HELLFEST 2024 - Le week-end de Cglaume - Partie 1

HELLFEST 2024 Le week-end de Cglaume - Partie 1 (dossier)
 

 

Mercredi 26 juin 2024

Après un Hellfest 2023 manqué pour cause de légère blazitude (… c’est qu’on vieillit, et qu’on commence à en avoir fait des éditions !), les vignes de Clisson redevenaient carrément désirables à l’occasion de la cuvée 2024 du festival. En effet, apparaissaient pour la première fois à l’affiche du plus gros rassemblement de cheveux de France deux noms assez rares sur les planches hexagonales : Mr. Bungle et Clawfinger. Alors c’est la fleur au fusil et le smile en travers de la trogne que l’on a jeté caleçons, crème solaire, protections auditives et arrache-poils-de-nez dans le traditionnel sac-à-dos du festivalier, qui lui-même fut jeté, aux alentours de 14:00, dans le coffre du Hellfest BlaBlaCar affrété pour l’occasion. Et en avant pour 4 heures de blind tests joyeux et de blagues douteuses… parce que c’est la tradition : pas de grosse orgie musicale sans préliminaires conséquents !

 

Arrivée à 19:00 au gîte, bise aux proprios, dépaquetage du barda : check !

Aller-retour jusqu’au site pour choper le bracelet (une bonne heure de marche) : check !

Petite binouze sous les halles du centre-ville : check !

Dîner entre amis au restau italien Olio e Burro (on s’embourgeoise vous dis-je) : check !

Zonage au Hell City Square, et dégustation d’une Grim light “Metal” au bar Grimbergen (plus chère, et moins bonne, quelle idée !) : check !

Retour pas trop tard parce-qu’on-ne-va-pas-se-mettre-une-mine-dès-le-premier-soir : check !

 

 

Bonne nuit Clisson : demain on commence les choses sérieuses !

 

 

Jeudi 27 juin 2024

Putain d'horloge interne ! 6:30, sérieux ? Mais le tout premier concert ne commence qu'à 12:10 sur la Hellstage ?! Rhaaaaa... Qui c'est qui, forcément mort de fatigue quand sonnera le 12e coup de minuit, va encore passer pour un vieux croûton, je vous le demande ? Putain d'horloge interne, donc, au risque de me répéter !

 

Mais puisqu'on est debout, profitons-en. Parce que nos hôtes sont prévenants : jus de pomme fait maison, brioche bio, fruits, confiture de nèfles (puisque je vous dis que ça existe !)... On se croirait dans une brunch factory à Saint-Germain-des-Prés ! Pas très Metal tout ça, mais on ne le dira à personne, histoire de ne pas trop s'égratigner la street cred'... Et tant qu'à ne pas dormir, autant se préparer une petite chronique pour l'après festoche. Parce que le boss est strict là-dessus : si le chroniqueur n'écrit plus, c'est pan-pan-cucul ! Ça tombe bien : j'ai le premier album de Tally Hall dans le viseur. Et pour le coup on fait difficilement moins Metal ! Au moins c’est raccord avec le petit-déj', haha...

 

Mais la petite aiguille finit enfin par se décider à tourner, tandis qu'intérieurement mes cheveux n'en finissent plus de pousser : il est manifestement grand temps de se diriger vers le site.... Ceci sous un soleil cuisant : la casquette et les lunettes de soleil ne sont clairement pas de trop ! D'ailleurs le brumisateur rotatif géant installé à l'entrée du passage conduisant vers la Cathédrale est une sacrément bonne idée ! Pour patienter, petit tour au Metal Corner, histoire de voir comment celui-ci a évolué. Eh bien le bougre est sacrément bien aménagé ! Même si le grand chapiteau qui y est toujours dressé n'y sert plus à grand-chose, si ce n'est diffuser les matchs de l'Euro. C'est ballot quand même : on y a vécu des concerts tellement sympas par le passé ! Mais dites-moi : il n'y a pas que votre interlocuteur qui s'est boboïfié au fil des années ! Car c'est un stand Perrier que l'on trouve, à droite de l'entrée du Corner. Et l'on peut y déguster tout un tas de cocktails « extrêmes », tel le Perrier citron / goyave. Qu'on ne peut, en revanche, goûter que dans un grand dé à coudre. Car il s'agit juste de dégustations, ici. J'essaie, j'insiste, mais il est impossible de s'acheter une canette de cette douce décoction. Non mais à quoi ça sert, votre biniou ? C'est là tout-de-suite que j'en veux une grande rasade ! Pas de retour dans la vraie vie, entre l'achat de la lessive et les BN !

 

Mais ça y est, midi sonne enfin, et ça commence à s'agiter sur la Hellstage. Avec Turtle Junior, groupe de Punk/Hardcore indonésien à l'anglais très approximatif. Les zozos sont manifestement contents d'être là, et cette bonne humeur non seulement inonde leurs compos mais déborde également sur nous autres. En revanche, on a beau faire des efforts, il n'y a qu'une chose qu'on réussisse à comprendre vraiment quand leur chanteur s'adresse à nous : les « apéroooooos » que celui-ci a appris à prononcer à la perfection depuis son arrivée, le taux d'alcool manifestement élevé dans le sang de la bande devant les aider à singer efficacement l'accent ligérien. Voilà une mise en jambe vraiment cool en tous cas, surtout vécue sous la légère ondée diffusée par le brumisateur !

 

Puis le relais est passé à Broken Bomb, groupe de Punk / Hardcore'n'roll français ayant remplacé au pied levé UltraBomb, gang de Punk Rock américano-britannique ayant déclaré forfait pour on ne sait quelle raison : que ce soit patronymiquement ou stylistiquement, on fait moins approprié comme plan B ! A priori les mecs ont eu peu de temps pour se préparer, et n'ont donc pas dormi des masses ces dernières heures. Ce qui ne les empêche nullement de mettre le feu !

