’es pas obligé de faire ça pour regagner de ta Punk cred. Vous serez programmés sur la WarZone lors d’une édition moins Fuck Da System, c’est promis ! ».

Jean-Denis me dit avant de partir « que la musique mainstream des fois c’est quand même vachement opérant, on a beau dire, même pourrie par l’industrie musicale elle peut garder toute sa saveur d’antan ». Regrettant mutuellement nos attitudes snobs du début, nous nous quittons sur une copieuse étreinte agrémentée d’une flatteuse petite olive Punk.

Pour conclure : Grosse erreur de la part des organisateurs qui, emportés par l’effervescence et l’aveuglement révolutionnaire, ont programmé un groupe dont le sursaut Punk a su réveiller toute la superbe de ses membres.

-- Freaks --

 

 

Primordial : Temple, 16:45

 

C’est pour la énième fois que je me rends sous la Temple, cette fois pour assister au concert de Primordial. Une édition du Hellfest qui pour moi sera définitivement placée, après les concerts de Pénitence OniriqueRegarde Les Hommes Tomber, Abbath & co, sous le signe de la conversion au Black metal. Un genre sur lequel j’ai longtemps fait l’impasse. Et puis c’est sous l’impulsion et l’engouement de mes p’tits camarades de CoreAndCo que ce style s’est révélé à moi. Cœur avec les doigts les zouailles, j’aime bien l’influence que vous pouvez avoir sur mes goûts musicaux, et ce depuis un bout de temps maintenant. Mais bref, range tes violons d’éternel emokid, Freaks, et adopte une attitude davantage blackisante si tu veux faire un report de Primordial digne de ce nom. Si tant est qu’il existe une attitude Black à proprement parler.

 

Le concert va bientôt commencer, juste le temps pour moi de refaire les niveaux. Je m’empresse ensuite de faire une percée dans la foule et de rejoindre la ligne de front tout en prenant bien garde d’arriver la rasade préservée.

 

Le groupe rentre sur scène avec toute la prestance et l’autorité qu’il dégage à l’accoutumée. Les présentations faites, Primordial entame son set sur l’excellent titre « Failures Burden ». Le mix est bon, le son retentissant comme il faut. L’évaluation et le point auditif faits, je profite pleinement de la générosité d’un chanteur toujours aussi investi dans son art.
Le titre touche à sa fin et c’est là, sur la conclusion slidée de « Failures Burden », qu’une coupure généralisée survient. Quelques minutes interminables passent et le courant revient sous les applaudissements du public. Malheureusement pour nous, les membres du groupe ont quitté la scène, surement pour se soulager un peu backstage. Un à un et sous l’ovation du public, les membres se remettent derrière leurs instruments respectifs. Le dernier à remonter sur scène est le charismatique chanteur Alain Averill. Il semble un peu perdu, cherchant étrangement ses marques. Il se saisit enfin du micro et annonce dans un Irlandais désastreux : « Ok and now EMPIRE FALLS !! ». Complètement désorientés et consultant leurs setlists, les membres de Primordial ne comprennent pas ce changement de dernière minute. Et là l’évidence pour moi qui suis aux avant-postes: putain mais c’est Soral !! Le mec a profité de cette coupure de jus pour se grimer aux couleurs des corpse paints d’Alan Averill !
Alan, ayant entendu le truc se faire des backstages, se rue sur scène, avec la mine patibulaire et le regard noir qui le caractérisent.
« WHO THE FUCK ARE YOU ??? ».
Je suis Alain Soral et suis là pour célébrer la chute de l’empire islamo-gauchiste, un empire soutenu par le complot americano-… »
- GET OUT OF MY STAGE !! » lui rétorque Alan, le joutant sauvagement à grand renfort de pied d’micro. Soral, dans son élan, cherche à rejoindre le pit en slammant. Ne pouvant compter sur la solidarité du public, il se rétame comme une merde. Un public rejouant la scène de Moïse ouvrant la mer rouge et déjà nostalgique du concert de Regarde les Hommes Tomber. La jubilation est unanimement partagée devant la déchéance de ce nazillon prêt à tout pour faire passer ses idées nauséabondes. Le service d’ordre, assuré par des festivaliers sensibles à la philosophie DIY, Soral se voit dégagé en compagnie de son saboteur de complice tel un Filkenkraut un soir de nuit debout.

