HELLFEST 2024 - Le week-end de Cglaume - Partie 2

Menu du dossier
Samedi 29 juin 2024
Si la journée du vendredi avait constitué un gros morceau, que dire de ce samedi 29 béni entre tous les samedis ?! Car certes, sur ce menu musical ne figurait pas une farandole nombreuse de groupes affolants. Sauf que sur la liste des plats de résistance était inscrit en lettres de feu un nom ô combien chéri : celui de Mr. Bungle. Et tous les autres créneaux auraient pu être occupés par Baby Metal ou Attack Attack! qu’on n’aurait pas été moins enthousiaste ! Plus dure, donc, sera la déconvenue...
Mais ne sautons pas les étapes. Ni même la toute première, qui s’écrit pourtant avec 5 K – une aubaine pour les joueurs de Scrabble ! Si Nakkeknaekker s’agite dès 10:30 sous l'Altar, c’est que ces Danois pratiquent un Death Metal à logo aussi peu lisible que leur nom est difficile à prononcer. A priori ce n’est pas un classement dans le top des charts nationaux qui explique leur présence sur ce créneau matinal mais néanmoins honorable, les gugusses n’ayant pour le moment que deux démos à leur actif. Mais il est vrai qu’ils commencent à se faire remarquer dans leur patrie d’origine, ceux-ci ayant entre autres eu l'opportunité d'ouvrir pour Hatesphere et Baest. Epais et old school, le Death de ces « briseurs de nuque » complète idéalement (bien que tardivement) les hululements stridents de notre réveille-matin afin de finir de bien nous décoller les paupières.
Vu le manque de compatibilité de la suite des événements musicaux avec notre configuration auriculaire, on s'est contenté d’effectuer quelques petits pas vers la droite en direction de la Temple afin d'observer de loin la prestation d'Eihwar, groupe de Promenons-Nous-Dans-les-Bois Metal proposant, selon ses propres termes, de la musique pour « Viking dancefloor ». Inutile de vous dire que le niveau de trve-itude reste ici relativement au ras des pâquerettes si on le mesure sur l’échelle de Crom-Cruach, notre expert maison en druidisme folko-païen... La recette a cependant de quoi séduire les ramasseurs de champignons du dimanche qui ne prétendent pas se régaler uniquement de cèpes, ce qui explique sans doute que la tente soit complètement blindée. En effet, la musique de ces joyeux faunes coche un peu toutes les cases – comme Manau à l’époque de « La Tribu de Dana » répliqueront les taquins. Le duo mêle ainsi des mélopées tribalo-New Age à une grosse rythmique légèrement électroïfiée, ainsi qu'à la plastique avantageuse d’une prêtresse sylvestre qui aurait pu sans mal nourrir Romulus si celui-ci avait été élevé dans les sous-bois plutôt qu’aux alentours de la future capitale romaine. On se laisse porter un temps par ces rites et rythmes hypnotisants, le spectacle étant loin d’être désagréable... Et puis on se rappelle que si l’on a fait tous ces kilomètres, ce n’est pas pour mater la petite sœur d’Assurancetourix sous la douche, mais pour se faire remuer les tripes par du gros Metal. Fin prématurée du show, donc, en ce qui nous concerne.
C’est à nouveau à quelques mètres de là (back to the Altar !), mais à des années-lumière d'Eihwar musicalement parlant, qu’allait se prolonger notre samedi matin. En effet, à 11:40, sur l’agenda, c’était marqué Grind Academy & Bleuargl party avec les Blockheads ! Pas forcément plus fan que ça du genre, c’est surtout la réputation du groupe, ainsi que les louanges chantées ici et là à propos de ses derniers albums qui m'ont convaincu de venir me faire détruire les tympans par les Nancéens. Bon alors musicalement, pas de surprise : c’est du Grind, dans sa version la moins « roudoudou-Tchoupi » qui plus est !