 

La suite logique du programme aurait dû consister à attendre, une bière à la main, l'arrivée des Anglais de Manic Aggression, afin de continuer cette chouette partie de baby-War Zone (tout comme il y a le baby-foot!)... Sauf que des échanges de messages avec le groupe Loharano m'apprennent bientôt que ceux-ci sont tranquillement posés sur un carré d'herbe situé aux abords de la Main Stage 1, en train de kiffer le plaisir d'avoir été conviés ici : ni une ni deux, je me rends également de par les vertes contrées situées de l'autre côté de la Cathédrale, histoire de taper une courte discute pré-concert avec les Malgaches...

Mais comme ça ne se fait pas de gaver un groupe alors que la pression du set à venir monte, me voici rapidement de retour devant la Hell Stage pour voir si ça crossoverise dans les clous du côté de Manic Aggression. Paire de lunettes à la Elton John par-ci, T-shirt Leprosy par-là : les Anglais ne se prennent pas la tête à tenter de maintenir une cohérence vestimentaire. Ils sont uniquement là pour balancer de gros riffs Thrash à casquette, dans la grande tradition Street, Beer & Thrashin' Punk. Et de notre côté on soutient de tout cœur l'initiative !

 

La trotteuse continuant de cavaler sur le cadran, l'heure des premiers concerts « officiels » – comprendre ceux qui ont lieu sur les 6 grandes scènes du site – arrive. Or, si initialement le nom de Wormrot avait été entouré sur l'agenda des sets à ne pas louper, une information « de dernière minute » va chambouler un peu les priorités. En effet, j'apprends in extremis qu'Asinhell, chargé d'ouvrir l'appétit depuis le haut de la Main Stage 1, est en fait un groupe de Death old school formé pour le fun par Michael Poulsen, le chanteur / guitariste de Volbeat (et ex-Dominus, ceci expliquant cela) en compagnie de Marc Grew de Morgoth au chant, ainsi que de Morten Toft Hansen, un ex-Hatesphere, membre de Raunchy, à la batterie. Hé mais je signe, moi ! Démarrant sur un bon vieux titre OSDM pas avare en D-Beat revigorant, le set du groupe se déroule sans prise de tête, pour le plaisiiiiiiiiir, que ce soit du côté des musiciens comme du public. La formation enchaîne sur un titre alternant up-tempo et groove maousse, le feeling résultant se situant quelque-part entre Death, Bolt Thrower, Deicide et Invocator. Puis le groove se fait plus atmosphérique, sur des rythmiques intermédiaires, avant de passer le relais à un 4e morceau cette fois plus lent, plus rampant, qui laisse le temps de réaliser que ce bon vieux Marco possède encore un bel organe. Sauf que l'heure de fin du set des Germano-Danois était fixée à 17:10... Heure officielle du début du concert de Loharano ! On interrompra donc ce premier concert in situ pour revenir devant la Hell Stage, afin d'être sûr d'être bien placé pour headbanguer devant Mahalia, Natiana et Michael.

 

Sauf qu'en réalité la prog' de cette scène alternative avait pris 30 bonnes minutes de retard… Cela nous permettra d'assister à la fin de la prestation de The Broken Horizon, groupe espagnol pratiquant une sorte de Casse-couilles-core electroïfié (appellation non officielle), quelque-part entre Dillinger et du gros Bleuargl Metal velu mais pas si méchant que ça. Sûr qu'on aurait eu des amateurs dans la team CoreAndCo, si toute la troupe avait été présente sur le site ! D'ailleurs, en parlant de team, c'est Ze Pidji qu'on retrouvera alors, fraîchement débarqué en terres clissonnaises. Et pour le coup il remerciera la bonne fée Opportunité qui lui aura donné l'occasion d'assister au choc de la rencontre du Metal et des rythmes ternaires malgaches... Quoi de mieux, en effet, pour profiter du soleil d'un début de festival ?

Et son baptême sera d'autant plus réussi que la prestation de Loharano s'avèrera excellente, sans fioriture mais pleine d'énergie et de personnalité, quelque-part entre Meshuggah, Primus (quelle basse !) et votre groupe préféré de Tana' (... vous n'en n'avez pas ?). Mahalia, la guitariste / chanteuse, s'avère impressionnante, notamment du fait de ce contraste marquant entre sa « frêle constitution » (être un gros lapin de 1,84 m pour 90 kg peut déformer la réalité vous me direz...) et la quasi-frénésie qui peut la prendre parfois. Exigeante, et pas si facile d'accès, car s'activant sur des sentiers rythmiques peu parcourus en nos contrées, la musique de ces « satanistes alcooliques » (puisque c'est comme ça qu'on décrit les métalleux, dixit Mahalia) réussit pourtant à nous captiver, à nous hypnotiser même, parfois, tant elle est habitée, alterne le chaud et le froid, et distille de séduisantes mélodies. S'il fallait résumer le style du groupe en une image, ce serait celle d'un verre rempli de billes métalliques renversé dans un escalier de bois, la trajectoire bondissante des fuyardes formant comme un bouquet fou et sauvage. Alors c'est vrai, le public devant la scène était peu compact. Mais clairement convaincu, en revanche, pas de doutes là-dessus !

Playlist : 1. Fototra 2. Oay 3. Lohamboto 4. Lahy 5. Devl 6. Korontana 7. Tandroka 8. Tolona 9. Koaitra 10. Dinjà 11. Gena

 

Seul défaut du concert des Malgaches : en restant jusqu'au bout de leur set, vu le retard pris sur la Hell Stage, on aura manqué le concert d'Immolation. Pas glop... Mais pas grave, l'après-Loharano offrant une première occasion (qui sera bien évidemment renouvelée) d'aller boire un godet avec « le boss » de CoreAndCo : c'est que ça faisait quand même 2 ans qu'on ne s'était pas croisés !

