Hypno5e - Interview du 03/10/2019

Hypno5e (interview)
 

Vous voilà donc de retour en novembre avec votre nouvel album A Distant (Dark) Source, depuis quand avez-vous commencé à travailler dessus, et qui s'est chargé de la composition ?

Jonathan : Manu compose énormément de son côté tout seul et c'est lui qui est à la base de la composition d'Hypno5e, c'est son bébé. On peut dire qu'il compose tout le temps, donc il y a des morceaux qu'on a utilisés pour cet album qui ont quelques années. Mais le réel travail d'assemblage des compositions se fait à deux, je fais les enregistrements et il compose et on se retrouve en studio. Et ça, ça nous a pris l'année. Si on compte le process de mixage et de mastering qui nous fait perdre le plus de temps.
La composition, elle, s'est passée sur 3 fois 2 semaines. Ça, c'est assez rapide et c'est la suite qui prend le plus de temps, je dirais...

 

Ça ne s'est pas fait à cheval avec la BO d'Alba qui est sortie il n'y a pas si longtemps que ça (ndr : il y a un an)...

J : Non, Alba était terminé quand on a commencé l'enregistrement de A Distant (Dark) Source.

 

D'ailleurs j'avais une petite question sur Alba... Pourquoi avoir présenté l'album sous la forme d'Hypno5e alors que ça aurait peut-être été plus cohérent sous votre alter ego A Backward Glance on A Travel Road ?

J : Et bien parce que le but de cet album c'était de faire un genre de réunification de tous les projets. Parce que A Backward Glance On A Travel Road c'était vraiment Hypno5e acoustique, on retrouve vraiment toute l'ambiance d'Hypno5e et c'était pas évident de le présenter à côté. On s'est dit que finalement le mieux c’était de mettre tout ensemble et que ABGOTR devienne Hypno5e acoustique. Et vu qu'il y avait Alba autour de ça, que le film et cette BO reprenait des passages Shores of the Abstract Line, et des passages du film étaient des samples qu'on utilisait dans Shores of the Abstract Line. Et l'idée c'était vraiment de faire coïncider l'univers de ABGOTR, d'Alba et Shores of the Abstract Line... de réunir tout le concept qui allait ensemble. C'était difficile de le séparer à ce moment-là.

 

Cette expérience de BO, ça vous motive encore ou c'était juste un one-shot pour le film de Manu  ?

J : De la même façon dont il y a eu ABGOTR au départ, un premier album, on va continuer là-dessus. L'expérience de ciné-concert, on va continuer à le faire. C'était beaucoup de travail au départ pour pas beaucoup de dates parce que c'était prévu comme ça. Mais déjà on va continuer à tourner sur Alba en fil rouge quand on aura le temps. Et je pense qu'on va continuer l'acoustique, ça c'est certain d'autant plus que Manu, ça lui tient à cœur !

 

Vous revenez à votre forme classique pour cet album, est-ce qu'il y avait un besoin de revenir à votre ADN, un peu plus de violence ?

J : Si j'y réponds personnellement, je suis très content de reprendre cette formule parce qu'elle me manquait. Moi je viens plus du metal que Manu au départ... Je suis plus à l'aise dans cet exercice-là. J'adore le côté acoustique mais c'est une autre énergie, c'est différent.

 

Vous aviez eu des soucis lors de la production de Shores of the Abstract Line et du coup celui-là vous l'avez enregistré vous-mêmes. Qu'est-ce que ça a changé pour vous ?

J : Plus simple ? C'est énormément de boulot … Moi j'ai repris tout le côté prise de son, enfin toutes les prises de son sauf la batterie. Tout l'enregistrement... C'est quelque chose qui me passionne de façon autodidacte depuis un moment. Ça donne la possibilité d'avoir la main sur tout, une implication sur toute la création. Et c'est ce qui m'a permis de prendre ma place en composition sans composer dans Hypno5e et de pouvoir vraiment être présent dans l'enregistrement de A à Z et de pouvoir dire "ça, ça ne me plaît pas" et de voir avec Manu ou dire "ça ça me plaît". De créer ce truc-là à 2, même si moi je ne vais pas composer ou avoir toutes les harmonies comme lui peut le faire à la guitare...

Pour le mixage, on est resté en France avec quelqu'un que l'on connaît bien, et qui nous a fait plusieurs fois le son en live, Chris Edrich qui est pour moi un tueur dans le métier et ça nous permettait d'être présents avec lui au mixage. Déjà ça va plus vite, Hypno5e est un projet assez complexe avec beaucoup de pistes, beaucoup de samples. Donc c'est bien d'être là du début à la fin et c'est là le problème qu'on avait eu pour Shores of the Abstract Line... on a perdu énormément de temps à cause de ça.