Et en live, sous l’Altar, il ne fallait pas compter sur la qualité du son pour tenter de mieux comprendre le message « musical » passé par les loustics... En revanche, si ce que vous cherchez dans la musique, c’est la sincérité et ce genre de claque monumentale qui vous accueille quand vous vous prenez le TGV Paris – Lyon en pleine gueule, vous avez tapé à la bonne porte ! Pourtant, si sur les planches les bombes pleuvent et les cyclones hurlent, dans le public, on sent plus de curiosité que de folie. C’est ce qui va pousser Xavier, le chanteur, à descendre passer la quasi-intégralité du show en bas de la scène, debout sur les barrières, avec un gars de la sécu pour s’assurer qu’il ne se casse pas méchamment la trogne. Si vous voulez mon avis, en ce petit matin plein de papillons et de coquelicots, le Xav’ en question a sans doute pris quelque-chose de plus stimulant que des croissants à son petit déjeuner. Du coup, quand celui-ci tente une diatribe antisystème entre deux morceaux, si la sincérité est bien là, la clarté du propos n’est pas trop au rendez-vous… Et quand le zig ne joue pas au funambule sur les barrières, celui-ci fanfaronne au milieu du pit, ou fait circuler le micro pour que l’assistance puisse elle aussi y aller de son Bleuaôrngllll ! Gros respect, donc, pour le monsieur et son groupe (... d’autant qu’écouté de retour au bercail, il est vrai que Trip To the Void, le petit dernier, est une claque monumentale !)
Après s’être fait remuer ainsi les glaçons, pour faire retomber la tension, rien de mieux qu’un petit canon. Et ça tombe bien, c’est sur ce créneau qu’avait été officiellement fixé l’apéro CoreAndCo, rendez-vous immanquable pour quiconque se trouve au Hellfest et gratouille des papiers en ces colonnes – un profil assez rare, il est vrai, mais qui correspondait quand même à 4 des festivaliers présents pour l'occasion.
Il fut ensuite à nouveau temps de remplir avec le plus de pertinence possible ces trous béants qui plombaient l'agenda du jour et nous séparaient de la grand-messe pattonienne. La suite fut donc consacrée à un retour sous l’Altar, pour voir si Kronos assurait toujours autant le taf que lors de la dernière fois que je les avais croisés live – i.e. ici même, il y a 10 ans de cela ! Eh bien oui, trois fois oui. Il faut dire que la playlist n’aurait pu être plus appropriée : la célébration des 20 ans de Colossal Titan Strife étant (quasi-) toujours d’actualité, les Vosgiens nous en ont servi une gigantesque louche qui caressa nos oreilles dans le sens de la pilosité auriculaire. Quel plaisir de réentendre ces morceaux (« Colossal Titan Strife », « With Eaque Sword », « Aeturnum Pharao Curse », « Monumental Carnage »...) qui, mine de rien, sont rentrés dans mon panthéon personnel des grosses roustes Death. Puis, comme les bons souvenirs ça creuse – surtout accompagnés de growl ! – il fut nécessaire de s’extraire de la tente pour s'envoyer un petit bo bun, engouffré avec, au loin, le son des papy d'Anvil. Et pour digérer ce plat plutôt sain en comparaison avec ce que le festivalier moyen s’envoie habituellement, quoi de mieux qu’aller enduire nos tympans de saindoux ? Car c’est peu ou prou le programme proposé par les Ricains de Sanguisugabogg, entité grumeleusement Death se complaisant dans le gros Brübrübrüüüüü, dans l’ultra-pesant, l’über-gras, le méga-primate... Bref tous ces travers bien stupides que la bienséance Tech/Prog Death réprouve, mais auxquels il est autorisé de s’abandonner parfois pour peu qu’on aille à confesse après.