 

Mais vous ne vous fadez pas ces lignes pour savoir combien de pintes, ni combien d'années. Retour, donc, à la musique. Car l'ex-nouveau post-Slayer band Kerry King – nom du célèbre gratteux comme de son projet solo – devait se produire à 19:30 sur la Main Stage 1. Et cela constituait en soi un petit évènement, notamment au vu de l'actualité controversée autour de la fausse-vraie fin du gang des patrons du Thrash qui tranche... On avait par ailleurs noté quil pourrait être judicieux d'arriver avec un peu d'avance sur le champ de bataille, histoire de mater un peu la fin du set d'Ice Nine Kills. En effet, initialement il était question de vous parler du dernier album de ce « groupe phénomène à l'américaine » dans les colonnes de CoreAndCo. Si si. Parce qu'on peut y entendre quelques singularités sympathiques, et qu'après tout le zozo qui vous cause a bien craqué pour Kim Dracula... Sauf qu'en faisant un peu tourner l'album, j'ai réalisé combien tout cela sentait fort le centre commercial... Au final, abandon pur et simple du projet, donc. Oui mais, qui sait : si ça se trouve, live, ça bute ! L’idée était donc d'accorder une chance aux Ricains... Eh bien c'est tout vu : certes le dernier titre joué ce jour-là s'est avéré assez cool. Mais globalement, la prestation dégageait un feeling trop fortement typé « hype US » pour qu'on y succombe, tant musicalement que livement...

Du côté des vétérans du Thrash en revanche, bien que n'ayant pas eu l'occasion d'écouter l'album, on espérait quelque-chose de solide. C'est qu'en plus du riffeur chauve se trouvaient sur scène Mark Osegueda (habituellement derrière le micro de Death Angel), Phil Demmel (gratouilleur chez Machine Head) ainsi que d'autres grands noms du même acabit. « 'y avait donc moyen »... Oui mais à vrai dire, au final, bof. Disons que la prestation s'est avérée relativement honnête, mais sans non plus casser de briques. Se succédèrent un premier titre basiquement slayerien. Puis un deuxième plus mid-tempo, du genre qui berce idéalement une sieste de quinqua.

suivi d'un troisième complètement générique et inintéressant. Bref, peu de perles sur ce collier : juste du Thrash assez convenu, sans étincelles, trop typé « vieux routard ». Sans parler du ridicule des tirades de Mark entre les titres, truffées de « fuckin' » (parce qu'on est trop des jeunes qu'ont grave la rage ? Haha, arrête Marcou, c'est pas sérieux) et franchement peu convaincantes. Mais sans se l'avouer, c'était surtout pour entendre quelques titres de Slayer qu'on était venu. On accueillit donc avec un plaisir non feint « Disciple » (cf. God Hates Us All) ainsi qu'un chouette combiné « Raining Blood / Black Magic ». Du coup c'est en grommelant un peu moins que prévu qu'on quitta les abords de la Main Stage 1...

 

Que dit le Théorème des Contrastes Musicaux déjà (... vous n'avez pas étudié l'algèbre métallique à l'école ?) ? Ah oui : tout corps auriculaire plongé de manière prolongée dans du Thrash de vétérans venimeux subit une poussée qui le conduit irrémédiablement à l'opposé du spectre musical. C'est pourquoi je suis resté aux abords des Main Stages (... oui : retour au bon vieux "je". C'est chiant les tournures impersonnelles). Car sur la deuxième de celles-ci était à présent attendu Baby Metal. Or vous le savez peut-être : j'adore les Nippons cintrés de Maximum The Hormone et Ailifdopa. Ainsi que tout un tas de formations qui, bien souvent, heurtent le bon goût de l'intelligentsia metalheadique. Alors, bien que mes premiers contacts superficiels avec cet OVNI kawaïo-décibellique aient été assez peu concluants, qui sait : peut-être que le contexte particulier du live saura transformer le vieux lapin bougon en un pokémon hilare ? Tu parles, Charles... Je crois ne jamais avoir assisté à un show aussi insupportablement ridicule. Baby Metal, c'est 9 doses de chorégraphie pour une dose de chant – comme dans le R'n'B, parfaitement. C'est du show plastique et froid, conçu par une agence de comm', afin de séduire le vieux célibataire dont la chambre est recouverte pour moitié de posters de Metallica, et pour moitié de posters d'héroïnes d'animés à longues gambettes et petites jupettes. C'est une créatures « artistique » dans lequel l'aspect humain pourrait tout à fait être remplacé par de l'I.A. sans que l'on n'y perdre rien. C'est une sorte d'allégorie de ce qu'une partie du Hellfest est en train de devenir, et que l'on abhorre. C'est le dévoiement de ce mouvement métissé qu'est la Fusion où l'ouverture d'esprit est remplacée par une démarche marketing cynique. C'est de la K-Pop pour chevelu non regardant. C'est un max de playback, a priori, et une entreprise trop difficile à assumer par des musiciens qui préfèrent donc évoluer masqués. C'est tout bonnement insupportable à endurer, notamment quand les minettes finissent leur show en criant « Heavy Metal ! » avec une conviction qui serait sans doute la même si elles criaient à la place « House Music ! » ou « Betteraves ! ». Je sais qu'il faut rester tolérant, les goûts-les couleurs-tout ça... Mais quand l’industrie musicale se fout ouvertement de notre gueule, on a le droit de réagir, non ?   

 

Le corollaire naturel du Théorème des Contrastes Musicaux dit que tout tympan malmené par des ados décérébrées réclame à cor et à cris de la valeur sûre, réconfortante et velue. Or c'est à Megadeth que le flambeau était ensuite passé. Ce bon vieux Dave Mustaine ne pouvait mieux tomber ! De plus en plus parcheminé, Megadave est – cela est vrai depuis toujours me direz-vous – à des lustres de la sympathique jovialité de beaucoup de ces frontmen qu'on aurait envie de considérer comme des potes (les Bruce Dickinson, Zak de Clawfinger, etc). Heureusement, sa musique compense largement la froideur de sa personnalité, tout comme l'attitude de certains de ses « jeunes » acolytes, tel Dirk Verbeuren, batteur dont on a éternellement l'impression qu'il kiffe l'instant présent comme si c'était sa toute première fois. Le set démarre sur le morceau-titre du dernier album en date, « The Sick, the Dying… and the Dead! », parce que, après tout, nombre de bons repas commencent avec des bretzels. Puis « Rattlehead » vient récompenser les impatients rétrophiles... qui constatent pour l’occasion qu’on a un peu du mal à discerner le chant de Dave, parfois. Dave qui, comme bien souvent, adopte cette éternelle et douloureuse expression du constipé peinant à accoucher d’un méchant bronze. Mais ce dernier sort enfin sous les traits de « Kick the Chair », extrait de The System Has Failed. La voie est alors enfin dégagée pour les tubes : un « Skin o' My Teeth » toujours aussi jouissif, un « Tornado of Souls » au doux parfum de 90s, puis l'incontournable « A Tout le Monde », dont on finit par regretter le refrain en français, ce morceau finalement assez nunuche squattant de fait toutes les playlists du groupe en France au détriment de titres plus puissants. S'ensuit un ultime passage par le dernier album (via « We'll Be Back ») avant de finir sur ce genre d'orgasme auriculaire pour lequel on était venu, provoqué par la juteuse brochette « Mechanix » / « Symphony of Destruction » / « Peace Sells » / « Holy Wars... –  lors de laquelle on aura droit à un tour sur scène d'un gigantesque Mickey... Euh, pardon, d’un gigantesque Vic Rattlehead, les métalleux étant de grands enfants, et ayant donc besoin qu'on leur agite une grosse poupée sous le nez pour pleinement profiter de l'instant...

