HELLFEST 2020 - Le week-end de Tookie

HELLFEST 2020 Le week-end de Tookie (dossier)
 

 

JOUR 1 :

Afin de limiter mon empreinte carbone annuelle, et de me remettre au sport à la sortie du confinement, je décidais de faire les 700 kms entre mon Pas-de-Calais natal et Clisson à vélo.
Un effort pour l'écologie (et pour mon bien-être) qui, s'il m'avait permis de dessiner mes mollets, eut aussi raison de ma forme.

ImageAfin de me motiver sur les derniers kilomètres qui me séparaient du camping, je décidais d'enlever la selle. Même après de 10 jours de vélo, la perspective de marcher en cow-boy tout le weekend me refila un petit coup de boost.

Je pénétrais dans le camping le jeudi 18 Juin, aux alentours de 22h afin de rejoindre, partis du 6-2 le matin et arrivés quelques heures avant moi.
Les autres campeurs festivaliers s'installaient silencieusement, soucieux de ne pas déranger leurs voisins. La virilité ne se mesurait pas au volume des rots ni au nombre de bouteilles de bières vidées, c'était sympa. Ça parlait et ça riait suffisamment fort pour être entendu mais pas assez pour déranger le voisinage.

Tout aurait pu être parfait s'il n'y avait pas eu ce festivalier qui s'était soudainement mis à hurler : "AAAAPPPPEEERRRROOOO !!".
Un néerlandais vêtu d'un T-shirt de Mayhem trouva la réponse adéquate en empalant le fauteur de troubles avec le piquet de son parasol Amstel.
Un geste salué par des applaudissements venant de l'ensemble de l'assistance, exception faite d'un jeune dreadeux qui rangea alors discrètement son djembé.
Malheureusement le corps était encore parmi les tentes le lendemain matin, alors SVP, l'orga, dans les années à venir, songez à mettre quelques sacs mortuaires à proximité des chiottes par exemple, que l'on sache où emballer et laisser les relous.

La nuit se déroula calmement, mais usé par mes 700 kms et handicapé par une sévère douleur à l'anus (ne me jugez pas, les 500 derniers mètres furent vraiment difficiles), je fis l'impasse sur les premiers groupes (dont tout le monde se fout toujours) pour me motiver à aller voir Leprous.

Les Norvégiens régalant depuis des années avec leur pop-prog metallique et après 50 minutes de "AaaAAAAaaaAAAAahah" étendus sur 3 octaves, j'affirmais à la fin du live, que j'étais de plus en plus fan de ce groupe. Même s'ils nous avaient offert un nouveau titre dont le refrain était "WoooOOOooohoho". Audacieux mais décevant.

S'en suivit un live écourté de The Inspector Cluzo. Après quelques titres sympas (mais bon sans plus, ça restait The Inspector Cluzo), leur discours passionné sur la course landaise et leur production de rillettes et foie gras d'oies ne fut pas du goût de notre néerlandais fan de Mayhem. Ce dernier, vegan et un peu soupe au lait (enfin, soupe au soja du coup), lança tel un javelot, un parasol Heineken en direction de la scène, perçant la peau de la grosse caisse du groupe.
Plus de peur que de mal fort heureusement.
Cela permit à Danko Jones de venir sur scène avec un peu d'avance.

Le groupe canadien, constamment en tournée, toujours entrain de sortir un nouvel album, nous dévoila son secret pour tenir un tel rythme : ne pas perdre une seule seconde.
C'est donc installés sur un podium mobile que la bande débarqua sur la Main Stage 2 se déplaçant de la gauche vers la droite de la scène à la vitesse de 1km/h. Une allure suffisamment lente pour ne pas déranger les musiciens, suffisamment rapide pour traverser la scène en 45 minutes. Alors que l'on entrevoyait un bout de coude du bassiste, la musique était déjà en route et s'acheva lorsqu'on ne vit plus les techniciens qui poussaient péniblement le podium.
Je recroisais le groupe un peu plus tard en espace VIP, toujours entrain de jouer. Les doigts en sang, la voix éraillée mais tous demeuraient motivés. Je marchais alors sur un intermittent, épuisé, essoufflé, qui répétait sans cesse "J'ai mes heures, j'ai mes heures" au pied de leur scénette.
Image
Je quittais les grosses scènes pour m'approcher de la Valley où jouait Powerflo, sorte de Body Count au rabais. Du Bodyscount. Je répétais cette blague à mes amis sans leur provoquer le moindre rictus, mais un gérant de salle de sport, un néerlandais, me racheta le nom pour 30€ que j'allais immédiatement claquer au merch contre un T-shirt trop grand (et pas très beau) mais il ne restait plus que du XXL et je ne souhaitais pas repartir les mains vides après 2h45 d'attente.