Pour éviter que ça ne finisse par sentir le renfermé, cap fut mis ensuite vers la Warzone, qu’on avait, il faut bien le dire, jusqu’alors négligée. S’y produisaient pour l'occasion les crêtes colorées de The Casualties, des keupons new-yorkais canal historique, dans la plus pure tradition de vieux de la vieille comme The Exploited, en peut-être plus mélodique toutefois. Dans le pit, c’était évidemment l’orgie du slam pour toutes et tous. Dans les oreilles, c'était accroches faciles, refrains basiques, révolte conviviale et sourires féroces. Forcément, à un moment ou un autre, c'est la tradition qui veut ça : les gars finissent par faire un tour dans la fosse. Par faire monter un tout jeune fan sur scène. Par inviter un pote d’un autre groupe à venir grogner avec eux… Et dans le public c’est le même bon esprit qui règne, celui-ci reprenant d’ailleurs les OhOhOhOhOh de “Unknown Soldier » longtemps après la fin du morceau, comme un seul homme / femme / être non binaire à tendance hexadécimale. J’avoue que je pensais au début juste passer vite fait pour prendre la température de la sphère No Future… Mais au final je ssuis resté jusqu’au bout, conquis par ce groupe résumant parfaitement tout ce qu’il y a de bon – de positif même – dans l’agression Punk.
C’est dingue, mais quand on est chaud bouillonnant à attendre un groupe comme le messie (si vous avez loupé les épisodes précédents, c'est de Mr. Bungle dont il est ici question), on a un mal fou à se concentrer sur autre chose. Et la prog’ de ce Samedi n’était pas faite pour m’aider à ce que les minutes passent plus vite. La suite des évènements ne fut donc qu’un long papillonage frivole et impatient, une série d’errances sans grande conviction, et de shows vus en état de semi-conscience (... la bière ayant sans doute joué pour une bonne part dans ce manque flagrant d’implication). Pourtant à 17:45, c'était rien de moins que The Haunted qui investissait les planches de l'Altar. Et ils y ont interprété quelques grosses bombes – notamment « Bury Your Dead », et encore-plus-notamment « Hate Song », qui a réussi à m’envoyer un gros uppercut dans le plexus solaire.
... Mais pas de quoi me débungliser pour autant ! Constatant, après un auto-diagnostique introspectif, que mon manque de fébrilité vis-à-vis de tout ce qui n’était pas Nawak était pour beaucoup dû à une fatigue certaine, il fut décidé à l'unanimité de moi-même que l’heure était arrivée pour un bon vieux shot de Red Bull. Ainsi qu'à une pause relaxation en face d'Extreme qui, en dehors des roucoulades grand public qui lui ont valu succès et gâteries backstage, a su en son temps faire parler la poudre funky. C’est donc sous un ciel menaçant que je constatais deux faits indiscutables : 1) Nuno Bettencourt est l'un des rares highlanders non décapités, nulle autre explication à ce visage qui n’a pas bougé depuis mon adolescence 2) enfin si, il y a une autre explication : Gary Cherone est le « portrait de Dorian Gray » de Nuno. C’est lui qui prend les coups du temps qui passe, et qui, petit à petit, se transforme en Keith Richards... C’est saisi par cette impression bizarre de voir un duo physiquement asymétrique que j’endurais une prestation très « roudoudou et papillons », pleine de Folk/Rock/Country interprété un brin de paille dans la bouche (ou presque), de badineries à la guitare acoustique, et de compos nous laissant dangereusement progresser sur le fil du j'ai-quand-même-bien-l'impression-qu'on-s'emmerde-pas-toi ?... Pour aboutir, forcément, sur l'inévitable « More Than Words ». Quoi d'autre de notable faut-il vous signaler ? Un brin de « Fat Bottomed Girls » par-ci. Un poil de Rock'n'Roll extrait de leur nouvel album par-là. Et puis, quand même, un peu de ce que j’étais venu chercher, par l'entremise du très chouette « Get the Funk Out », en provenance directe de Pornograffitti.
