HELLFEST 2024 - Le week-end de Moland - Deuxième partie

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samedi 29 juin au Hellfest 2024
Ah, Julie Christmas... C'est pour ce genre de concert qu'on va au Hellfest. Pour les promesses que contient son nom. On laisse les esprits chagrins se focaliser sur les apparentes incongruités de la programmation, discutables à l'envi pour tout amateur de débats de comptoir qui a de la salive à revendre, ces diversions nous laissent tout le loisir de jouir des moments qui resteront à jamais gravés dans notre esprit. Ces souvenirs impérissables, on ira les chercher dans les interstices, dans les recoins, dans les détails de l'affiche, loin de la clameur des main stages, là où s'agite Shaka Ponk, bavard en diable mais généreux dans son sens du show (on en aura vu un bout la veille alors qu'on admirait les mouvements majestueux de la Gardienne des Ténèbres crachant son haleine fétide en lieu et place des braseros devant l'entrée de la forêt du Muscadet) et on les doit aux nombreux artistes qui passent entre les gouttes des polémiques pour livrer des concerts d'anthologie tels que le festival sait nous en proposer chaque année. Adonc, Julie Christmas clôturera notre 3e journée en terre hellfestienne de la plus magistrale des manières, à tel point que, pour garder l'énergie qu'elle a répandue et la magie qu'elle a distillée durant son show, on fera l'impasse sur le concert de Mike Muir et sa bande qui, comme d'habitude, a retourné la War Zone avec ses tendances suicidaires en toute fin de soirée. C'est après plusieurs heures de déluge bouleversant notre programme (les plus braves auront défié les éléments pour se voir récompensés par un concert magnifique de Bruce Dickinson venu défendre son tout dernier album solo, sous la pluie, donc) que la géniale Circé prend possession de la Valley, au sol encore détrempé. En face d'elle, Metallica livrera une décevante prestation, aux dires des témoins que la pluie n'aura pas découragés. Au vu des rangs clairsemés en début de concert, on craint que la furie du ciel ait eu raison du moral de son propre public. Que nenni. Celui-ci répond présent et la Valley se remplit rapidement pour voir notre sorcière préférée irradier la scène, en compagnie de ses camarades parmi lesquels Johaness Persson, leader de Cult of Luna, arborant un bandeau tel que Björn Borg pouvait en porter et les couleurs de l'Ukraine, les mêmes que celles de sa propre patrie. Coïncidence ? Je n'crois pas ! Julie Christmas avait opéré un retour l'an passé au Roadburn, en terre batave, en visitant le répertoire de ses anciens groupes, Made out of Babies et Battle of Mice, tout en intégrant à sa setlist quelques nouveautés. Lesquelles préfiguraient un tout nouvel album, sorti dans les bacs quelques semaines avant la tenue du Hellfest. C'est cet album qu'elle nous livre dans sa version live ce soir-là. Julie Christmas, c'est avant tout une voix. Ecorchée quand elle hurle sa rage, presque enfantine quand elle susurre, toujours juste, tout en équilibre, et par-dessus tout, un timbre reconnaissable parmi 1000. La dame entre en scène dans une robe enguirlandée qui clignote et brille de 1000 feux, coiffée d'un masque du même acabit qu'elle ne tarde pas à ôter pour dévoiler sa chevelure de feu. Telle une poupée désarticulée, elle arpente les 4 coins de l'espace qu'elle envahit de son charisme en déroulant sa setlist. A la fin du concert, émue, elle descend à la rencontre du 1e rang et distribue à sa moitié une série de hugs reconnaissants. L'hôpital qui se fout de la charité, puisque c'est nous qui la remercions pour ce concert absolument fabuleux, sans doute l'un des meilleurs de cette édition du Hellfest. D'ailleurs, histoire de se démarquer davantage, vous remarquerez qu'il s'agit du seul concert dont j'assure les images en couleurs, à la demande de notre boss Pidji, comptant parmi les happy few ayant pu serrer dans leurs bras Dame Julie.