 

La suite des évènements étant, d'après mes canons esthétiques, bien moins trépidante, je profiterai de l'accalmie pour aller faire un tour sur le site, et y admirer la Gardienne des Ténèbres, dont la manipulation demande plus d’opérateurs qu’elle n'a de pattes et de seins ! Il faut avouer que l’œuvre est assez impressionnante... même si ça fait cher le joujou (3,8 millions d’euros quand même, d’après Ouest France) !

 

Au menu de cette fin de journée figurait, à ma gauche, Avenged Sevenfold – dont j'ai beaucoup aimé le dernier album, mais dont je ne connais rien d'autre, à part de mauvais échos un peu similaires à ceux décriant Ice Nine Kills – et, à ma droite, Sodom, valeur sûre que je n'ai finalement pas vue tant de fois que cela en concert. Choix évident, donc : ce sera sous l’Altar que se déroulera la suite de la soirée. Et ce pour partie en compagnie de Natiana, le batteur de Loharano, qui n'avait plus que quelques minutes à passer sur le site, mais qui souhaitait en profiter jusqu’au bout, au son du Teutonic Thrash de ce bon vieil oncle Tom Angelripper. S’il arrive parfois que certains groupes diluent un peu l'intensité de leurs concerts en parsemant des titres récents mais tièdes au milieu des classiques, ce n’était clairement pas l’état d'esprit des Allemands ce soir !  À l'exception du très bon « Conflagration », morceau acidement punk à l'abord résolument old school extrait de l’EP Partisan, cette prestation clissonnaise était résolument placée sous le signe des débuts du groupe, le titre le plus « récent » – exception faite de c’te bête flagration à l’instant évoquée – étant le « Jabba the Hut » extrait de Get What You Deserve. Alors certes, ce n’est pas sur un plateau d’argent sonore que nous furent servis les tubes « Christ Passion » (introduit par le superbement sombre « Procession to Golgotha » !), « Nuclear Winter », « Blasphemer », « Agent Orange » et « Bombenhagel » (il y en a eu d’autres, mais je ne vous livre que mes petits préférés. Et puis je n’ai jamais été un grand fan de « The Saw is the Law »), ce n’est pas sur un plateau d’argent sonore que ces skeuds nous furent servis, disais-je, mais nos oreilles s’habituèrent rapidement à cette agressive bouillie. Ou alors c’est que le son s'est progressivement amélioré, allez savoir. Toujours utile que cela ne gâcha que peu le show, et que celui-ci s’avéra intense !   

 

Tellement intense que, bien que Cradle of Filth se produisait ensuite à quelques pas sur la gauche – sous la Temple, donc – il suffit de quelques petites minutes devant les simagrées du corbeau hystéro Dani Filth pour que je me décide à ne pas rester passif, mais plutôt à finir ce jeudi sur une bonne impression en rentrant fissa afin d'écourter cette triste draculade pour goths fans de BDSM.

 

 

Vendredi 28 juin 2024

Première journée « complète » du fest', ce vendredi était avant tout – pour le zozo qui vous parle – la « journée Clawfinger ». Avec non seulement un show – que j’espérais explosif – mais également une interview, qui me transformait le dedans en maxi bouteille de Schweppes à chaque fois que j’y pensais, tellement l'excitation était grande. Mais avant cela, comme en chaque début de journée, il y avait un agenda à remplir, et pourquoi pas, des découvertes à faire !

 

C’est aux Nantais de Karma Zero que l’on confiera la première demi-heure de notre journée musicale. Proposant un Metalcore punchy à attaque plutôt coreuse, mais néanmoins éclairci par un peu de chant clair, le groupe ne partait pas franchement avec tous les atouts en main pour plaire à votre interlocuteur. Surtout avec ce genre d'invitation aux Jump-Jump-Jump que je ne pratique ni ne kiffe plus depuis bieeeeeen longtemps – depuis l'époque du hit de Kris Kross, au moins. Mais des plans plus djento-hypnotiques, parfois réminiscents de Textures, ainsi que l’engagement du frontman, qui n’aura pas peur d’aller au contact du public, et qui – enfin ! – relaiera un discours anti-RN, emporteront finalement ma sympathie. Les amateurs de Deathcore en auront également pour leur argent, notamment lors de ces breakdowns grassouillets dont le genre s'est fait une spécialité. Au final c'est une sympathique dose de vitamines C qu'on aura prise sous l'Altar, complément idéal au jus d’orange du petit-dej’ !