Avec la fin de l'après-midi arrivait enfin un vrai début de fébrilité. Oui, malgré ce sale temps bien menaçant. Une migration stratégique fut donc entreprise vers la Valley, scène habituellement boudée par mon calendrier tant elle rime généralement avec planeries saturées et hippies dénervés (Non ? On y croiserait la plupart des gens de la team ? Sans dec' ?). Afin d'éviter à la fois la foule et la pluie, je me faufilai au sein de l'une de ces petites cabanes situées aux confins de ces lieux, en une niche depuis laquelle il était tout bonnement impossible de voir la scène. Bon, voyons : c'est quoi le programme ? Qui donc fait ainsi grésiller les enceintes ? ... Chelsea Wolfe ? Ce truc plombant qui annihile vicieusement l’effet du Red Bull, c’est donc ça qui déchaîne les passions des collègues ? Je mourrai moins bête, au moins... Mais pas plus convaincu (... pas taper) ! Une heure plus tard, la fin des lamentations de la louve hooligan fut le signal qui fit sortir les crabes de leur panier et les fans de Mr. Bungle de sous leur chapiteau, afin d'aller se placer aux premières loges, sous une pluie de moins en moins timide. Dommage que la pattonomania n'ait pas pour effet secondaire de rendre imperméable : cela aurait allié l’utile à l’agréable ! On aurait également apprécié que ce penchant ait des vertus antidépressives. Car au bout du compte, sans doute trop mouillé et trop « hypé » par cette première rencontre en chair et en live, votre interlocuteur finira le concert avec un fort mauvais arrière-goût en bouche. Mais la chose est expliquée en long en large et en travers ici même.
Comment libérer le trop plein de bile sans éclabousser de pauvres âmes innocentes ? Où trouver réconfort et oubli ? Première réponse facile : dans la bière, consommée d’une main pendant que l’autre se charge d'envoyer messages et posts rageurs en direction des rares amateurs réceptifs à de pareilles récriminations. Deuxième réponse : devant Dismember, valeur sûre à la qualité et la constance toutes boltthroweriennes, qui a tout ce qu’il faut où il faut pour noyer dans une coulée de BOSS HM-2 toute idée noire et envie bunglocide. C’est donc contre les barrières de l’Altar, face à une équipe de sécu' particulièrement facétieuse (et vas-y que ça danse, et vas-y que ça balance du « Vous êtes moches » au public pour exciter le chevelu...) que mes espoirs déçus iront se faire roussir le poil. Et c'est peu dire que Matti Kärki et sa bande m'auront offert exactement ce dont j'avais besoin à cet instant précis ! Nul besoin de maîtriser sur le bout des doigts l'ensemble des huit albums du groupe pour profiter au maximum de l'épais torrent magmatique déversé par les Suédois tant leurs riffs poisseusement mélodiques trouvent naturellement le chemin du cerveau reptilien ! En dehors de Hate Campaign, toutes les époques furent couvertes ce soir-là, avec, sans surprise, une tranche de bidoche plus généreuse pour couvrir leurs premières années, représentées par « Pieces », « Soon To Be Dead », « Skin Her Alive », « Fleshless », « Override of the Overture » ou encore « Skinfather ». C'est donc la tronçonneuse à la main, le sourire hagard et les oreilles vrombissantes que, malgré les échos de « Nothing Else Matters » perçant parfois entre deux titres (eh oui, c'était grand messe et covers d'Indochine sur la Main Stage à cette même heure !) je terminerai ce concert salutaire en bonne partie « disbungled »...