Comme la vie est une série de cycles, ce dernier se termine avec une grande dame et commence avec un groupe totalement féminin. Une journée sous le signe du slogan "More women on stage" ? Sans doute, et nous préciserons même qu'il s'agit là de la journée des sorcières envoûtantes, puisque, outre par les sortilèges de Julie Christmas, nous nous serons laissés embarquer dans les rets d'une autre Circé en la personne de Chelsea Wolfe, mais nous y reviendrons. Pour l'heure, Konvent nous servent un bol matinal de doom de bon aloi. Malgré l'heure, le combo parvient à écraser la foule sous la lourdeur jouissive de sa musique. 30 minutes de set, c'est, hélas trop court. Le groupe mérite davantage pour que le public s'installe dans son univers.
Outre un passage à l'espace presse pour assurer le portrait de 2 membres de Sorcerer qui nous accorde un entretien, nous enchaînons par un virage du côté des Main Stages pour vibrer devant le heavy metal old school mais non moins puissant de Eternal Champion (concert exceptionnel s'il en est, ne serait-ce que par la rareté des passages du groupe en France) et les envolées lyriques du power metal de Rhapsody of Fire. Vient alors l'heure d'aller nous engouffrer dans les ténèbres de la Temple pour vibrer au son du black metal de Wayfarer. N'en déplaise aux élitistes qui voient d'un mauvais oeil le succès grandissant des cowboys de Denver, Colorado, se sentant dépossédés de leur bijou de niche, et pointant du doigt, en réaction, ce qu'ils appellent des gimmicks, là où le groupe explore toujours davantage, d'album en album, l'étendue de sa palette, osant l'emploi des voix claires et incorporant d'autres instruments, la musique de Wayfarer gagne en ampleur dans sa version live. On le comprend avec ses 2 derniers bijoux, A Romance with Violence (album de l'année 2020 pour votre serviteur) et American Gothic, Wayfarer fait évoluer sa musique au même rythme que l'histoire de son pays qu'il raconte : plus sophistiquée, mais sans se déprendre de la sauvagerie inhérente à ses racines. Et partant, elle gagne en nuances. Parfaitement restituées sur scène. Il s'agit donc d'un réel plaisir de les revoir en live au Hellfest, après les avoir applaudis l'année précédente au Roadburn.
Avant que le ciel ne nous tombe sur la tête et nous pousse, comme nombre d'autres festivaliers, sous la Temple et l'Altar, les 2 seules scènes couvertes, pour nous abriter des trombes d'eau qu'il déverse allègrement, nous profitons encore du temps clément pour assister à l'un des concerts les plus intenses de cette édition. Comme à leur habitude, les Norvégiens de Kvelertak emportent tout sur leur passage, avec leur black'n'woll alliant avec brio swing, mélodies accrocheuses et fureur punk. Comme prévu, les vagues de slammeurs se succèdent tandis que Ivar Nikolaisen, le chanteur, se jette dans le public toutes les 4 chansons en moyenne. Le spectacle se joue autant sur scène que dans la fosse, dans un joyeux foutoir qui relève de l'exutoire. Le concert suivant auquel nous assistons dénote, tant sur le plan du genre musical que sur celui de son ambiance. En effet, le show de Chelsea Wolfe souffre de l'heure de sa programmation. 19h30, pour vous proposer un voyage dans la mélancolie vaporeuse, c'est un peu tôt, un soir d'été, surtout lorsque votre prestation se trouve engoncée entre celles de formations nerveuses comme Kvelertak et Mr.Bungle. Pour la prestation de ce dernier, nous renvoyons notre aimable lecteur au live report du camarade Cyril Glaume. La musique de celle qui nous a livré un des meilleurs albums de 2024, tous genres confondus, se prête à une atmosphère crépusculaire. C'est dans ces conditions que son spectacle peut déployer ses jeux de lumières hypnotiques, tout en tourbillons hallucinogènes sur lesquels se découpe son altière silhouette. En plein jour, on devra s'en passer, et c'est bien dommage. Heureusement que Dame Chelsea jouit d'un charisme qui peut s'exprimer sans le recours à aucune espèce d'artifice. Nous ne bouderons donc pas notre plaisir de la voir interpréter nombre de ses nouveaux titres.
