Alice Cooper - Welcome To My Nightmare

Chronique CD album (43:24)

chronique Alice Cooper - Welcome To My Nightmare

Cela fait quelques années que l'on enregistre et faisons le deuil de divers musiciens ayant plus ou moins marqué l'histoire du rock/hard rock/metal. Et vu l'âge que commencent à avoir certains combos légendaires encore en activité qui font les beaux jours des têtes d'affiche des festivals estivaux, nul doute qu'on n'aura pas fini d'en voir de ces news tristement morbides. De toutes les figures qui ne cessent de mettre à mal le concept de « la retraite à 60 ans », s'il y en bien une qui me foutra un sacré coup de voir partir dans les abysses du diable, c'est sans aucun doute Alice Cooper. Un Vincent Furnier qui ne cesse de défier les lois de la nature en se montrant toujours plus en forme malgré qu'il frôle les 70 balais et les 50 ans de carrière. Et ce, physiquement, passionnellement et artistiquement. C'est dire, alors que beaucoup de vieux séniles s'inquiètent de la paille à adopter pour manger leur soupe, le monsieur se permet même de jouer encore le petit jeune en s'éclatant au sein d'un autre projet monté avec Johnny Depp, nommé Hollywood Vampires. La vie étant ce qu'elle est, il est peut-être temps de s'atteler à l'histoire de toute une vie, à savoir la discographie du pionnier du shock rock, avant que le destin ne joue une énième facétie en le faisant trépasser. Un sacré morceau s'il en est, qui sera distillé au compte-goutte, vu qu'on a récemment vu sortir Paranormal qui représente pas moins que la vingt-septième pierre à l'édifice. Excusez du peu...

 

 

Les Histoires de Grand-Mère Alice, acte 3, scène 1 : Divorce et émancipation cauchemardesque

 

Muscle Of Love, c'était un peu cette très mauvaise étape d'un couple en crise qu'il vaut mieux éviter farouchement : on pond un enfant dans l'espoir de raviver la flamme et recoller les morceaux. Voilà pile poil l'état d'esprit qui animait le Alice Cooper Band dont tout ce beau monde s’entre-déchirait sur les différences d'opinion sur comment devait évoluer le groupe, sans compter les problèmes d'excès divers que toute bonne rockstar a connu plus d'une fois dans sa carrière n'arrangeaient en rien les tensions. Du coup, que fait-on ? On se fait des déclarations mielleuses pour tenter de se convaincre que le feeling est toujours là. Et on le fait en public, histoire de convaincre les autres que tout va bien. Sauf que malgré tous ces efforts, rien n'y fait : le divorce est prononcé. A l'amiable toutefois puisque Vincent Furnier parvient à conserver le nom et c'est ainsi qu'Alice Cooper devient depuis lors un projet solo. Voilà qui explique sans mal pourquoi, pour la toute première fois depuis les débuts, il se passe un délai de deux ans afin de voir débouler ce fameux Welcome To My Nightmare qui deviendra LE plus gros classique d'Alice Cooper. Celui qui a su marquer l'histoire du rock dur, l'un des plus affectionnés des fans, à tel point que le maître à penser s'est décidé à lui pondre une suite – pas forcément mauvaise mais contestable sur pas mal de points – en 2011.

 

Pourquoi un tel déferlement ? Peut-être son ambiance globale portée par un concept qui marche extrêmement bien. Welcome To My Nightmare sait amener ce petit truc qui fait la différence au sein de la scène hard rock, à tel point qu'il en a créé ce qu'on appelle le « shock rock », et parvient à ne jamais prendre de rides au fil des années qui passent. On sent pleinement dans cette offrande que Furnier se fait plaisir et prend sa petite revanche sur toutes ces années de bride que le fonctionnement en groupe lui a imposé. Et surtout, a su s'entourer des bonnes personnes afin de sublimer cette vision qu'il nourrissait pour Alice Cooper depuis des lustres et qu'il avait montré de manière un peu juvénile dans School's Out. Là, imaginez qu'on reprend un peu ce dernier dans cette volonté de concept à portée théâtrale et qu'on lui fout tous les meilleurs aspects d'un album comme Killer en terme de diversité et de feeling rock. Avec un petit relent de Billion Dollar Babies sur le côté carré et imparable sans jamais forcément qu'on ne ressente ce même calibrage commercial.