Mais quand on a été fortement escagacé, mieux vaut prendre ses précautions et procéder à un deuxième lavage, histoire d'être bien sûr que toute la saleté a été retirée dans les moindres recoins. Ça tombait bien : c'était à Suicidal Tendencies qu'avaient été confiées les clés de la Warzone. Et ST comme Dismember avant lui, pour Bibi, c'est synonyme de retour au lycée. Autrement dit du gros son, mais aussi de gros souvenirs pleins de grosses émotions : de quoi réparer à coup sûr les bobos infligés plus tôt dans la soirée. Le temps de transhumer jusqu'à l'autre bout du site (en subissant les « Au revouawh Hellfest : on vous aime ! » de la bande à Lars), on ne captera que des bribes du légendaire « Can't Bring Me Down ». Mais pas grave, car c'est « War Inside My Head » qui lui succédera et offrira à ce bon vieux (adjectif à prendre dorénavant dans les deux sens du terme) Miko l'occasion d'arpenter la scène de long en large comme le skater en état d'alerte qu'il n'a cessé d'être depuis qu'il donne des concerts. À l'autre extrémité de l'échelle des âges, et contrastant donc fortement avec l'impression laissée par Cyco Papy, c'est Tye Trujillo qui tenait la basse, le flambeau ayant manifestement été passé du père au fiston. On pensait d'ailleurs que Robert profiterait de la fin du show de Metallica pour venir taper le featuring, mais non, l’événement ne se produisit pas. Cela ne nous empêcha pas de profiter de « Memories of Tomorrow », du légendaire « Send Me Your Money », puis de « I Saw Your Mommy » pendant lequel le groupe invita « quelques » fans sur scène... Les « quelques » en question se transformèrent bientôt en un afflux massif de poilus, la sécu' ayant manifestement ouvert les vannes un peu trop grand ! Ce fut dès lors un gros bordel sur les planches, qui alla croissant jusqu'à culminer sur un circle pit "on stages", rien de moins ! Cela devait être vraiment cool de vivre une telle expérience, mais c'était assez peu passionnant à mater depuis le public, pour être honnête. Suivirent encore « How Will I Laugh Tomorrow », « Pledge Your Allegiance », puis enfin le fondateur « Institutionalized ». Parce qu'il est resté frais, finalement, et un peu foufou, notre Miko !
Dimanche 30 juin 2024
Bien que, physiquement, tous les indicateurs aient été dans le vert (du moins autant qu’ils peuvent l’être quand la cinquantaine n’est plus un point à l’horizon mais un vilain mur qui se rapproche à grande vitesse), ce dimanche avait un petit goût de lendemain de cuite. Et le lapin de se sentir donc un peu groggy, sans perspective de gros choc musical susceptible de pouvoir le tirer de cette stase vaseuse caractérisant les « après » amers. En dehors – croisons les doigts – de la promesse de larges sourires pendant la prestation des Nova Twins. Mais globalement, pas de réel « Must see », pas de croix à cocher sur la liste des « choses à faire avant de mourir », ni d’espoir sérieux de coup de foudre inattendu. Pire : j’avais espéré me prendre une claque en découvrant City Morgue, mais les loustics ont finalement annulé pour cause de j’ai-un-mot-d’excuse-je-suis-dispensé-de-piscine (bref : je ne connais pas la raison). Ce dimanche sera donc caractérisé par pas mal de papillonages, d’errances placées sous le signe de la curiosité molle, et autres butinages musicaux laissant peu de place pour des reports fouillés.
Signe incontestable que cette journée serait plus hagard que bagarre, j’arrivai sur le site avec un peu de retard sur le planning, juste à temps pour voir le Wall of Death de la fin du set de Deficiency. Pour ce que j'ai pu en juger, le Thrash mélo des Lorrains s’avère compétent, frais… Très cool à vrai dire. Sourire, donc, sur la face engourdie de votre serviteur. Mais les douces pensées induites par cette prestation se virent troublées par des sonorités Electro-Cold Wave, émanant manifestement de la Temple. Des enceintes de Sang Froid, pour être plus précis. Et en effet, la formation nantaise – qui contient en ses rangs un membre de Regarde les Hommes Tomber – s’est assignée pour mission de faire remuer les popotins dans la Batcave.
Mission brillamment accomplie d'ailleurs : j’ai senti mes paupières et mon croupion battre la cadence comme une chauve-souris dans une soirée Technosferatu ! Le niveau d’énergie vitale de ma jauge restant cependant encore relativement bas, je décidai de continuer à soutenir les formations hexagonales à l’abri des tentes jumelles en me déplaçant vers Destinity. Proposant un mix Thrash / Death / Black mélo indéniablement efficace, les Lyonnais ne laissent pas au chroniqueur le loisir de dire la moindre chose désagréable – ni d’écrire la moindre ligne véritablement excitante, par contre, il faut le reconnaître. Quoique, restons objectif : s'il s'était agi de jeudi et non de ce dimanche, sûr que, nourri d'ambitions plus grandes pour cette riante journée, j'aurais eu la verve plus chatoyante.