Et puis, comme annoncé par les oracles, le ciel s'est mis à déverser son ire humide et froide. Nous avions adapté notre programme en conséquence, préférant nous réfugier sous la Temple pour les concerts de Skyclad et de Korpiklaani plutôt que de subir la pluie devant Bruce Dickinson ou la bande à Mike Patton. J'avoue avoir perdu un peu d'intérêt pour la carrière des 1e depuis le départ de leur charismatique et volubile chanteur Martin Walkyier, mais Skyclad que d'aucuns considèrent comme les précurseurs du folk metal disposent d'un répertoire suffisamment riche pour nous faire passer un festif moment, d'autant que leur setlist aligne les morceaux enclins à déclencher des gigues collectives et autres chenilles guillerettes. Ambiance fest noz sous la Temple. Les trombes d'eau à l'extérieur aidant, le public se tasse devant le concert et les nouveaux réfugiés n'ont d'autre alternative que de se joindre à la fête. Dans un élan similaire, le second groupe jouira de la même affluence, voire davantage. Au violon de Skyclad succède l'accordéon de Korpiklaani et c'est sur ses mélodies que se succèdent les slams et les danses de fête du village, dans une ambiance bon enfant des plus réjouissante où on attrape volontiers le bras du voisin pour l'emporter dans la ronde. C'est donc le sourire aux lèvres et regonflé à bloc qu'on sort de ces 2 concerts pour le point d'orgue de la journée : le concert magistral de Julie Christmas. La boucle est bouclée.
Dimanche 30 juin au Hellfest 2024
Dernière ligne droite, en ce dimanche ensoleillé qui commence pour nous avec les British de Heriot, et leur metalcore puissant qui aurait eu sa place sur la scène de la War Zone. Fort d'un 1e album sorti cette année, après plusieurs EPs, le groupe vit comme une consécration sa programmation au Hellfest, et s'en montre digne en délivrant un show maîtrisé malgré un set d'une trentaine de minutes à peine. Même tarif pour High on Fire, sur la Main Stage, et là, on se doit de crier au scandale. Une demie-heure pour ce monstre sacré du stoner metal, c'est cruellement trop court ! Fidèle à lui-même, Matt Pike se présente torse nu, et sans chichi, aligne ses riffs assassins comme le tout nouvel album du groupe, sorti en 2024, en fourmille. Les connoisseurs, parmi lesquels de nombreux représentants de la communauté stoner hexagonale, répondent au rendez-vous honoré avec classe par le groupe. En parlant de rendez-vous, nous enchaînons avec le combo parisien qui porte ce nom. Il s'agit là d'une découverte pour votre humble serviteur, et force est de constater que la musique du groupe déconcerte dans le bon sens du terme. Appuyées par des lignes de basse fort présentes, les compos se montrent énergiques, dansantes, groovy, invoquant moult influences qui rappellent ce que les groupes de rock indés et de post-punk britanniques savent faire en bousculant les frontières des étiquettes. Typiquement le genre de groupe qui navigue dans les territoires de formations audacieuses comme Ditz, Talk Show ou Nothing but Thieves. On reste dans la même dynamique avec les inclassables vétérans de Therapy? Le trio irlandais tout droit rescapé de ses heures de gloire dans les 90's, s'il ne fait plus vraiment parler de lui, dispose encore d'une aura et d'un répertoire alignant tubes sur tubes, dont plusieurs issus de leur cultissime album Troublegum : "Nowhere", "Screamager", "Knives"... Pas toujours juste, à la voix, comme d'habitude, avons-nous envie de préciser, Andy Cairns assure néanmoins suffisamment le job pour emporter une foule acquise à la cause du groupe au son si reconnaissable, notamment avec celui de la batterie, pas délicieusement aussi métallique qu'une batterie de cuisine. Coucou "Teethgrinder". C'est donc devant une Valley pleine à craquer que Therapy? nous renvoie 30 ans en arrière.