 

Sur combien de temps s'est déroulé l'enregistrement, avec des compos aussi longues cela doit prendre énormément de temps ?

J : En enregistrement, 3 sessions d'une semaine et demie, c'est pas si long que ça mais c'est intense car on y est de 13h jusqu'à 4h du matin. Vu que les parties guitares ne sont pas connues à l'avance, parfois il faut faire des prises et des prises pour une partie complexe à maîtriser. C'est rude, mais chouette ! Ça reste plaisant, on s'éclate à chaque fois avec Manu mais c'est épuisant !

 

Comment en arrive t-on à écrire des titres de 15 minutes ? Est-ce un "exercice" que vous vous imposez ? Un besoin de prendre le temps de raconter de longues histoires, d'explorer, de les chapitrer ?

J : Disons que l'on pourrait faire un titre qui ferait tout l'album ! Mais c'est compliqué après pour toutes les sorties, les clips et tout ça...  La composition se fait directement au studio. Ça pourrait être une seule pièce, là il y a 4-5 pièces qui se découpent avec des morceaux qui se tiennent mais ça reste quand même une histoire, à la fois dans la narration et les paroles, qui va du début à la fin et dont on ne peut pas séparer les morceaux.

 

J'allais venir au thème... L'album est basé sur une histoire autour du lac Tauca, si j'ai bien compris, en Bolivie qui aurait disparu il y a plus de 15000 ans...

Manu : J'habitais pas exactement là-bas car c'est dans des régions un peu reculées qui sont à quelques heures de la capitale. Je les ai traversées quand j'étais petit avec mes parents quand on voyageait à travers la région . J'y suis retourné très souvent car c'est un endroit que j'affectionne beaucoup. J'y ai fait notamment Alba. Et après Alba, j'y suis retourné pour préparer un documentaire que je vais faire sur cette région que je connais bien. Pas encore assez parce que c'est immense, et qui m'inspire beaucoup. C'est une région où il y a plusieurs lacs et le désert de sel qui était un lac avant qui a disparu récemment. Et je me suis posé la question de la disparition en fait . On voit dans la terre certaines plantes et certaines pierres qui avant étaient sous l'eau. Il y a une espèce de géographie des marques où l'eau coulait avant, ce désert de sel. Ça m'a posé question pour l'écriture du film et de cet album-là. J'imaginais que l'espace d'une nuit il y avait comme un saut la végétation qui changeait, l'eau qui revenait et qui ramenait les spectres et revenants des gens qui avaient habité sur les rives de ce lac. Ce n'est pas forcément ce lac-là dont je parle dans l'album mais un lac imaginaire inspiré de ce lac.

 

A Distant (Dark) Source est a priori la 2ème partie de cette histoire qui se déroule la nuit. Pourquoi commencer par sortir la 2ème partie de l'histoire ? Parce qu'il sera plus calme que l'autre ? Parce que c'est une transition avec Alba ?

J : Non, ce n'est pas une transition avec Alba, c'est vraiment une idée de Manu et par rapport aux morceaux que l'on a déjà composés de l'autre. On a quelques titres qui se placeraient logiquement avant ceux-là. Le concept était intéressant aussi puisque ça raconte, même si je ne peux pas tout dire, ce qui s'est passé avant cet assèchement. Et au niveau musical ça se tient comme ça. Je pense que ça se comprendra à l'écoute... Mais sinon il n'y a pas de concept au niveau musical, on restera sur du metal. On espère le sortir rapidement après celui-ci, si tout se passe bien, mais il y a du boulot !

 

Vous sauriez envisager un album, sans samples de film, sans passages littéraires ? Ou le mélange des arts est vraiment un automatisme et vous ne vous verriez pas faire autrement ?

J : Je pense que l'on ne pourrait pas s'en passer, ça fait partie de notre musique. C'est la recette depuis le début et pour moi en tant qu'ancien fan Hypno5e, c'est la recette du groupe. Le côté qui fait voyager, ce film qu'on peut voir les yeux fermés, qu'on peut écouter à travers ces samples qui sont posés pour la mélodie ou par le sens des poèmes. C'est indissociable maintenant. On pourrait le faire mais pourquoi ? Moi je suis complètement fan de cette poésie, la poésie que ça va apporter aux morceaux, en plus des chants et des paroles.

 

On va parler un petit peu label : se retrouver sur Pelagic records avec des groupes de postcore, de metal, de post rock quand on joue un metal hybride tel que le vôtre , est-ce que ça répond à une logique artistique ou c'est juste un hasard des rencontres ?