Encore fatigué par ma route à vélo, je décidais de faire un somme et fit donc l'impasse sur Dog Eat Dog. Puis Baroness. Et Primordial. Et At The Gates. Et Frank Carter, fraîchement sorti de sa cure mensuelle. Et The Offspring. "Ça c'est con !" me disais-je en calant mon skate entre mon dos et mon sac Eastpak avant de faire une partie de Snake sur mon Nokia 3310.


Mais je me réveillais pour Mayhem (privé de son plus grand fan, arrêté par le service d'ordre)...devenu vegan également ! Sur scène, les têtes de cochon avaient été remplacées par des bouquets d'arums, de tulipes et de roses.
Un peu plus tard, en interview, un webzineux demanda au groupe : "Cette bifurcation d'ornements scéniques est-elle l'abord d'une nouvelle philosophie positiviste à l'instar de celle développée par les Lumières ou Auguste Comte ?"
Ce à quoi le groupe répondit : "Non non, c'est juste que c'est plus joli et que ça coûte moins cher que d'aller à Henri Boucher"
Le concert était sympa, mais on sent que le groupe n'est plus "trve BM" !

Alors que la nuit était tombée, je retournais sur la Main Stage 1 pour le triptyque : Opeth, Incubus, Deftones. Trois groupes de ma jeunesse envolée, trois groupes dont j'avais toujours été archi fan.
Ce fut d'abord au tour d'Opeth. Le concert étant filmé pour un DVD, des soucis techniques vinrent, comme le veut la tradition dans tous les DVD d'Opeth, émailler chaque titre et le live prit finalement la tournure d'un stand-up d'Akerfeldt qui prit la parole pour nous occuper. On n'aura finalement entendu aucun morceau dans son intégralité, mais on s'est bien marrés. Le groupe sera donc présent pour l'édition 2021 du festival du rire de Montreux.

Quant à Incubus, ce fut toute une génération d'ados attardés qui se massa sur le devant de la scène. J'étais donc au premier rang pour voir l'équivalent rock des Backstreet Boys. Malheureusement, il s'agissait d'une tournée anniversaire. Pour les 9 ans (?!) de If not now, when ?. Le groupe décida de jouer intégralement son album le plus ennuyeux, pour ne pas dire soporifique. En 15 minutes, 20.000 spectateurs trouvèrent le sommeil. À 22h30, un vendredi soir pour des trentenaires souvent jeunes parents, c'était hélas le risque.
Fort heureusement, en quittant la scène, un intermittent maladroit fit tombé un micro qui claqua au sol et réveilla tout le monde pour...


DEFTONES !!!!!


Complètement cramé du groupe, je jouais des coudes en espérant toucher leur leader charismatique. Ce fut un Chino Moreno amaigri qui apparut sur scène. Il commença alors un speech dans un français impeccable, magnifié par son accent d'anglophone.
"Si je suis là, devant vous, c'est pour vous parler de "BIIIIPPPP" (je censure la marque). Comme vous le voyez, j'ai retrouvé mon poids de forme et surtout, je suis devenu mon propre patron en gagnant 2000€ par mois avec seulement 4h de travail par jour".
Éberlué, le public fronça les sourcils.
Puis, d'un coup, dans un cri rageur, il lança, en anglais : "Voulez-vous être votre propre patron ?"
Le système scolaire français délaissant les langues étrangères, le public pensait que le concert commençait à cet instant. Au lieu de cela, le nom de la marque de produits nutritionnels s'afficha sur les écrans géants, laissant tout le monde perplexe.
Comme vous le savez, Chino Moreno quitta ensuite la scène pour aller mourir d'insuffisance rénale, empoisonné par les produits dont il faisait la promotion.


Je retrouvais donc ma tente les yeux embués de larmes : cette première journée fut riche en émotions et j'avais toujours un peu mal au cul.

 

 

 

JOUR 2 :

Ce ne fut que lorsque la température dans ma tente fit exploser le thermomètre que je me réveillais. Il faisait 40 degrés à l'intérieur, 12 à l'extérieur et il était 6h25.