 

Après un bon petit-dej’, que fait l’esprit sain dans un corps sain ? Un petit jogging en direction de la Warzone, exactement ! Où se produisait Eight Sins, Grenoblois dont je n’avais jamais entendu parler. Mais on peut faire confiance à la programmation de cette scène... Et en l’occurrence celle-ci (la confiance) était particulièrement bien placée ! Car les zigs pratiquent un Crossover Thrash tout à fait enthousiasmant. D'autant plus enthousiasmant que, au-delà de la zic elle-même – qui envoie le pâté loin dans la charcuterie, comme on pouvait s’y attendre – c’est la bonne humeur communicative, la répartie et la présence scénique de Lox qui nous ont collé la banane. Car on avait parfois presque plus l'impression d’assister à un one-man-show du frontman qu’à un concert proprement dit ! Niveau ambiance, il faut se figurer un Municipal Waste à la française, avec, donc, dans le moshpit, des costumes de T-Rex, ainsi qu’une collection sans fin de ballons et de bouées gonflables – régulièrement remises en jeu par les mecs de la sécu eux-mêmes. Que mentionner de notable lors de ce set pourvoyeur de big smiles ?  Un « Beers & Moshpit » résumant toute la philosophie du groupe. Une reprise crossoverisée du « South of Heaven » de Slayer. Et puis un double circle pit – le « Eight Pit » donc, étant donnée la forme obtenue – qui a fini de conforter ma bonne impression. Une question restera toutefois sans réponse au terme de ces 30 minutes : « Eight Sins », s'agit-il vraiment d’une liste augmentée des péchés capitaux, ou bien d’un franglicisme conduisant de Eight Sins, à Eight Six et finalement à 8.6 ?

 

La prochaine croix sur l'agenda cochait le nom de Wargasm, à 12:50. Ce qui laissait une heure et quart pour satisfaire des besoins naturels tels que la faim, la soif, la vidange vésicale... Ainsi que la curiosité. Et cette dernière avait été attisée par le nom d’Ankor, un patronyme non pas associé à des vestiges de temples cambodgiens, mais aux adjectifs « catalan » et « alternatif ». Alors pourquoi pas ? Si l’on veut se faire surprendre, il faut sortir un peu de sa zone de confort après tout... Le tout début de set, drapé dans des accents Flamenco, alluma une petite flamme d’espoir lapinesque. Mais l’hameçon ne réussit pas à se planter durablement dans mes rugueux tympans, ces volutes vaporeux de chant féminin, ces trépidations électro-synthétiques, tout comme ces faux airs d’Evanescence éloignant progressivement le groupe de la porte de mon petit cœur de rocker.

L'autre tentative de plonger dans un monde musical inconnu s'imposa naturellement lors de l’attente précédant le set de Wargasm. Car sur la Main Stage 1 se produisait Lovebites, improbable groupe de Power Metal constitué exclusivement de musiciennes japonaises habillées – je simplifie – de robes de mariées. Why not, ça peut être cool de casser les codes... Encore faut-il être capable de séduire également par son art ! Or il se trouve que la formation s’avère très compétente. Elle livra une prestation qui a dû ravir les fans d’Helloween, tout en ne négligeant pas de mettre en avant l’aspect technique de certains des plans joués. Un peu trop grandiloquent pour provoquer ma pleine sympathie, le groupe permettra toutefois de redorer le blason d’un Japon dont l’image métallique avait, la veille, été sérieusement écornée par les embarrassantes ambassadrices de Baby Metal.

 

« Wargasm par-ci, Wargasm par-là... Qui c'est-y donc, et pourquoi le lapin voulait tant voir ces zozos ? » Il se trouve qu’en début d’année je suis tombé sur Venom, le dernier album de ces Anglais, aguiché notamment par une pochette croustillante. Et qu’après plusieurs écoutes à me demander si c’était du lard ou du cochon, j’ai fini par me laisser séduire par ce Néo-Metal Indus, certes très teenager, mais débordant d'énergie, de belles accroches, et de jolis clins d'œil à la musique de The Prodigy. D’où un placement stratégique à proximité des barrières de sécurité, pour ne rien louper du show... Les débuts de celui-ci s'avérèrent quelque peu laborieux, à cause de problèmes techniques mineurs. Mais également pour une autre raison, moins objective celle-là, et moins cantonnée aux premières minutes du show : une dimension « teen », certes évidente sur disque, mais carrément criante, voire étouffante sur scène. Trop lookés, trop « têtes à claques », Sam Matlock et Milkie Way évoluent dans une attitude et une esthétique qui parlent forcément plus au lycéen en pleine révolte qu'au vieux fan de Deicide... Sans compter que ces Limp Bizkit version 2024 adoptent une gestuelle et des poses clairement travaillées, TROP travaillée, d’où toute trace de naturel semble avoir été éradiquée… Putain, déjà ? En tout début de carrière, et à un si jeune âge ? Si c’est pas malheureux... Si seulement ils libéraient leur rage sans en faire des caisses, sans donner l'impression de n'avoir qu’une chose en tête : la qualité des photos qui finiront sur Insta... Heureusement, à des lustres de cette attitude en plastique, le musicien qui les accompagne au clavier et à la guitare s’en donne à cœur joie, lui, kiffant le concert comme il se doit. Mais le propre de la bonne zic, c’est qu’elle permet de presque tout pardonner. Et il se trouve que sur scène, les gros tubes du groupe envoient tout aussi méchamment que sur disque. Comme « Bang Ya Head » par exemple, l’entêtant « Modern Love », ou la The Prodigy-fiesta « Do It So Good ». Un peu plus en confiance après quelques titres, Sam commence enfin à sortir un peu de sa chorégraphie de rock star pour venir au contact du public, et même s’offrir une courte séance de crowd surfing. Mais cela ne m'empêchera pas, quand le concert se terminera, de rester sur une impression franchement mitigée. Avec une attitude plus Punk et moins de simagrées, le groupe aurait toutes les cartes en main pour emporter la mise auprès d’un large public. Mais en l’état, au lieu d'enfoncer le clou d'une musique provoquant une excitation grandement justifiée et de leur permettre de convaincre plus largement, leur prestation live les enferme dans une étiquette « Easy Teen Fashioncore » qui pique désagréablement les papilles des générations qui ont grandi sans Tik-Tok...