 

Le groupe reprend après ce consternant épisode le cours de son concert. La suite vous la connaissez : un riffing épique et casse-nuque servi par des montées en puissance qui ont fait la marque de fabrique du groupe. Les meilleurs titres du combo se succèdent avec l’intensité qu’on connaît. C’est enfin en guise de conclusion que Primordial annonce cette fois-ci « Empire Falls ». Un titre fleuve dont l’amplitude n’a d’égale que son efficacité, et qui mettra tout le monde d’accord. J’en ai encore des frissons… 

 

P’tit big up de fin d’report à la team et à Nikita pour m’avoir fait découvrir ce groupe, et sans qui je n’aurais jamais assisté à ce concert d’anthologie. 
« Il a marché à fond le gars » Mouaha !!

-- Freaks --

 

 

Abbath : : Temple, 20:50

"Une perf’ rédemptrice ?"
 
Abbath et moi, c’est une histoire … – euh comment dire ? – compliquée !

Que d’occasions m’ont été offertes ces quatre dernières années pour me défier de cet homme aux jambes arquées et de son Black proche de prendre la poussière.

Résumons :

  • Hellfest 2016 : un live accablant tant la formation a enchaîné les problèmes techniques (staff aux abois, son dégueu, guitare coupée sur "Tyrants" !) et les performances brouillonnes, rappelant à d’aucuns les prestations inégales lors de leurs précédents passages avec Immortal (2007, 2010). Et voilà Abbath réduit aux « What The Fuck ? »…
  • Xtreme Fest 2017 : Re-tuile ! Abbath le Maudit ! Tout le line-up a chopé une gastro carabinée la veille de son passage sur la X-Stage ! Résultats : concert écourté, un musicien contraint de jouer derrière la scène (la bassine aux pieds) et un leader devant quitter la scène à quelques reprises pour se soulager ! Mais le live s’est malgré tout tenu avec une grosse demi-heure forcément délicate, alors que toutes les conditions étaient réunies pour qu’il soit annulé.
  • Motoc’ 2018 : Abbath a les heurs de la clôture de la journée du samedi sur la Dave Mustage. Le frontman, fortement alcoolisé comme trop souvent, nous gratifie d’une performance tout bonnement honteuse. Le quart du set au moins est composé d’interminables et incompréhensibles tirades, les morceaux sont bâclés. Tout le groupe titube. Devant ce spectacle navrant, je me suis barré avant la fin. Pauv’ gars.


L’intempérance d’Abbath peut faire sourire : certains ont visionné les vidéos de sa luge monumentale aux Metaldays 2017 (le même été d’ailleurs où des instruments ont été perdus en Espagne). D’autres se rappellent plus récemment l’annulation de la tournée sud-américaine fin 2019, suite à un concert cataclysmique à Buenos Aires et du départ tonitruant de la bassiste Mia Wallace en janvier 2020.

Quoi qu’il en soit, c’est direction cure (confinée) de désintox’ pour un Abbath au bord de la rupture.

Tout ceci mis bout à bout, vous comprenez qu’il n’était pas question que je me pointe sous la Temple ce vendredi soir ! À part que… J’avais lu des commentaires plutôt positifs de leur passage à Toulouse au Metronum le 30 janvier dernier avec 1349 et Vltimas

Et voilà que la pluie fine qui s’est abattue sur le Hellfest ce soir-là – on se serait cru à Cherbourg – achève de me convaincre…

Je ne suis pas le seul. Sans surprise, la Temple est pleine. La scène en jette d’emblée : un immense logo du groupe a été flanqué sous la batterie surélevée, enchâssé entre les Marshall. Ça le fait ! On espère juste tous qu’Abbath n’ira pas s’embrocher dessus comme un délicieux cochon de lait. Un set d’une heure nous est promis. Marqué par une entrée étonnamment discrète du boss, il débute tout comme lors de la tournée européenne de début 2020 par "Hecate" du dernier opus Outsider, suivi par "Count The Dead" extrait de l’album éponyme : les petits pas chassés et les épaulières crantées - repères indispensables ^^ - sont bel et bien là ! Tout est fait avec les lights pour que les regards se portent sur Abbath, bon client du Hellfest, mais ce dernier fait preuve d’une inhabituelle retenue. Il ne prend la parole qu’à une seule reprise pour parler de ses problèmes d’alcool. Avant de s’excuser, la gorge saisie par l’émotion, auprès des trop nombreux fans qu’il a pu décevoir. Après quelques secondes d'un silence assourdissant, tout le monde applaudit. Moment fort. Respect.