 

Bref, on prend le meilleur de tous les mondes et on en fait quelque chose de magique, voilà peut-être ce que s'est dit Furnier pour aborder Welcome To My Nightmare. Et on s’acoquine des bons compères, ce qui explique sans mal pourquoi le niveau technique sur instruments a été tiré vers le haut. De même que la production qui sait se montrer efficace et équilibrée entre le côté rock et autres aspects plus théâtraux. Et surtout, on a la liberté de présenter pleinement l'univers que l'on pouvait bien avoir en tête, à savoir ce « petit théâtre des horreurs à mi-chemin entre l'inquiétant et le nanardesque ». Parce qu'Alice Cooper, ça n'a jamais été un truc à prendre trop au premier degré non plus. La volonté n'a jamais été forcément de faire peur mais plutôt de présenter du déjanté un brin malsain tel l'ambiance de la Famille Adams fait son théâtre à l'ancienne. Ce qui explique pourquoi Furnier s'est toujours brillamment illustré en bon Monsieur Loyal (le titre éponyme d'introduction ne peut que mettre ça en valeur), toute en élégance un brin goth cirquesque, qui a toujours su jouer dans les petites provocations gentiment sulfureuses. Et c'est justement ce qu'on retrouve en musique sur Welcome To My Nightmare : l'ambiance est dans le délire fantasmagorique un brin malsain sans jamais que ça ne vire à l'horrifique pur et dur, étant donné qu'on reste dans un univers centré sur l'enfance. Moins toonesque que School's Out mais sombrement déjanté également, à l'image de ce délire forain entre mélancolie et psychédélisme sur « Years Ago » dont les Stolen Babies pourront difficilement cacher s'en être servi de base pour leur musique d'ailleurs. Ou le délirant « Some Folks », bluesy et swinguant digne d'une comédie musicale. Ou encore « Black Widow », sorte d'équivalent à « Black Juju » de Killer, remodelé dans un délire plus grandiloquent (chœurs d'enfant et compagnie !) et cinématographique dans sa conclusion. Et de manière encore plus évidente « Devil's Food » aux rythmiques presque heavy/doomesques (qui s'étaleront sur « Black Widow » qui s'enchaîne juste après) si les guitares auraient été plus tranchantes et ses triturations vocales diverses et conclusion parlée totalement habitée.

 

Mais Welcome To My Nightmare, c'est aussi du hit qui a su pérégriner au fil des années dans les setlists de concert. A commencer par des « Department Of Youth » et « Cold Ethyl » d'une efficacité rock à toute épreuve. Ou encore la ballade « Only Women Bleed » qui écrase à elle seule dans l'exercice tout ce qui avait pu être fait sur Muscle Of Love tant l'émotion et feeling sont à fleur de peau, pleinement renforcées par les chœurs et les petites orchestrations symphoniques. Et bien entendu, le mythique « Steven » qui montre à tel point le rock s’accommode à merveille à l'exercice de la pièce de théâtre musicale et n'a pas forcément à rougir face à l'autre mastodonte du hard rock grandiloquent sorti la même année, à savoir A Night At The Opera de Queen.

 

A peine se remet-il de l'échec de « son mariage » que Furnier nous pond un chef-d'œuvre aussi surprenant qu'inespéré. Une rupture plus que bénéfique pour le nom d'Alice Cooper qui trouve un tout nouvel aplomb pour (re)démarrer sur des bases saines. Parce que Welcome To My Nightmare, c'est le bon compromis entre le côté comédie musicale de School's Out et le côté rock dur de Killer ou Billion Dollar Babies. Le tout, sans bride, avec les bonnes personnes, la bonne production et bien assez de moyens pour concrétiser de la meilleure manière possible cette vision audacieuse et un brin fofolle d'aller toujours plus loin dans la dimension théâtrale sans jamais que la musique – majoritairement (hard) rock – ne soit écartée. Un point de renouveau et un point culminant à la fois en somme.

photo de Margoth
le 19/05/2019

1 COMMENTAIRE

el gep

el gep le 19/05/2019 à 22:53:03

Très chouette disque, un poil kitschou quand-même, mais c'est chouete!

Après, si vous écoutez "Berlin" de Lou Reed et "The Wall" de qui-vous-savez avec çui-ci dans le même journée, vous aurez:
1. le mal de mer, voire de vivre
2. un sentiment de similitudes sur certains points forts, vous passerez donc une journée cohérente dans sa difformité

Ezrin a fait un peu plus que placer les micros et rembobiner la bande, éhéh!

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