Je me rendis devant les grilles d'entrée avec un tout petit peu d'avance (3h30 environ) sur leur ouverture. À cette heure-là s'apprêtaient à être embarqués les détritus ainsi que les corps des slammeurs de la veille, froidement exécutés pour l'exemple, par la police municipale de Clisson. Encore une fois, bravo et merci aux bénévoles pour leur travail.

Programme chargé ce samedi puisque j'avais prévu de rester à l'espace VIP toute la journée et de broder un texte en compagnie des journalistes de la PQR invités qui prenaient des notes sur le concert retransmis à la TV sur la Main Stage.

Lentement mais sûrement vint l'heure de l'apéro du soir et d'Alestorm. Je partis donc me mêler à la populace pour l'occasion. Le groupe avait mis les moyens scénographiques cette année en habillant la scène avec de vrais canons. L'inévitable fut évité : personne ne tira de boulet et aucun spectateur ne mourut ou ne perdit de membre suite à un malheureux accident !
Le concert se déroula tout à fait normalement et ce fut un excellent moment durant lequel nous avons ramé, chanté, pogoté. C'était cool !

S'ensuivit Airbourne, la version modernisée d'AC/DC en moins cher, sans démence, ni couches pour adultes Tena.
Le hard-rock'n'roll bien rageur des Australiens a "électrisé l'assemblée" (c'est mot pour mot ce que le journaliste PQR, avec lequel j'avais sympathisé, a dû écrire). Bon, de mon point de vue, c'était Airbourne, donc tous les titres se ressemblaient. Mais le show prit une sacrée tournure lorsque le chanteur-guitariste, comme à son habitude, grimpa sur les pylônes et fut brusquement pris de vertiges. Trop apeuré, ne souhaitant pas descendre, il fallut finalement ressortir les canons d'Alestorm pour détruire la tour métallique. On orienta correctement les canons pour ne blesser personne. Après avoir lancé trois boulets, le poteau métallique plia et l'artiste descendit tranquillement pour reprendre son solo sur la terre ferme. Une histoire qui aurait pu mal tourner si parmi les spectateurs morts finalement écrasés par des débris du pylône, il y avait eu des gens célèbres. Ouf, ils étaient tous anonymes et leur décès ne provoqua pas d'émoi sur les réseaux sociaux. Alors, malgré ce petit oubli sur la manière dont allait tomber cette tour :  "The show could go on !"

La suite fut encore plus surprenante à l'arrivée d'Infectious Groove.
Oui oui, vous avez bien lu Infectious Groove et non Infectious Grooves. Il s'agit d'un nouveau all-stars band de metal groovy composé de Didier Raoult, Olivier Veran et Michel Cymès. Un clin d'oeil évidemment à la crise que nous venions de passer. Malheureusement, chacun souhaitant avoir la vedette en jouant de la basse, le groupe se sépara avant de jouer la moindre note.

Déçu, je quittais la Main Stage pour aller voir Envy dans la Valley. Ce groupe m'avait mis presque aux larmes en 2019 et, accessoirement, avait fait sensation auprès de milliers d'autres. Tout se passa comme prévu : leur album sorti en janvier dernier fut joué en intégralité. Puis les 6 autres précédents. Résultat, on s'est couché à 8h du matin ! C'était super et j'ai même pas pleuré (en revanche j'ai tenté de m'ouvrir les veines avec un couteau à beurre, je peux vous dire que ça irrite la peau). Le chanteur fût finalement interrompu, emmené par les pompiers.

Je vous copie colle un extrait d'un article de mon camarade de Ouest-France à ce sujet :

"Tetsuya Fukagawa a été conduit au petit matin par les pompiers au CHU de Nantes pour examens. Les radiographies ont révélé qu'il s'était désarticulé les poignets, coudes et épaules à la suite de mouvements répétitifs, trop amples et trop nombreux depuis deux décennies. Cette triple désarticulation, (un cas extrêmement rare) serait intervenue au tout début du concert. Malheureusement, le chant ainsi que le jeu de scène de Monsieur Fukagawa ressemblant à ses cris de douleurs, aucun témoin ne comprit qu'il avait vraiment mal et 12.000 personnes ont écouté ses plaintes pendant 7 heures avant qu'il ne tombe d'un malaise vagal."

Je rejoignais ma tente à 8h30 du matin, un peu amer sur cette étrange journée.
Il faisait déjà 40 degrés sous ma tente et, même si je m'étais abstenu d'en parler j'avais toujours mal au cul.