La France continuant d’être mise à l’honneur sous les tentes de l’extrême, je restai pour assister ensuite au set de Pensées Nocturnes. C’est que, après tout, quoique typée Black, la musique de ces loustics laisse transpirer une indiscutable dimension foraine. Du moins sur le Grand Guignol Orchestra que j’ai eu l’occasion d’écouter. Et histoire de bien instaurer le joyeux malaise qui sied à ce genre de manifestation, c’est un « Douce France » se terminant en queue de poisson qui accueillera l’assistance. Pensées Nocturnes, quand on le découvre en configuration live, c’est avant tout un clown triste / chanteur maboule qu’on préférerait voir porter une camisole, des fois que. Ainsi que des cuivres – trompette, trombone à coulisse. C’est également de l’accordéon, de l’harmonica, et des looks de crasseux ayant souillé leurs loques lors d’un viol dans une mine désaffectée. Face à cette cour des miracles, on a l’impression de voir s’agiter une version hexagonale et démente d’un Avatar de retour dans les bars du Metal extrême, ce sentiment se renforçant d’autant plus lors de ces moments où accordéon, trombone et batteur malicieux combinent leurs forces pour créer de ces rythmiques guillerettes qui emmènent la musique du groupe sur des terrains moins sombres. Mais il faut l’avouer : l’expérience s’avérera plus intéressante que transcendante. Sorry Xuxu : il y a des fest’ comme ça où la « musique différente » passe moins bien que prévu...
Et puisqu’on en est à invoquer les Grands Anciens de la team, n’est-ce pas Cromy qui, album après album, encense les darons de High on Fire ? Et si on allait voir si les planches de la Hellstage 1 brûlent d’un feu aussi vif que le prétend notre collègue ? Arrivé avec dix bonnes minutes de retard, j’allai glaner un bout d’ombre (c’est que ça tape dehors !) pour profiter du concert depuis un endroit forcément mal placé, puisqu’encore libre. Lourd, inexorable, imposant, « Cometh the Storm » confirme les propos consignés dans les colonnes du présent webzine, et me mit donc dans de favorables prédispositions. Sorte de vieux James Hetfield bougon, torse-poil et enlemmyifié, Matt Pike impressionne, tandis que son bassiste de compère – Jeff Matz – essaie de rouler des mécaniques lui aussi derrière une imposante basse à deux manches. Le morceau suivant fut, semble-t-il, « Snakes for the Divine »... Et la lourdeur de confirmer son emprise sur la scène, toutefois aérée par un bon riff lead. L’ambiance ? Über-Rock’n’Roll, façon enclume à gros volume. Et le clou de finir enfoncé comme un ténia dans un intestin par un « Darker Fleece » écrasant. Sauf que… c’est requinqué, pas écrabouillé que je voulais être moi !!
13:05. Pour réussir à bien se "désécrabouiller", une pause "réservation de place devant les barrières" s’impose. Car après les coups de pelle d’High on Fire, la Main Stage 1 s’apprête à recevoir les jumelles de Nova Twins. Et cette fois le membre de la team qui s’avère motivé par la prestation est bien présent sur site : son poil jaune est ébouriffé d’impatience, et il veut vivre ça aux premières loges ! Et la séance de poireautage passif sera amplement récompensée ! Fraîcheur, énergie, jeunesse, saturation électrique rehaussée d’une touche nettement Rap’n’B : les Anglaises ne boxent pas franchement dans la même catégorie que leurs prédécesseurs en ces lieux.
Supernova est évidemment mis tout particulièrement à l’honneur via « Antagonist », « Fire & Ice », « Choose your Fighter » et son excellente parodie de jeu de combat, ainsi que l’excellent « Cleopatra », tube qui confirmera clairement qu’elles sont les boss, bitch ! Amy, lionne vindicative rugissant dans le micro, reste le point d’attention principal. Mais le buisson ardent Georgia, bien que plus discret, tient également son rôle. Et interloque même quand, par l’intermédiaire d’on ne sait quel artefact technique, celle-ci module les effets de sa basse par « imposition des mains », sans toucher l’instrument, comme s’il s’agissait d’un thérémine. Dans le public, on sent que le côté « girl power » du duo fait effet, car le slam s’avère essentiellement féminin, comme si les Twins avaient le pouvoir de désinhiber ces dames. Pour autant, pas de ségrégation dans la distribution des bonnes vibes : qu’on ait des Y pour accompagner ses X ou non, on aura tous vibré devant ce show finalement simple, funky et furieusement féminin !