Si on pouvait rassembler les groupes vus en ce beau dimanche sous un même qualificatif, ce serait celui de festif. Mais pas dans le sens de la fête du village. Plutôt dans celui d'une soirée entre ados insouciants à qui le monde appartient. Outre la nostalgie ressentie devant des groupes forts d'une longue carrière et ayant marqué de leur empreinte les années 90, c'est une formidable énergie qui se répand dans les rangs du public qu'on ressentira pendant moult des concerts proposés ce jour-là. Les fans de David Chaussure auront sans doute trouvé leur compte devant les Foo Fighters, qui ferment la marche des Main Stages, mais pour notre part, c'est devant les prestations des Queens of the Stone Age et de Off Spring que nous aurons ressenti cette vitalité fédératrice. La bande à Josh Homme, pour commencer, dispose d'un set de plus d'une heure, suffisamment pour enchaîner tous ses tubes, de "Regular John" au tonitruant "A Song for the dead" (petit regret de ne pas avoir vu Dave Grohl venir assurer un featuring derrière les fûts), en passant par les entraînants "Little sister" et "Go with the Flow" ou encore le sexy "Make it wit Chu". Mr. Homme, plus que mouiller la chemise, la déchire littéralement, et dans toute sa charismatique nonchalance, aligne les soli dévastateurs et harangue la foule de quelques "Sing ! Mother fuckers !" bien sentis. QOTSA est clairement un groupe de live, et on pourra débattre sur l'orientation que sa musique a prise sur les derniers albums en date, il reste une formation à voir sur scène pour son énergie et le plaisir d'entendre les nombreux classiques qui composent son répertoire. En termes de tubes qui vous poussent malgré vous à danser en compagnie de vos voisins, comme on l'a vu, même loin de la scène, The Off Spring n'est pas en reste. Absolument tous les titres emblématiques de sa carrière y passent. Inutile donc de décrire l'ambiance bon enfant qui règne durant son concert : les sourires se lisent sur tous les visages.
Entre-temps, on aura fait un tour dans la zone de guerre pour vibrer au son du banjo électrique de Show me the Body et leur hardcore volubile et pour admirer le tatouage dorsal de Graham Sayle, chanteur High Vis. Ces 2 formations transpirent la sincérité dans la force de leur show respectif. Profondeur des textes, rage et mélodies accrocheuses savamment mêlées. Et puis, histoire de rester dans un esprit festif, mais dans un tout autre genre, Sierra a bien ambiancé la Valley. Seule sur scène, toute de cuir vêtue, derrière ses lunettes de soleil, et ses machines, elle délivre une electro dark et puissante qui aurait gagné en ampleur à la nuit tombée, mais qui aura quand même su trouver son public.
Enfin, notre édition 2024 se passera de feu d'artifice final, mais se clôturera avec le solide concert de Rival Sons, emmené par un Jay Buchanan tout de rouge vêtu. Sexy en diable dans sa veste, avec son langage du corps digne de la démarche souple d'un félin, il arpente la scène, pied nu, et capte l'assistance de sa voix puissante et virile. Le groupe enchaîne les titres de blues rock au groove insensé. Alors que la température ambiante de la nuit chute sensiblement, la musique des Californiens réchauffe les coeurs et c'est donc avec le sourire aux lèvres qu'on quitte le site avec la conviction d'avoir une fois de plus assisté à une édition de haute volée. On sait pourquoi on vient au Hellfest, et on sait pourquoi on reviendra. Pour ce genre d'affiche, riche et variée, alliant les valeurs sûres, les noms attendus, et les artistes qu'on ne croise que trop rarement (quand ce n'est pas la 1e fois) sous nos latitudes.
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