 

 

JOUR 3 :



Après m'être couché aux aurores, je me réveillais finalement au coucher du soleil, ratant ainsi des dizaines de groupes de cette passionnante journée de clôture.
Ce fut une vibration de mon téléphone qui me réveilla : "MANOWAR ANNULE !"
Incroyable ! Le groupe n'était même pas prévu à l'affiche et il osait annuler à quelques heures de la fermeture du fest !

Abasourdi par la nouvelle, alors que je n'aime pas le groupe et que je ne souhaitais même pas le voir, je pénétrais une dernière fois dans l'enceinte pour me diriger au hasard des scènes et des concerts qui s'y jouaient.
J'avais gâché la journée à ronfler mais cela m'avait permis d'éviter tous les commentaires nazes de gros beaufs à l'esprit étriqué metalleux sur Babymetal. Même s'il faut bien le dire : c'est de la merde.

Après Envy et Babymetal, le Japon fut de nouveau à l'honneur avec Maximum The Hormone qui décida de prendre le contrepied de l'assistance en jouant des titres de tous ses albums...sauf Buiikikaesu, le plus populaire ! Autant dire qu'un seul et unique spectateur, coincé au milieu d'une foule immobile, y trouva son compte hurlant "Naaaawwaaaakkkk" dans une sorte de frénésie délirante. L'individu, rouge écarlate suite à son imbibition abusive d'alcool et une exposition au soleil dangereuse depuis trois jours, quitta ensuite la fosse pour aller voir Devin Townsend et se fraya un chemin en faisant l'hélicobite. Une technique personnelle, aujourd'hui sérieusement envisagée par les autorités afin de maintenir une certaine distanciation sociale dans le métro en cas de seconde vague de COVID.

Lorsque KoRn monta sur scène, on commença à entendre un orage tonner au loin. Invité 24 fois en 15 ans sur l'affiche du Hellfest, le groupe risquait-il d'annuler son concert pour des conditions météos ?
Oui et non. Non car le groupe a bien joué trois morceaux, mais tous les membres ont été électrocutés simultanément. Fort heureusement, plus de peur que de mal pour les membres qui reviendront sans doute pour l'édition 2021, si leurs brûlures aux doigts cicatrisent à temps.

Sitôt le concert stoppé, le ciel s'éclaircit à nouveau et Judas Priest grimpa sur scène. Dans la fosse, des retraités se levèrent enfin de leur chaise pliante. Ce concert inoubliable fut malheureusement oublié par la plupart des fans, l'âge opérant sa triste besogne.

Pendant le même temps, Killing Joke et Meshuggah me firent un deuxième puis troisième trou de balle.

Mais le grand moment vint de System of a Down.
La bande arméno-américaine joua tous ses tubes impeccablement, des titres repris par chacun. C'était clair comme sur un disque, c'était parfaitement interprété. Pas un pain, une énergie folle et une ambiance incroyable. Mais le véritable événement se passa entre "Chop Suey" et "Prison song" lorsque deux membres échangèrent d'abord un regard puis UN SOURIRE !
Depuis sa réunion en 2010, le groupe n'avait jamais vécu une telle osmose, une telle proximité humaine. Certains affabulateurs dirent les avoir vu discuter en coulisses : une rumeur sans preuve qui se vérifiera peut-être pour l'édition 2021 ?

Car nous y étions, il était 2h du matin et...c'était fini. Même que pour nous le faire comprendre, la production invita Jean-Louis Aubert pour chanter "Voilà, c'est fini"
C'en fut d'ailleurs fini pour Jean-Louis Aubert lui-même, empalé par un pied de parasol...Orange.

 

 

photo de Pidji
le 07/09/2020

6 COMMENTAIRES

sepulturastaman

sepulturastaman le 07/09/2020 à 12:17:52

Bodyscount ; j'ai ri.

8oris

8oris le 08/09/2020 à 14:01:08

Entre les images et le texte, ce report, c'est comme du coq au vin pour un poivrot! 

Freaks

Freaks le 10/09/2020 à 01:53:07

Finir sans selle... Du hardcore pur jus ;)

Freaks

Freaks le 10/09/2020 à 01:55:25

Pour rester sur la musique... Envy c'est du très très gros braqué ;)

Freaks

Freaks le 10/09/2020 à 01:56:27

Et les mains en l'air ;) 

nipalvek

nipalvek le 10/09/2020 à 11:50:39

Cette humanité entre les membres de Soad fait chavirer le coeur 

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