C’est alors un large no man’s land qui s’ouvrait devant moi au sein de la programmation, sans rien qui motive vraiment ma carcasse à jouer les pieds de grue au milieu de fans déchaînés. Le moment était donc tout indiqué pour 1) engouffrer glucides et protéines, car la locomotive du hellfesteux reste en toutes circonstances avide de charbon à brûler 2) travailler sur brouillon un live report qui servira de pseudo-séance psy au bunglophile encore durement meurtri que j’étais 3) aller retrouver les collègues du webzine d’en face, pour un buddy meeting devenu quasi-traditionnel après toutes ces années.
Mais après une période trop longue à l’écart des scènes, un manque se fait vite ressentir. Or, en période de doute, seules l’Altar et la Warzone savent procurer de ces réconfortants flots de décibels aptes à rassasier mes longues oreilles. City Morgue ayant été annulé, c’est donc The Black Dahlia Murder, sommité américaine du Death mélo d'outre-Atlantique, qui nous accueillera en la sainte chapelle des guitares qui hurlent. Or, malgré la longévité du groupe et le succès remporté par celui-ci, j’avoue ne jamais avoir véritablement trempé mes orteils dans son onde tumultueuse. C’est donc comme une jeune fille en fleur que j’abordais la prestations des lascars, ouvert et circonspect à la fois. Malheureusement je plaçais assez mal mes pions : calé en face de la colonne de droite des enceintes, les compos me parvenaient comme une grosse bouillie grumeleuse, d’autant plus épaisse que je ne connaissais évidemment aucun titre.
Que retenir du show dans ces conditions ? Un chant un peu trop dans les aigus plutôt que dans le growl (un mauvais point, jaugé depuis mon terrier). Le son du micro apparemment sous-mixé. Trop de séances de « Hey ! Hey ! Hey ! » bovins. Et un gugusse déguisé en gorille venant faire le mariole sur scène… Euh, oui mais en fait : pourquoi ? Peu convaincu, du coup, le lapin… Et tant qu’à faire de squatter en ces lieux, je restais pour le show d’après : celui de Suffocation. Vécu avec le cerveau débranché, comme de bien entendu, ainsi qu'il est recommandé au sein de la notice. Efficacité, brutalité, ratatinade hyper carrée : les Américains ne font pas de prisonniers. Entre les salves de mitraillettes, les lancers de machettes et les découpages de maxillaires à la disqueuse (autant pour la rime en « ette »), Terrance Hobbs, Derek Boyer et leurs potes ont parfaitement rempli leur contrat : pas un morceau à côté, pas un morceau de barbaque épargné. Et on dira ce qu’on veut, mais ça fait du bien, un peu de brutes, dans un monde de douceur !