 

La suite des évènements était programmée sous l’Altar. Une Altar dont la programmation devait, en ce vendredi, faire salement grimacer les purs et durs du Death qui lamine et du Grind qui broie. Parce que, mazette : Klone ? Pain of Salvation ? Einar Solberg ? Et même – quoique ce soit un peu moins déplacé pour le coup – Textures ? Pas beaucoup de candidat potentiel à une invitation au Maryland Death Fest dans le tas ! Mais pour le coup, j’étais bien content de renouer avec les Néerlandais après une looongue pause sans les croiser. Il faut dire qu’il date de quand leur dernier album déjà... ? 2016 ! Pour être honnête je n'aurais même pas été capable de dire si le groupe existait encore ou s’il avait splitté. La dernière fois que celui-ci s’était produit à la fois sur des planches et devant mes yeux, cela remonte à 2008, en première partie parisienne d’Arch Enemy. Je vous parle d’un temps… Alors c’est vrai, il faut reconnaître que je n'avais plus trop leur répertoire en tête. Mais contrairement à certaines formations à l’abord épineusement hostile, le mélange de meshugueries endeathisées et de parenthèses aériennes pratiqué par Textures s'avère particulièrement accueillant pour le non pratiquant, et le retour au bercail fut donc d'autant plus aisé. Afin de ne pas trop déstabiliser le public habitué des lieux, le show démarre sur un « Laments of an Icarus » plus rugueux que le moyenne, pas chiche en vocaux bien énervés, en saccades sismiques, et contenant même en son sein un breakdown limite Deathcore. Mais ici le hachoir est manié avec élégance, et la moshpart se fait classieuse. Puis, sans trop chercher à se faire longuement désirer (... au bout de seulement trois morceaux), le groupe se met à égrainer quelques délicieux accords que mon cerveau n’a jamais réussi à oublier : ceux de « Reaching Home ». La réaction est alors instantanée : la chair de poule s’empare de mes avant-bras, comme pour témoigner d'une ferveur presque religieuse, que les années n’ont pu éteindre. Le morceau passe alors comme dans un rêve, de ceux qu’on vit telle une bienheureuse séance de lévitation. Par la suite, sur certains morceaux oubliés depuis belle lurette et passés en ces lieux par le prisme d’un son relativement baveux, j'aurai l’impression d’assister à un concert de Metalcore (... eh oui, il fut un temps où l'on pouvait mêler Death, chant clair et saccades sans forcément pratiquer ce genre typé « fwom USA ». Même qu’on appelait ça du « Modern Death » à l’époque). Mais c’est bien loin des platebandes de Killswitch Engage que le set se clôturera, et plus précisément sur « Singularity », le deuxième gros tube de Dualism, qui me séduira à nouveau comme il l'avait fait au moment de sa sortie. Et je tombai logiquement dans ses bras comme si les treize ans passés depuis nos premiers émois n'avaient été qu’une courte parenthèse...

 

Pour s’extraire de ces douces sensations, presque trop romantiques pour un lieu comme celui où l’on se trouvait, quoi de mieux qu'un concert de Lofofora ? Surtout que celui en passe d’être donné en ce vendredi s’avèrera particulièrement piquant... Plus piquant encore qu'à l’accoutumée, Reuno ayant manifestement envie de balancer des piques tel un athlète olympique bulgare ses javelots ! D’ailleurs, après coup, je m’en voudrai d'avoir manqué le début du set, tant la partie à laquelle j'ai assisté s’est avéré mordante ! « Hellfest : deuxième plus gros parking de France après Eurodisney... Coïncidence ? Je ne sais pas. En tous cas le prochain morceau s’intitule Ces Chose Qui Nous Dérangent ! » Haha, sacré lui ! Et le morceau de se terminer sur la montée sur scène de deux Femens, aussi topless et tagguées qu’à leur habitude, qui « interrompront » le set assez longuement, le temps d’expliquer à leur façon que la femme au Hellfest, ce n’est pas forcément que la chair fraîche exhibée pendant le set de Steel Panther. La transition musicale sera toute trouvée avec un « Macho Blues » auquel elles participeront, et pendant lequel, évidemment, elles reprendront en cœur le célèbre « ... et, coupe-lui les couilles » ! Et sinon, les groupes qui tentent de battre des records de braveheart, il en pense quoi le Reuno ? « Mais putain, tu es grand, tu n’as pas à répondre à ce genre d'injonctions : pendant le morceau suivant, tu fais ce que tu veux, bordel ! ». C’est vrai, le métalleux oublie un peu trop souvent qu’il n’est pas un mouton. D’ailleurs ce n'est pas Reuno qui nous demanderait de bêler des « Hey ! Hey ! Hey ! » à la con. Et le groupe de continuer de tacler par-ci – avec une grande bannière « Nique le R.Haine », qu’on est content de voir affiché aussi grand en ces temps où la France souffre de troubles de l'élection – et de vanner par là – «  Alors les cons, on est content d’avoir lâché 350 boules pour voir jouer Shaka Ponk, groupe écolo qui débarque ici avec ses 33 tonnes de matos ? ». Bam ! Bam ! On se croirait à Columbine : ça tire à vue sur tout le monde ! Côté son se succéderont « La Machette », titre dont la vidéo était alors tout juste sortie, « Le Fond et la Forme », ou encore « L’œuf »... Mais aussi du Neneh Cherry pour finir, parce qu’après tout, cette année Mr. Bungle vient jouer à Clisson : alors tout est permis ! 

 

En temps normal, la suite des événements aurait naturellement consisté à aller se poser devant Fear Factory, que j’aurais adoré entendre live pour la première fois. Sauf qu’au même moment était prévue une interview avec Zak Tell, le leader de Clawfinger. Et que ce genre de rendez-vous ne se refuse pas, d’autant qu'il s'agissait là d'un rêve d'ado devenu réalité... (l'interview est/sera accessible depuis le menu du dossier).

 

Pour redescendre du petit nuage où j’étais monté le temps de ma rencontre avec le biggest, le best chanteur de Rap Metal, une dernière obligation me conduisait à nouveau devant la Main Stage 1 : il fallait en effet aller voir sur place comment les festivaliers avec des patches Sabaton dans le dos réagiraient aux geekeries virtuoses de Polyphia. Mais aussi, plus simplement, il semblait judicieux d'aller découvrir ce groupe, de moi connu surtout via des « on dit ». Sauf qu'avant de pouvoir procéder à cette excitante expérience, la Main Stage 2 avait décidé de nous exposer à un raz de marée de bons sentiments intitulé Savage Lands. Qu’on ne se méprenne pas sur ces propos : toute action aboutissant à des améliorations climatiques et/ou écologiques est bonne à prendre. Donc sur le fond, je salue cette initiative. Sur la forme en revanche, le peu que j’ai vu de ce « USA for Africa » Metal (avec des stars en veux-tu en voilà, tels Shane Embury, le chanteur de Textures, Andreas Kisser…) s'est avéré trop dégoulinant et convenu (... chouette, une reprise de « Roots ») pour convaincre.