J : Là-dessus je ne sais pas trop comment ça s'est passé. Je sais seulement que ça faisait un moment que Manu et Robin, le guitariste de The Ocean (NDLR et patron de Pelagic), étaient en contact. Ils ont tourné ensemble, à l'époque je n'étais pas encore dans le groupe. Il y avait déjà une affection avant... Sur le côté metal moderne c'est vrai que l'on s'éloigne un peu du post hardcore et tout ça, parce que l'on n'est pas aussi lent mais ça colle plutôt avec les ambiances que l'on peut retrouver chez Pelagic.

 

Au niveau de l'artwork, c'est une nouvelle fois signé Bertin et compagnie qui est basé sur Tours. Comment vous êtes-vous retrouvés à bosser avec eux, c'est une rencontre également ?

J : Oui totalement. Yvan, qui est à la tête de Bertin et compagnie, et qui apprécie vraiment Hypno5e, nous a proposé son travail en rencontrant Manu. Moi, je ne l'ai rencontré qu'après. Manu a travaillé pour eux en composition également.

Ils nous suivent par passion, par travail depuis le début. Ils ont fait beaucoup de choses pour nous . C'est eux qui, par la musique ont proposé leur travail, ça a matché comme ça.

 

Notre question classique : niveau littérature, Manu, est-ce que tu lis des bouquins en ce moment et est-ce que ça a une influence sur la musique de Hypno5e ?

Manu : les auteurs que j'aime beaucoup sont Georges Bataille, Le bleu du ciel, l'histoire de l’œil... « L'histoire de l’œil » c'est un des titres de Hypno5e inspiré de ce livre-là. Il y aussi les textes d'Antonin Artaud que l'on peut retrouver dans les samples. D'ailleurs en écoutant les samples d'Hypno5e on se rend vite compte de mes références. Camus, Alfred de Musset... Mais si j'avais un seul auteur à citer ça serait Georges Bataille.

 

Maintenant que vous êtes bien installés sur la scène musicale, que vous avez beaucoup tourné, fait beaucoup d'albums... Quels sont les points sur lesquels vous prêtez plus d'attention qu'à vos débuts, que ce soit les concerts, les tournées, les enregistrements des albums... En gros qu'est-ce que vous avez appris à éviter comme pièges, choses qui vous déplaisent, que vous ne feriez plus aujourd'hui...

Jonathan (rires) : comme ça j'aurais dit un one-shot Bretagne-Allemagne (rires)... Mais on va continuer à les faire ! Le métier apprend le côté technique qui se développe. Comme je te le disais je me suis mis au son pour pouvoir être entièrement autonome là-dessus et du coup on y vient pour le live et la scénographie. Là je suis sur la préparation de toutes les lumières, tout l'encodage numérique et en MIDI. Toute la scénographie s'est apprise avec toutes les tournées qu'il y a eues... On sait à peu près ce qui a marché, ce qui n'a pas marché etc. Moi je vois plus l'aspect technique, l'expérience scénique, la gestion du stress... Ce sont des choses que je vois changer.

 

Du coup, Jonathan, c'est toi qui gères tout le côté scénographie du groupe ? Tout le côté lumières, etc. ?

J : Ce sont des choses sur lesquelles on réfléchit beaucoup avec Manu. Il a beaucoup d'idées et on travaille là-dessus. Moi je vais plutôt être sur la réalisation derrière, la réalisation technique. Une partie de la lumière je vais la faire, pour gagner du temps, en amont plus seul. Et ensuite on partage ça quand on se remet en place en résidence avant la tournée.

 

Un dernier mot à dire pour nos lecteurs ?

J : J'adore le public c'est ce qui me fait avancer notamment dans les moments les plus compliqués, les plus chauds, quand on peut craquer. C'est ça qui me fait tenir donc un grand merci. Et en espérant que l'album sera bien reçu.

 

 


 

Note : une partie de l'interview a également été diffusée dans l'émission COREandCO radio S07E02 ! Pour l'écouter, rendez-vous sur cette page pour le podcast !

photo de Pidji
le 19/12/2019

1 COMMENTAIRE

Freaks

Freaks le 20/12/2019 à 21:24:15

Ils donnent même la parole à Guy Debord sur A Distant (Dark) Source, j'savais bien que certaines de ses idées réussiraient à s'imposer sur ces pages... Quand bien même l’écueil spectaculaire aha!
Au delà de ça, désolé pour la redite, cet album est énormissime!
L'interview est bien cool aussi, cimer Pidji ;)

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