Alors non, même au bout de quatre jours, on ne peut pas dire que ça sente spécialement le renfermé sous l’Altar. Mais pour le tout dernier jour au milieu de mes semblables métalophones, j’avais envie d’un dernier tour à l’extérieur. Alors pourquoi pas tenter de glaner quelques frissons nostalgiques devant The Offspring, qui était chargé de faire patienter les fans des Foo Fighters sur la Main Stage 2 ? Sans attendre les arguments qui auraient pu me convaincre de rester à couvert, je traçai la route à travers poils, coups de soleil et godets en plastique jusqu’à un lieu pouvant offrir un aperçu décent de la prestation des vieux Punk rockers. Pour nous souhaiter la bienvenue, zéro prise de risque : bam, tic-ti-li-tic, valeur sûre de chez valeur sûre, c'est « Come Out and Play » qui ouvrit le bal. Honnêtement, rien à dire de désagréable sur l’interprétation du tube international. Par contre les gars accusent leur âge : mon dieu que c’est pépère tout ça… J’aurais bien excusé ce manque de hargne du fait de leur âge. Mais putain : vous avez déjà vu The Exploited sur scène ? En 2024, The Offspring ronronne comme un chef de projet marketing devant une machine Nespresso flambant neuve… Reconnaissons quand même que « All I Want », qui déboule dans la foulée, est relativement pêchu, ceci en partie grâce au jeune batteur de la troupe, qui semble être l'un des derniers à être motivé par autre chose que par une partie de billard avec ses potes… Retour à nouveau dans le Punk marmelade sur « Want You Bad », morceau taillé pour la bande originale tête-à-claques d’un Teen movie ricain. Histoire d’être bien sûr de ne pas juger trop vite les sales gosses californiens grisonnants, je restais encore pour une 4e compo', « Staring at the Sun »… Mais décidément, non : les lunettes de soleil font trop vieille star, les « oh OH ohO » font trop scouts, la rage contrôlée fait trop coup d’gueule de cadre sup : nulle envie de terminer le Hellfest là-dessus, le cglaume…
Heureusement, I Am Morbid proposait une heure complète de retour au bon vieux temps où le Death Metal faisait les gros yeux aux curés. Et s’il est un peu triste de devoir se contenter de cette version opportuniste d’un groupe amputé de sa principale force compositrice, il n’était pas possible de rester durablement insensible aux bombes interprétées par David Vincent et ses sbires, celles-ci étant exclusivement tirées des quatre premiers albums de Morbid Angel. C’est du moins le constat que j’avais fait au Petit Bain, où le groupe s’était produit en compagnie de Sadist et Vital Remains, en 2019. Et cette vérité allait se trouver vérifiée à nouveau – tant mieux, il aurait été triste de terminer sur une désillusion ! Mais avant de pouvoir en juger sur pièces, il fut nécessaire de lutter un temps contre le bras armé de Morphée, incarné en ce début de soirée par la playlist de Tiamat, qui anesthésiera la Temple pour le plus grand plaisir des insomniaques. Mais le réveille-matin sonnera bientôt pour badigeonner de soufre nos oreilles somnolentes. « Fall From Grace », « Visions from the Dark Side », « Blessed are the Sick » : rien que des hymnes qui parlent aux tripes ! Est-ce la fatigue, ou peut-être la volonté de communier dans un minimum de dignité ? Toujours utile que très peu de slammers perturberont ce début de set. Suivirent « Rapture », « Pain Divine », quelques plaisanteries de l’ironique tout autant qu’iconique frontman (« 1… 2… I love you ! »), et enfin le riff légendaire de « Maze of Torment ». Beaucoup moins transcendant, en revanche, fut le solo du guitariste bodybuildé chargé de gratouiller ses cordes dans le seul but de ménager une pause à Mr Vincent – afin que celui-ci puisse aller boire une tisane, sans doute… Mais nous n’avions pas encore déballé tous nos cadeaux. Suivirent encore « Dominate » (« Everybody says Hey ! », vraiment ?? Eh bien non !), « God of Emptiness », et enfin « Where the Slime Live », un classique, certes, mais à mon humble avis pas le plus exaltant des morceaux pour refermer le rideau… On regrettera donc que le dernier titre ne soit pas plus enlevé... Mais on appréciera d’avoir pu un temps oublier le vrai monde, et notamment ces 34 putain de pourcents de suffrages concédés par les plus civiquement handicapés de mes concitoyens au moins respectable des partis.
… Heureusement, le Hellfest se conclut toujours autour d’un verre, avec des potes. Le générique de fin, bien qu’empreint de mélancolie, s’avéra donc immanquablement joyeux. Et puisqu’il ne sert à rien de ressasser, on gardera de cette édition les souvenirs émus des concerts de LohArano, Sodom, Eight Sins, Textures, Clawfinger, Blockheads, Dismember, ST, Nova Twins et I Am Morbid. À la prochaine Clisson !
0 COMMENTAIRE
AJOUTER UN COMMENTAIRE