Mais si je poireautais au milieu d’une foule de congénères houblonivores devant l’une des deux plus grosses scènes du fest', ça n’était pas pour critiquer une bonne action un peu crémeuse, mais avant tout pour me prendre un shoot de guitares savantes. Et découvrir à quoi ressemblent les Joe Satriani de la nouvelle génération. Des tronches d’informaticiens à t-shirts Animals As Leaders sans doute... ? Eh bien presque. Tim Henson, qu'on peut appeler tout simplement Mr Polyphia tant tout semble tourner uniquement autour de lui, est un alien androgyne abondamment tatoué, une sorte de star de K-Pop fragile, déguisée en bad boy, mais si peu convaincue du résultat qu'elle préfère restée cachée derrière sa 6-cordes (...8-cordes !). Une sorte de petit frère du bassiste des Dirty Loops, avec plus de cordes à son instrument. Et le statut de virtuose du personnage s’avèrera ne pas être usurpé. C’est de la superbe dentelle moderne qui nous sera offerte, diffusée via un nombre impressionnant de guitares, Tim en changeant avec la fréquence d'un métronome. On aurait certes tout à fait pu se passer de ce titre où le caractère purement instrumental de la musique fut troqué contre un chant Rap’n'B féminin (le titre s’intitule « ABC » si j’ai bien compris), mais même cette tâche de gras sur les drapés de broderie guitaristique ne réussira pas à gâcher la prestation. Prestation écoutée religieusement. TROP religieusement pour Scott Lepage, l’autre guitariste de la formation, qui se plaindra de ne voir ni moshpit, ni crowd surfing… Bah ouais mon vieux, mais en cours de maths on bosse, on ne joue pas de la flûte ! On appréciera les occasionnels accents latino distillés au long de certaines compos. On écarquillera les yeux quand Tim attaque ses cordes en même temps avec le médiator et en tapping (what ??). Mais reconnaissons que, quand on ne maîtrise pas les titres qui sont joués, au bout d’une heure de ce genre de démonstration, l’« effet Whaou » finit par s'estomper. D’autant plus que le jeu de scène de ces petits prodiges n’est pas fou (... ce dont on ne peut évidemment leur tenir rigueur).     

 

Lofo et les Femens nous l’avaient rappelé : pas de Steel Panther ou tu iras en enfer. Ça tombe bien, j’avais prévu de longue date de mettre l’heure suivante à profit pour aller me caler pile-poil en face de la scène de la Warzone afin de prolonger la « Clawfinger experience » par un concert vécu aux premières loges. Seule ombre au tableau des deux heures à venir : cette absurdité fondamentale consistant à faire jouer sur l'exact même créneau horaire nos champions suédois et Tom Morello. C’est vrai ça : qui aurait pu imaginer que des gens soient à la fois intéressés par les géniteurs de Deaf Dumb Blind et par la prestation du guitariste de Rage Against The Machine ? Non, vraiment, je ne vois pas... Grrrrrr. Et pourquoi pas Dark Funeral en même temps que Gorgoroth, ou Gloryhammer en même temps que Hammerfall ? Fin de la séance des ronchonneries, et début du set en question... sur le « Que Je t’Aime » de Johnny !! Gné ? Sacrés farceurs, les Clawfinger ! Dommage que l’interview ait eu lieu avant, et pas après : j’aurais bien aimé demander à Zak si ce passage était censé nous faire plaisir, ou si la diffusion de ce morceau s’inscrivait dans la tradition du second degré rigolard caractéristique du groupe. Mais ces interrogations volèrent en éclat avec les premières notes de « Hold Your Head Up » : pas de déception à l'horizon, manifestement le groupe a mangé du steak de bison ! Et malgré les années écoulées, Zak continue d'occuper la scène comme l’entertainer musclé dont on avait gardé le souvenir. Le groupe décide de ne pas jouer la facilité en continuant sur « Recipe For Hate », extrait de Zeros & Heroes, et il aurait tort de se priver tant le morceau tabasse dans la grande tradition, et tant on le suit là où il veut aller. Mais Zak est un bavard. Et un clown. Il ne peut donc s’empêcher de nous remercier d'avoir préféré son groupe à Tom Morello. Qui, il est vrai, ne sait pas chanter, précise-t-il... Haha. « Remarquez, moi non plus », ajoute-t-il. Le gugusse sait provoquer la sympathie. Et le groupe de continuer sur le « Nothing Going On » de A Whole Lot of Nothing, continuant ainsi d’éviter la facilité d’une setlist constituée uniquement des gros tubes de leur début de carrière. Ce dont personne ne se plaint jusqu’ici étant donné l’efficacité indéniable de ce troisième titre. Mais il est temps de faire participer le public. Ô, pas grand-chose : rien qu’un petit « If you’re happy and you know it clap your hands ! ». Sauf que certains semblent ne pas être prompts à taper dans leurs mains. Ni une ni deux : Zak descend dans le public, histoire de convaincre les fans un par un. Pas prêt à prendre sa retraite le bonhomme, ni à assurer un concert sur un tabouret ! On continue avec « Money Power Glory », la frustration des connaisseurs des deux seuls premiers albums commençant à monter d’un cran... Juste le moment choisi par le groupe pour dérouler enfin une grosse bobine ininterrompue de tubes. Avec tout d’abord « Rosegrove », qui fait naître bon nombre de sourires entendus sur les visages. Puis « Warfair », extrait du même album référentiel, qui nous poinçonne délicieusement la cage thoracique. Le groupe prend un énorme pied sur scène, et cela fait plaisir à voir. À ce titre Jocke, le clavier, n’arrête pas de faire le fanfaron, nous obligeant régulièrement à arrêter de suivre des yeux Zak – qui demeure le pôle magnétique aimantant nos regards la plupart du temps – pour se concentrer sur son visage hilare. S’ensuivent les singles « Chances », « Two Sides » (ce contraste entre Rap Metal ultra moshy et mélopées orientales me fera toujours dresser les poils avec la même intensité), la claque « Biggest & The Best », un intrus avec le moins pêchu, plus confidentiel – trop peu connu en fait – « The Price We Pay ». Puis c’est la botte finale et fatale avec l’enchaînement « The Truth » / « What I Say ». Le public reprendra d’ailleurs longuement le refrain de ce dernier, laissant le groupe visiblement ému, une boule dans la gorge, devant cette preuve flagrante que non, malgré leur longue absence, les fans ne les ont pas oubliés...