Côté musique, une grosse partie du set est composé de titres de l’album sortie en juillet 2019 et le plus grand mérite de ce concert est d’avoir donné vie et énergie à des morceaux juste convenables qui ne m’avaient guère transcendé. C’est ainsi que "Bridge of Spasms", "The Artifex" et surtout "Harvest Pyre" sont enchaînés avec ardeur, agressivité et maîtrise. Les autres membres du groupe se sont mis au diapason de leur leader, surtout à la batterie, redoutable. Donc peu de morceaux d’Immortal à se mettre sous la dent ("In My Kingdom Cold" de Sons Of Northern Darkness et le sublime "Against The Tide" de Damned In Black). Un bémol ? Pas forcément. Peut-être est-ce là une volonté assumée de passer à autre chose, afin de ne pas rester harnaché à ces années chéries… Qui sait ?

Dernière p’tite chose : le titre de clôture. Abbath achève avec fougue son set par … "Tyrants", celui-là même qui a été interrompu et sabordé il y a quatre ans sur la même Temple ! Malin le bougre… Revanche a été prise, dignité et respect ont été retrouvés, ne serait-ce que le temps de cet énième passage en terre clissonnaise. 

Je n'avais pas passé un aussi bon moment sous la Temple depuis la claque infligée par Inquisition en 2016... C'est dire ! 

Une question finit par me tarauder : Abbath serait-il redevenu Abbath ?

-- Seisachtheion --

 

 

Mayhem : Temple, 23:10

 

Me voici de retour au Hellfest, sept ans après ma dernière venue. La programmation de la Temple le dimanche de l’édition 2012 avait marqué un point culminant qu’il était difficile d’égaler. L’affiche de cette année, audacieuse, pleine de surprises et d’inédits, a fait que je me décidais à revenir, pour une journée seulement, le vendredi en l’occurrence.

Tête d’affiche de la Temple, Mayhem, fort d’un album monumental sorti récemment, est un habitué des terres françaises et joue pour la quatrième fois au Hellfest. Après les scarifications de Maniac, les costumes de scène variés d’Attila (le Bugs Bunny de Bordeaux est encore dans de nombreuses mémoires), le décor fait d’ossements de 2013, on pouvait s’attendre à un show exceptionnel. Tandis que résonne la traditionnelle intro « Silvester Anfang » dans un noir complet, les musiciens investissent la scène et attaquent par un « I Am Thy Labyrinth » des plus brutaux. La mise en son est phénoménale, les guitares acérées et puissantes, la batterie juste à sa place, permettant d’apprécier à sa juste valeur le jeu de Hellhammer. C’est justement son kit de batterie, ou plutôt ce qui l’encadre, qui attire les regards en ce début de set: deux formes oblongues, hautes comme un homme, recouvertes par des draps de soie noire.

« Pagan Fears » arrive ensuite et quand Attila vomit son « The Past Is Alive », il tire sur les soieries, révélant deux cercueils debout. On peut distinguer sur les plaques de cuivre les noms de « Øystein Aarseth » et de « Per Yngve Ohlin ». Pas forcément de bon goût, mais ça n’a jamais été la qualité première de Mayhem. Ce dernier déroule ensuite un set qui n’oublie aucun de ses albums, axé sur la violence. Au milieu de « A Time To Die », les deux cercueils s’ouvrent, laissant apparaître deux cadavres humains dans un état de décomposition sévère, mais dont la silhouette générale laisse penser qu’il pourrait vraiment s’agir de Dead et Euronymous. L’odeur qui envahit la Temple est insupportable mais Mayhem poursuit son concert, très concentré, pour délivrer des interprétations bourrinnes au possible, en terminant sur un « Pure Fucking Armageddon » d’anthologie. Ce dernier morceau voit Attila verser du sang sur les autres musiciens. Ces derniers jouent les dernières mesures dans le noir complet et quand le public comprend que le show est terminé, il se précipite comme un seul homme vers l’extérieur à la recherche d’air pur.

-- Xuaterc --

photo de Pidji
le 07/09/2020

3 COMMENTAIRES

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 07/09/2020 à 17:31:05

GG Allin, Soral, Abbath et le cirque: génial !

ZeBlackRider

ZeBlackRider le 08/09/2020 à 23:51:01

Mais le Hellfest de 2020 n'a pas eu lieu...

Freaks

Freaks le 10/09/2020 à 01:04:16

Le monde d'avant était un peu mieux, laisse nous cette nostalgie :p
Et oui un monde plus merdique est encore possible ;)

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