 

Mais la prodigalité de cette journée ne devait pas s'arrêter dès 21:40. Et en disant cela je ne fais nullement mention à la chance offerte au public de Clisson d’assister à l'un des derniers concerts de Shaka Ponk. Mais plutôt au retour de l’Empereur (... plus fort que Tolkien, le Barbaud !), même si celui-ci n’aura pour salle du trône que la Temple, là où je me rappelle avec émotion ce concert donné sur la Main Stage 2, dix ans auparavant. Et pour préparer ce retour véhément vers nos 20 ans depuis longtemps révolus, le Hellfest nous proposera un amuse-bouche tout aussi magiquement rétro via quelques douces mélodies issues de l’Altar. Car s’y produisait alors Amorphis, qui, semble-t-il, s’autorise ces temps-ci des retours vers ses années poilues. En effet, si mes oreilles ne m'ont pas trompé, c'est l'hameçon sucré de « Black Winter Days » qui est venu se planter dans mon petit cœur en fin de set, tandis que le public déjà rassemblé dans la tente d’à côté se préparait mentalement à la noire célébration d'une messe impériale. Et, le croyez-vous : au final ce sont les Finlandais qui ont eu le plus d’impact sur le vieux lapin qui vous cause. Car, et d’une, si l’atmosphère musicale offerte par Emperor lors de ce concert a bien été celle attendue, autrement dit une chape bourdonnante et froide, occulte et majestueuse, évoquant la moisson des âmes sous les neiges septentrionales, visuellement cela n'a pas vraiment suivi, Ihsahn arborant une dégaine de chef de projet en marketing, chemisette / lunettes / « on débriefe à la cafet' », offrant à mes yeux un spectacle presque dérangeant. À la limite de la schizophrénie untrve. Un peu comme si l'on était témoin d’une guerre des gangs culminant sur une bataille de chifoumi. Je suis conscient de l’aspect superficiel de la remarque, et que cela fait belle lurette que l'artiste n'est plus dans le trip « vils démons & necronomicon », mais pour moi qui assiste rarement à des concerts de Black, ce décalage m’a semblé presque choquant. Autre souci, plus profond celui-là, et dont je suis cette fois le principal fautif : hormis « Into the Infinity of Thoughts », les deux premiers tiers de la setlist n’ont que peu mis à l’honneur le split EP avec Enslaved et le premier album. Or je ne maîtrise que peu les opus suivants. Du coup, après quarante petites minutes à endurer la saturation grésillante des guitares et les vagues de blasts en continu sans y retrouver mes petits, j’ai fini par abandonner la bataille. La honte, oui, je sais...

 

Pour finir cette journée à l’offre alléchante, dernier dilemme de taille : plutôt dance party avec The Prodigy ou gangsta academy avec Ice T ? L’idée de finir la journée au milieu de fans de Shaka Ponk se croyant en plein tecknival provoquant en moi de désagréables frissons, je rempilai naturellement vers le royaume du -core, bien qu’une petite voix au fond de moi me répétait que j’avais été moyennement convaincu par la dernière prestation en ces terres du daron du Rap Metal… Il faut dire que, un peu à l’image du show d’Emperor qui l'aura précédé, ces dernières années un show de Body Count, c’est devenu un mélange hétérogène entre, d’un côté un décorum dur-à-cuire plein de promesses de finir le visage dans le caniveau, la poitrine truffée de pruneaux, et d'un autre les gesticulations d’une riche superstar de moins en moins fraîche, plus proche d'un vieux pater familias que d’un redoutable chef de gang, qui alterne les postures entre vieux papy-gâteau et gros vilain macho sans qu’on trouve beaucoup de naturel ni de subversivité dans tout cela. Et malheureusement, pour ma 3e troisième tranche de Body Count au Hellfest, ce fut le même scénario que d’habitude. Autrement dit un show proche de la spontanéité zéro. Avec de l’énergie et du mouvement en provenance quasi exclusive du fiston (qui crache du sang, menace de dégainer et de bang-banguer, puis finalement se jette dans le public). Et l’exposition un peu vaine de tout le clan, parmi lequel les « femmes » de la star, assises aux premières loges à gauche de la scène, le téléphone à la main, façon « chérie ce week-end je fais une virée Metal Gucci à Paris », jusqu'à la petite dernière, choupinette exhibée comme un tamagotchi qui fait trop la dure comme les grands. Mais heureusement, il y avait aussi ce bon vieil Ernie C, à la toison indomptable et de plus en plus grisonnante, l'un des seuls qui semblait kiffer sereinement, sans arrière-pensée l’instant présent. On put également compter sur une collection de tubes bien in your face. Dont quelques incontournables : « Body Count's in the House », « There Goes the Neighborhood », « Bowels of the Devil », « Cop Killer », ou encore « Born Dead ». Des morceaux plus récents également, mais qui avec le temps commencent à atteindre ce même statut : « Talk Shit, Get Shot » et « No Lives Matter ». Quelques nouveautés, dont le dernier single « Psychopath », et un inédit, « The Purge », qui témoigne de l’amour d’Ice T pour cette franchise cinématographique. Et enfin les habituels medley, avec du Slayer (« Raining Blood / Postmortem »), mais aussi le retour à la B.O. de Judgment Night, qui verra Evan Seinfeld de Biohazard rejoindre le groupe sur scène. Conclusion de ce set vécu dans un état un brin schizophrénique : non, si le groupe venait à se produire à nouveau sur une scène à proximité de mon terrier, je ne retournerais pas le voir. Mais oui, cette collection de petits missiles méchamment urbains fait toujours autant de bien par où elle passe ! Et l'on rentra donc au bercail dans la douce humidité du souvenir de cet agréable bain de jouvence.

photo de Cglaume
le 10/09/2024

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